Pourquoi Moscou achète à l'étranger de plus en plus d'armes

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  449  mots
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Moscou teste actuellement deux blindés italiens Centauro dans la région de Moscou. Ce qui suscite de plus en plus l'agacement du complexe militaro-industriel, farouchement opposé aux importations d'armements étrangers.

Des navires, des drones et maintenant des chars lourds. La Russie n'entend pas s'en tenir qu'à l'acquisition des deux BPC (Bâtiment de projection et de commandement) français de type Mistral. Moscou envisage d'acheter au constructeur italien Oto Melara une licence pour produire des blindés lourds, Centauro. C'est ce qu'un représentant de la société italienne a déclaré samedi à l'agence RIA Novosti. Deux blindés Centauro ont été spécialement livrés pour être testés par l'armée russe dans la région de Moscou. Si les tests sont concluants, ce serait le deuxième accord de la sorte passé avec les italiens en quelques mois. La société d'Etat russe Oboronservis assemble depuis février dernier des blindés légers LMV (licenciés par Iveco) et rebaptisés « Lynx » par les Russes. Des Lynx ont déjà participé à la grande parade militaire annuelle du 9 mai sur la Place Rouge. Obronservis doit fabriquer 1.700 Lynx, dont 150 cette année

 

L'éventuelle acquisition du Centauro contribue à ulcérer les nombreux partisans du complexe militaro industriel russe, farouchement opposé aux importations d'armes étrangères. La Russie se faisait jusqu'au Mistral un honneur d'équiper son armée exclusivement auprès des industriels domestiques. Mais des voix critiques dans l'armée s'élèvent de plus en plus contre des fournisseurs russes accusés de gonfler indûment leurs tarifs (se sachant protégés de la concurrence étrangère), systématiquement en retard sur les délais de livraison et proposant des armes technologiquement dépassées. "Dans le cas des Mistral, l'Etat-Major s'est défendu en expliquant qu'il faudrait dix ans au complexe militaro-industriel pour atteindre la compétence technologique du fabricant français", expliquent les auteurs d'une étude sur Rosoboronexport publiée par l'Ecole de guerre économique.

Vers une modernisation de 70 % de ses matériels militaires

Dans le cas du Centauro, la production analogue russe n'offrirait pas une protection comparable de l'équipage contre les mines. Les opposants au Centauro affirment que le ministère de la défense russe n'a jamais exigé des constructeurs domestiques une capsule vitale comme celle qui équipe le Centauro. Et de subodorer un copinage entre officiels russes et italiens (référence aux liens d'amitiés entre Poutine et Berlusconi). Moscou serait aussi, selon le quotidien Vedomosti, intéressé par le tout nouveau blindé Boxer, qui a le désavantage d'être allemand et d'être ainsi soumis à des limites d'exportation beaucoup plus sévères que le Centauro.

 

Décidé à remplacer 70 % de son armement d'ici à 2020. Moscou est désormais le troisième acheteur mondial d'armes derrière les Etats-Unis et la Chine, avec 8 milliards de dollars en 2011.