En dépit des polémiques, la Suisse poursuit le processus d'achat du Gripen

Par Michel Cabirol  |   |  892  mots
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Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports a envoyé en Suède entre le 2 et 4 mai une équipe de spécialistes pour tester l'avion de combat nordique lors d'une série de vols d'essai. Berne souhaite régler les détails techniques de l'acquisition "d'ici à la fin du deuxième trimestre 2012".

En dépit de la très grosse polémique en Suisse qui a vu le jour début 2012 à la suite des conditions d'acquisition de l'avion de combat suédois par Berne fin novembre, le ministère en charge de la Défense poursuit le processus d'achat de ces appareils sans vraiment s'en soucier. Notamment sans attendre les résultats d'une sous-commission du Conseil fédéral, qui doit faire la lumière sur les conditions d'achat du Gripen par la Suisse. Ainsi, "une équipe de spécialistes des forces aériennes et d'Armasuisse (le centre de compétences de la Confédération helvétique pour l'acquisition de systèmes et de matériels technologiquement complexes, ndlr) a effectué du 2 au 4 mai, à Linköping en Suède, une série de vols d'essai avec le Gripen F Demonstrator", a annoncé vendredi dans un communiqué le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), qui a été chargé par le Conseil fédéral "de prendre en main la préparation de l'acquisition du Gripen".

A cet égard, les quatres vols effectués en avion biplace ont servi "à vérifier les évaluations du Gripen E/F ainsi qu'à réduire les risques liés au développement de l'aéronef", a précisé le DDPS, qui assure que l'ensemble des vols d'essai a pu être "effectué comme prévu". Le programme, qui s'est déroulé sur trois jours, comprenait les éléments "entraînement en simulateur" de même que "vols d'essai". Durant la première journée, les deux pilotes ont rafraîchi leurs connaissances du Gripen dans le simulateur et se sont plus particulièrement familiarisés avec les nouvelles capacités du Gripen F Demonstrator, selon le DDPS. Les deux jours suivants ont permis d'effectuer les vols d'essai, qui ont été "exécutés sur la base de divers scénarios d'engagement, tels qu'on pourrait les imaginer en Suisse". Ils comptaient chacun deux avions avec le profil d'engagement de défense aérienne et de police aérienne avec l'emport de différents missiles (IRIS-T, Meteor et Amraam)M.. Les engagements ont eu lieu avec des configurations d'armes différentes et l'appui d'avions-cibles. "Tous les vols d'essai ont pu être effectués avec succès", a assuré le DDPS.

Un radar AESA en 2012 pour le Gripen

Le Gripen F Demonstrator, testé par les pilotes suisses en Suède, est un modèle intermédiaire entre le Gripen C/D et le Gripen E/F. Ce biplace dérivé du Gripen D a pris son premier envol le 27 mai 2008 et a, depuis, plus de 200 heures de vol à son actif, selon le DDPS. Ce démonstrateur sert de plateforme pour tester les systèmes partiels du Gripen E/F. Le Gripen F Demonstrator est motorisé par le réacteur de l'américain General Electric F414G. Par rapport au Gripen D, testé en 2008, le Gripen E/F dispose notamment d'un réacteur plus puissant, d'une capacité de stockage du kérosène plus importante, d'un nouveau radar à la pointe de la technologie (Active Electronically Scanned Array /AESA), d'un capteur infrarouge de détection et de poursuite de cible (passif, d'une nouvelle avionique, cockpit inclus, d'un nouveau système de guerre électronique, de deux postes d'arme supplémentaires et d'un nouveau train d'atterrissage. Pendant l'été 2012, Saab "montera le nouveau radar AESA et le soumettra à des tests", a indiqué le DDPS, qui vérifiera les performances du radar au "second semestre de cette année".

Pour autant, lors de ses deux évaluations en 2008, dont l'une sur le standard de l'avion livré en 2015 - ce qui était initialement programmé -, l'armée de l'air suisse avait estimé le Gripen "comme insatisfaisant" pour les missions de police aérienne. Et elle avait classé l'avion de combat suédois bon dernier, derrière le Rafale et l'Eurofighter. "Le Gripen a été le seul candidat à ne pas atteindre le seuil minimal (6 points, ndlr) des capacités attendues". Lors de la seconde phase d'évaluation - soit sur le standard de l'avion livré -, le Gripen dans sa version MS21, grâce à 48 projets de modernisation dans le domaine de la police aérienne, passe de 4,2 à 5,33 points. Encore insuffisant car il n'a toujours pas atteint le fameux seuil minimal des capacités attendues par l'armée de l'air suisse.

Les détails techniques de l'acquisition réglés fin du 2e trimestre

Selon le DDPS, il est prévu de régler "les détails techniques de l'acquisition coordonnée du Gripen par la Suède et la Suisse d'ici à la fin du deuxième trimestre 2012". Car Berne, pour optimiser son achat de 22 Gripen, entend le coordonner avec Stockholm qui pourrait acheter entre 60 et 80 Gripen de dernière génération. Le Parlement suédois devrait se prononcer en décembre pour cette acquisition. Du coup, la livraison des premiers appareils ne devrait intervenir qu'entre 2018 et 2020 au lieu de 2015.

Le Parlement suisse pourrait se prononcer en 2013. Enfin la décision finale, délai référendaire compris, devrait être prise entre la fin 2013 et le début 2014. Entretemps, une sous-commission du Conseil national aura fait la lumière sur la procédure du choix du Gripen. Elle devrait rendre son rapport dans la seconde quinzaine de mai.