Baïkonour : les Kazakhs clouent les fusées russes au sol

Par Michel Cabirol (avec AFP)  |   |  742  mots
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Nouveau conflit entre le Kazakhstan et la Russie portant sur le cosmodrome de Baïkonour. Astana veut un accord intergouvernemental pour fixer des compensations financières que la Russie versera en raison de la chute des débris des lanceurs sur son territoire. Pour réduire sa dépendance, Moscou prépare activement le pas de tir de Vostotchny.

Le conflit entre la Russie et le Kazakhstan portant sur le principal cosmodrome de Baïkonour, une enclave russe en plein désert kazakh et qui a été le berceau de la conquête spatiale soviétique, connait un nouvel épisode. En attendant la mise en service opérationnelle du nouveau site de lancements des fusées russes de Vostotchny dans la région de l'Oblast d'Amour (extrême-Orient), qui permettra des vols vers l'orbite géostationnaire - le premier lancement est prévu en 2016 -, Moscou doit continuer à composer avec Astana dont elle reste encore trop tributaire en matière de lancements spatiaux. C'est le président russe Vladimir Poutine qui a signé un décret le 6 novembre 2007 autorisant la construction de Vostotchny  pour réduire la dépendance vis-à-vis de Baïkonour. Les travaux à Vostotchny sont actuellement en cours.

Car selon une source au sein du secteur spatial russe citée par l'AFP, le Kazakhstan réclame un accord intergouvernemental pour fixer des compensations financières que la Russie versera en raison de la chute des débris des fusées sur le territoire kazakh. Car ce qui était un désert à l'époque soviétique est devenu une région où l'urbanisation galope. Du coup, la retombée des étages des fusées Soyuz et Proton sur le territoire kazakh ne favorise pas les lancements en direction du nord, une zone à risques.

Le Kazakhstan a confirmé lundi ne pas autoriser les tirs à partir du cosmodrome de Baïkonour de plusieurs fusées devant mettre en orbite des satellites, notamment européens, faute d'un accord avec la Russie sur les territoires réservés aux débris de lanceurs retombant sur Terre. Selon un communiqué de l'agence spatiale kazakhe, Kazkosmos, qui juge la Russie responsable d'avoir laissé traîner les négociations, les territoires kazakhs où les débris des fusées concernées doivent retomber ne sont pas couverts par l'accord russo-kazakh de location de Baïkonour de 1994. Donc le Kazakhstan ne peut pas autoriser ces tirs. "Les négociations sont en cours et doivent rapidement aboutir", explique à "latribune.fr" un bon connaisseur du monde spatial russe.

Le satellite européen de météo Metop-B sera lancé cet été

Ce nouveau conflit a bloqué les vols de trois lanceurs devant mettre en orbite sept satellites, notamment le satellite européen de météorologie Metop-B, a indiqué le journal russe "Kommersant" lundi. Ce que confirme à "latribune.fr" le président d'Arianespace et de Starsem, Jean-Yves Le Gall : "nous devions lancer Metop-B le 22 mai mais nous n'avons pas eu l'autorisation. Nous le lancerons de Baïkonour fin juillet, début août", précise-t-il. L'évolution de Baïkonour "renforce" le pas de tir de Soyuz au Centre spatial guyanais (CSG), explique-t-il. "Nous pouvons lancer sans problème en direction du nord et l'est", les zones de retombées se situant au-dessus de l'océan. Outre Metop-B, Arianespace prévoit encore de lancer de Baïkonour six satellites de la constellation Globalstar cet automne. Après ce vol, la société de commercialisation des lanceurs européens n'a plus aucun vol de Baïkonour dans son carnet de commandes. Elle a en revanche "15 contrats de lancements" pour Soyuz à partir du CSG.

115 millions de recettes pour le Kazakhstan

Par ailleurs, Roskosmos, l'agence spatiale russe expliqué que "pour ces raisons, nous ne pouvons remplir nos propres obligations et nos obligations internationales", a expliqué la source à "Kommersant". Outre Metop-B, il s'agit de la mise en orbite des satellites russes Konopous-B et MKA-PN1, bélarusse BKA, canadien ADS-1B et allemand TET-1 (prévu le 7 juin) et le russe Ressours-P (prévu en août). La Russie verse 115 millions de dollars par an au Kazakhstan pour le cosmodrome de Baïkonour au terme d'un accord allant jusqu'à 2050. C'est de cette base que décollent la plupart des fusées russes, notamment les vols habités en direction de la Station spatiale internationale (ISS).

Le Kazakhstan a par le passé déjà bloqué le décollage de certains types de lanceurs russes après l'explosion en vol de fusées. Ce conflit intervient alors que la Russie a connu une année noire en 2011 dans le domaine spatial, avec l'échec de cinq lancements. Le dernier en date remonte au 23 décembre, lorsqu'un satellite de communications militaires et civiles est retombé en Sibérie en raison d'une panne de la fusée Soyouz.