Armement : la France compte pour du beurre pour la Pologne

Par Michel Cabirol  |   |  833  mots
U-214 / HDW / DR
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, doit rencontrer son homologue polonais à Varsovie en vue de relancer la coopération entre les deux pays dans le domaine de la défense. Depuis des années, la Pologne ignore les industriels français. Et Varsovie pourrait lancer une procédure de gré à gré portant sur l'achat de deux sous-marins allemands U-214... sans tenir compte de l'offre française.

En Pologne, la France fait un "bide" en matière de ventes d'armes... Et ce n'est pas nouveau. Entre 2006 et 2010, Varsovie a royalement acheté pour 45,2 millions d'euros d'équipements militaires à la France, selon le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France en 2010. C'est ce que tente de changer le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui se démène notamment pour relancer des coopérations européennes en général, avec Varsovie en particulier. En juillet dernier, il a rencontré dans la capitale polonaise son homologue, Tomasz Siemoniak, et le président de la République polonaise, Bronis?aw Komorowski. Un déplacement qui a été l'occasion pour les deux ministres de la Défense de s'entretenir sur la question de la relance de l'Europe de la défense dans un contexte budgétaire restreint et de besoins en termes de capacités militaires. Le tout dans le cadre du Triangle de Weimar (Paris-Berlin-Varsovie). Jean-Yves Le Drian y retourne de nouveau vendredi et verra Tomasz Siemoniak.

Le triangle de Weimar n'est pas équilatéral

Mais les dés polonais sembleraient être pipés pour la France, selon nos informations. Et très clairement, le triangle de Weimar serait beaucoup plus isocèle qu'équilatéral, Varsovie privilégiant Berlin aux dépens de Paris. Ainsi, après avoir lancé il y a deux ans environ une demande d'information (RFI) portant sur l'achat de deux sous-marins, Varsovie s'apprêterait finalement à réaliser très rapidement une procédure de gré à gré avec l'Allemagne pour l'acquisition de deux sous-marins U-214 du chantier naval allemand HDW. Une procédure d'ailleurs contraire à la nouvelle réglementation européenne, qui limite les procédures d'achats d'armement en gré à gré entre des pays européens.

La France propose deux Scorpène

Paris, qui propose deux sous-marins Scorpène pour 950 millions d'euros dans le cadre du RFI ainsi que des investissements dans les chantiers navals publics polonais aujourd'hui en faillite, pourrait encore faire les frais de l'axe Varsovie-Berlin. Comble du comble, les Polonais ne demandent même pas aux Allemands d'investir dans leurs chantiers navals, précise-t-on à "latribune.fr". "Nous demandons simplement une compétition équitable dans le cadre d'un appel d'offre raisonnable, explique-t-on à Paris. Nous souhaitons simplement concourir et pourquoi pas briser le tropisme allemand de l'armée polonaise, en particulier de la marine". Pour apaiser les réticences de Paris, Varsovie promet vaguement de favoriser les Français dans une acquisition de patrouilleurs hauturiers.... vers 2020. Ce qui est loin d'être sûr.

Eurocopter outsider

La compétition portant sur l'achat par Varsovie de 70 hélicoptères multirôles pour son armée, au lieu des 26 prévus initialement prévus, est loin d'être gagnée. Car le constructeur italien AgustaWestland fait la course en tête, estime-t-on à Paris. La Pologne avait lancé en mars un appel d'offre pour l'acquisition de 26 appareils pour lequel les groupes italien AgustaWestland (AW149), européen Eurocopter (C725) et américain Sikorsky (S-70) avaient marqué leur intérêt. La valeur de cet appel d'offres lancé fin mars était estimée entre  700 millions et 1 milliard d'euros. Selon la presse polonaise, AgustaWestland et Sikorsky Aircraft, apparaissent les mieux placés pour remporter cet appel d'offres en raison de leurs partenariats industriels. Ainsi, le groupe italien avait racheté en 2010 l'usine de PZL à Swidnik (sud), qui produit des hélicoptères Sokol utilisés dans les opérations de sauvetage, la lutte contre les incendies et le transport, notamment militaire. Ils sont vendus en Pologne, en République tchèque et en Corée du Sud. L'américain Sikorsky Aircraft produit, quant à lui, dans son usine de Mielec (sud) sa nouvelle version de l'hélicoptère Black Hawk, S70i, destinée à l'exportation. "Les sociétés qui réfléchissent à participer de façon efficace à l'appel d'offres doivent apporter des garanties que ces hélicoptères seront produits en Pologne. Il s'agit d'un soutien à l'économie, au marché polonais du travail", avait expliqué fin septembre le Premier ministre polonais, Donald Tusk, plutôt pro-allemand. Pour autant, Eurocopter semble offrir un appareil en adéquation avec les besoins opérationnels de l'armée polonaise.

MBDA face aux Etats-Unis

Au-delà des sous-marins et des hélicoptères, les industriels français s'interrogent sérieusement sur la substance concrète que les Polonais souhaitent donner à la coopération avec la France. Car la décision d'acheter en 2002 des F-16 aux Etats-Unis plutôt que des Mirage 2000-5 a laissé des traces durables à Paris. D'autant que Varsovie n'a cessé de signer des contrats avec des concurrents de groupes français: l'avion de transport C-130 (Etats-Unis), 2.700 missiles antichars Spike (Israël), 128 chars de combat Leopard 2 (Allemagne), véhicules blindés MRAP américains... Sans oublier le bouclier antimissile d'une valeur estimée entre 3 et 6 milliards de dollars souhaité ardemment par Varsovie. Un contrat qui pourrait être attribué aux industriels américains alors que MBDA postule avec le système antimissile SAMP/T.