Corruption : le constructeur italien AgustaWestland se crashe en Inde

Par M.C. avec agences  |   |  890  mots
Les enquêteurs italiens pensent que des pots-de-vin d'un montant de 10 % du total du contrat, soit environ 50 millions d'euros
L'Inde a annulé à la suite d'un scandale de corruption le contrat portant sur l'achat de 12 hélicoptères VVIP/VIP passé avec le constructeur italien AgustaWestland (groupe Finmeccanica). Un contrat de 556 millions d'euros.

Après plusieurs mois d'enquête, l'Inde a finalement annulé à la suite d'un scandale de corruption le contrat portant sur l'achat de 12 hélicoptères VVIP/VIP passé avec le constructeur italien AgustaWestland (groupe Finmeccanica), a annoncé mercredi le ministère de la Défense dans un communiqué. Signé en février 2010, ce contrat, d'un montant de 556,2 millions d'euros, a été annulé à la suite d'une réunion entre le ministre de la Défense indien A. K. Antony et le Premier ministre, Manmohan Singh.

Le gouvernement "a mis fin à l'accord de manière immédiate (...) sur la base de violation de la clause d'intégrité conclue dans le cadre du pré-contrat avec AWIL" (AgustaWestland International Limited), a précisé le communiqué. AgustaWestland est soupçonné d'avoir versé des pots-de-vin au gouvernement indien en marge de la vente en 2010 des hélicoptères de type AW101, destinés au transport de hautes personnalités comme le président et le Premier ministre. AgustaWestland avait gagné contre l'américain Sikorsky avec le S-92. Le russe Rosoboronexport, qui proposait le Mi-172 mais qui n'a pas voulu signer la clause d'intégrité (Pre-contract Integrity Pact-PCIP), avait été éliminé par les Indiens.

Trois hélicoptères livrés

L'Inde avait déjà suspendu le contrat en 2013 après que des enquêteurs italiens ont ouvert une enquête sur des accusations de pots-de-vins versés pour le remporter face à ses concurrents américain et russe. Le patron de Finmeccanica, Giuseppe Orsi, avait été arrêté en février dans le cadre de cette enquête et a depuis démissionné. L'enquête a également provoqué un scandale politique en Inde où le gouvernement conduit par le parti du Congrès est la cible d'accusations de corruption alors que des élections doivent se tenir cette année.

AgustaWestland avait demandé en novembre la création d'une commission d'arbitrage pour tenter de sauver le contrat. L'Inde a déjà reçu trois hélicoptères AW-101 et a stoppé la livraison des neuf restants. Mais cette requête avait été rejetée par les autorités indiennes.

Un médiateur nommé par l'Inde

New Delhi a  toutefois annoncé mercredi la nomination de leur propre médiateur "avec pour objectif de garantir les intérêts du gouvernement", souligne le communiqué du ministère de la Défense. Le gouvernement indien estime que "les questions liées à l'intégrité ne sont pas du ressort d'un arbitrage", indique-t-on de même source, "mais AWIL a demandé un arbitrage et nommé de son côté un médiateur". "En conséquence, le ministère de la Défense a demandé de nouveau l'opinion du Procureur général" et a nommé un juge, B.P. Jeevan Reddy comme médiateur.

Les enquêteurs italiens pensent que des pots-de-vin d'un montant de 10 % du total du contrat, soit environ 50 millions d'euros, ont été versés à des responsables indiens pour qu'ils choisissent AgustaWestland, selon des informations publiées par les média italiens. Le contrôleur des comptes indien avait indiqué dans un rapport publié en 2013 que le ministère de la Défense s'était "écarté à plusieurs niveaux des procédures en vigueur pour les appels d'offre".

L'ancien chef de l'armée de l'air soupçonné de corruption

La police indienne avait fouillé en mars dernier la maison de l'ancien chef des forces armées aériennes S.P. Tyagi, qui nie toute implication dans cette affaire. Selon les médias, de l'argent aurait été versé au cousin de ce dernier, et d'autres sommes auraient transité via des intermédiaires et des comptes à l'étranger, en Grande-Bretagne, en Suisse, en Tunisie et sur l'île Maurice.

AgustaWestland a toujours nié toute malversation. Porte-parole de Finmeccanica, Roberto Alatri a déclaré que le groupe italien défendrait sa position au cours de la procédure d'arbitrage. "Nous sommes certains de nous être comportés correctement sur le plan éthique", a-t-il expliqué. Cette annulation porte un coup au constructeur italien et à sa maison mère Finmeccanica. Giuseppe Orsi a rejeté toute culpabilité et son avocat a qualifié les accusation portées contre lui de "sans fondement" et "injustifiées".

Des élections organisées au premier semestre 2014

La décision d'annuler le contrat est interprétée comme une tentative du gouvernement de limiter les conséquences négatives du scandale avant les élections qui doivent être organisées au premier semestre de 2014. Le contrat avec AgustaWestland avait reçu dans un premier temps le feu vert du gouvernement de Manmohan Singh qui pourrait faire les frais des accusations de corruption lors du scrutin.

A la suite d'irrégularités, le ministère de la Défense indien a déjà exclu des procédures d'acquisition de matériels militaires six sociétés, dont quatre étrangères, pour une période de dix ans. Parmi elles, on retrouve une société israélienne IMI (Israel Military Industries), une singapourienne Singapore Technologies Kinetics, une suisse (Rheinmetall Air Defence) et enfin une russe Corporation Defence. IMI a commis certaines irrégularités dans la construction d'une usine de production de systèmes de charge bi-modulaires (BMCS) pour des canons de 155 mm, à Nalanda au Bihar. La société israélienne avait signé un contrat en mars 2009, qui a été annulé trois ans plus tard en mars 2012.