Un fort rebond de la collecte du livret A est-il souhaitable ?

Par Mathias Thépot  |   |  841  mots
A qui profiterait un retour de la collecte du livret A?
Le rebond de la collecte du livret A en mars ne devrait pas durer. Heureusement pour la Caisse des dépôts, qui centralise la majorité des encours, et qui risquerait alors de subir le contexte des taux d'intérêt bas.

Pour la première fois depuis avril 2014, le collecte du livret A a été positive sur un mois, en mars 2015, à 110 millions d'euros. Avec le livret de développement durable (LDD), qui bénéficie quasiment des mêmes conditions que le livret A, la collecte globale atteint 260 millions d'euros en mars. Ces montants laissent-ils espérer une reprise de la collecte sur les livrets d'épargne préférés des français dans les prochains mois ?

Pas si sûr. En effet traditionnellement, « le mois de mars réussit au Livret A car il s'agit d'un mois tranquille pour les dépenses. Les soldes de janvier et février sont passées tout comme le premier tiers provisionnel de l'impôt sur le revenu. Les ménages reconstituent leur trésorerie en prévision des dépenses de printemps et d'été », détaille Philippe Crevel, président du cercle des épargnants. Le niveau combiné de collecte est même assez faible, selon lui, pour un mois de mars (1,18 milliard d'euros en 2014). Pas de raison de s'emballer donc.

Prudence des ménages

Un autre phénomène semble apparaître : dans un premier temps très réticents à placer leur épargne sur un produit financier qui sert seulement 1% de rendement, les ménages semblent s'habituer à cette faible rémunération. A cela vient s'ajouter « la désinflation générée par la baisse du cours de l'énergie qui améliore le pouvoir d'achat. Il faut noter que dans les premiers mois d'une reprise économique, il n'est pas rare que par prudence, les ménages épargnent un peu plus », explique Philippe Crevel.

Du reste, il ne faut pas oublier que les années 2012 et 2013 ont été exceptionnelles : la collecte cumulée des deux livrets, dont les plafonds ont été rehaussés à partir de septembre 2012, a atteint sur 24 mois 70 milliards d'euros, du jamais vu. Après deux tels crus, une sorte d'effet rattrapage, qui consiste dans un nouvel arbitrage des ménages concernant leur épargne de court terme, est quasi inévitable. Celui-ci s'opère notamment en direction des plans épargne logement (PEL), une épargne bloquée 4 ans qui sert aujourd'hui 2% d'intérêts.

A qui profiterait un retour de la collecte?...

Il serait donc bien aventureux de prédire une reprise durable de la collecte des livrets A et LDD. D'ailleurs est-elle souhaite pour l'écosystème ? Oui si l'on se place, d'une part, du point de vue des organismes de logements sociaux, qui bénéficient directement des ressources du livret A par le biais de prêts des Fonds d'épargne de la Caisse des dépôts (CDC), qui centralisent les encours de l'épargne règlementée.

Et aussi d'autre part, si l'on tient compte des intérêts de l'Etat qui a certes rehaussé le plafond du livret A pour financer ses objectifs élevés en matière de construction de logements sociaux, mais surtout pour s'assurer un matelas confortable de ressources au moment d'affronter les crises financières.

La CDC joue ainsi le rôle de banquier de l'Etat, puisque les Fonds d'épargne placent une partie de l'argent des livret A et LDD sur les marchés financiers ( pour un encours d'un peu plus de 100 milliards d'euros), dont une partie en titres d'organismes publics. Ils peuvent aussi jouer les pompiers de service, comme pour les collectivités locales où une enveloppe de 20 milliards d'euros de prêt sur Fonds d'épargne a été débloquée, ou bien financer des infrastructures publics.

... Pas à la Caisse des dépôts

En revanche en interne aux Fonds d'épargne, il n'est pas certain que l'on voit d'un bon œil le retour de la collecte pour les livrets d'épargne règlementée. Car dans le contexte actuel de taux historiquement bas, 1% à rémunérer chaque année, c'est beaucoup. « Surtout qu'avec la commission payée aux banques de 0,4%, plus les frais de fonctionnement et les frais de dossiers, le coût augmente à environ 2% pour les Fonds d'épargne », explique Philippe Crevel.

Or, en ce moment, les activités de prêts aux HLM et aux collectivités, qui sont soumises à la concurrence, ainsi que les activités de placements financiers, se font à des taux très bas.

Certes la maturité du portefeuille financier des Fonds d'épargne, placé de fait à des taux plus haut, leur permet encore de dégager du résultat net (820 millions d'euros en 2014). Mais si la situation combinée de taux très bas et d'un retour de la collecte sur les livrets d'épargne perdurait, la filiale de la Caisse des dépôts pourrait se retrouver en difficulté au fur et à mesure que les titres financiers qu'elle détient arrivent à échéance.

A moins bien sûr que le niveau de rémunération des livrets ne soit abaissé par le gouvernement. Ce qui serait possible puisqu'il est déjà maintenu de manière artificiellement élevée à 1%. Selon la formule de calcul connue, il devrait être aujourd'hui de 0,25 %.