"La France n’est plus une grande puissance militaire globale" (Hervé Morin)

Par Propos recueillis par Michel Cabirol  |   |  512  mots
Pour l'ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, "la construction de la LPM n'est pas tenable"
Ce mardi vers 17 heures, l'Assemblée nationale va se prononcer sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014-2019. L'ancien ministre de la Défense explique à "La Tribune" pourquoi il votera contre ce texte.

Que pensez-vous de la loi de programmation militaire ?
La loi de programmation militaire (LPM) souffre de la politique, qui est actuellement menée par François Hollande. Cette maladie s'appelle l'indécision. On ne peut pas toujours se raconter des histoires. L'équation qui est présentée par ce gouvernement est mensongère pour les armées : pas de croissance en perspective, envolée des coûts des opérations extérieures, recettes exceptionnelles improbables… C'est pour cela que je voterai contre la LPM. Pas contre parce que les socialistes n'alignent pas les milliards mais parce que le ministère de la Défense doit tenir compte d'un nouveau paradigme financier.

C'est-à-dire ?
Nous sommes dans le camouflage. Il manque 40 milliards d'euros dans le budget équipement par rapport à ce qui a été prévu en 2008. Soit grosso modo trois à quatre années budgétaires selon qu'on enlève ou non les crédits pour l'entretien programmé des équipements. Ce gouvernement raconte donc des bobards aux armées. Car si la France souhaite maintenir les choses en l'état, il faut augmenter les crédits. Mais ce n'est pas possible.

La construction de la LPM n'est donc pas tenable. Ce que je reproche à François Hollande, ce n'est pas de prévoir une hausse des crédits pour les équipements militaires, c'est son manque de choix. On est dans une sorte de déni.

Alors que préconisez-vous ?
Dès lors qu'il manque 40 milliards d'euros, il y a nécessité de reconfigurer en profondeur les forces armées françaises. Car la France n'est plus une grande puissance militaire globale. Mais l'armée française reste encore crédible. Il aurait fallu préparer les personnels à des mouvements inéluctables. Ils ne le sont pas. Le ministère de la Défense procède par à-coups. Il y a une véritable politique de camouflage des restructurations alors qu'il aurait fallu un vaste plan de façon à penser et anticiper cette vaste réorganisation. Aujourd'hui les états-majors n'arrivent plus à savoir où on veut les faire aller.

Faut-il encore réduire le format des missions ?
Sans aucun doute. Il faut repenser le dispositif avec un corps expéditionnaire en complète autonomie stratégique de 4.000 à 5.000 hommes pour une opération de type Mali. Puis, nous pouvons ajouter des briques capacitaires dans le cadre d'une coalition comme le font les autres pays européens. Et non pas saupoudrer les moyens et nous bercer d'illusions.

Et le nucléaire ?
Bien entendu que le nucléaire est un vrai sujet. Maintenir deux composantes nucléaires aujourd'hui ne se justifie plus. Le nucléaire absorbe déjà un tiers de l'effort des crédits d'équipements. La modernisation de la Force océanique stratégique va engloutir des milliards d 'euros à partir de 2016 pour la construction de sous-marins nucléaires de nouvelle génération. Cette question-là devrait être posée. Mais le nucléaire, cela fait chef. Et comme François Hollande veut endosser les habits d'un chef, ce gouvernement ne touche pas au nucléaire.