Armement : pourquoi le "made in France" s'exporte aussi bien

Par Patrick Cappelli  |   |  628  mots
(Crédits : DCNS)
Avec près de 17 milliards d'euros d'armement vendu en 2015, la France a battu tous ses records. Plusieurs facteurs expliquent ce succès à l'export qui profite plus aux grands groupes qu'aux PME du secteur.

En matière de vente de produits français sur les marchés mondiaux, c'est l'industrie du luxe qui vient d'abord à l'esprit. Il faut désormais compter avec les systèmes d'armement. Avions Rafale, frégates Fremm, sous-marins Shortfin Barracuda (si l'Australie signe le contrat avant la fin de l'année) : les armes "made in France" séduisent les acheteurs étrangers. Pourtant, il n'est pas évident de vendre des armements quand on est d'abord connu pour ses compétences dans la sphère civile, comme c'est le cas pour Safran.

Pour Philippe Petitcolin, directeur général de Safran présent au Paris Air Forum, vendre des moteurs d'avions pour l'aéronautique civile et des systèmes destinés aux militaires, ce n'est pas la même chose.

« Dans le civil, nous réalisons 80% de notre activité à l'export, avec un taux de croissance annuel de +4,7%. Dans le militaire, cela progresse moins vite ».

En cause : les critères politiques et les partenariats avec les entreprises locales, indispensables pour réussir à l'export.  Par ailleurs, vendre des armes à l'étranger suppose une approche collective, car les États n'achètent pas une arme, mais un système complet, ce qui sous-entend plusieurs fournisseurs. Enfin, la R&D est un élément clé de ce secteur. Safran, par exemple, lui consacre 12% de son chiffre d'affaires, dont 8% autofinancés, soit 1,4 milliard d'euros en 2015.

Les PME moins performantes à l'export que les groupes

Les PME sous-traitantes de grands groupes ont elles plus de difficultés à commercialiser leurs produits hors de nos frontières.

« Seules 20% des PME exportent. Or, cette activité est vitale pour les entreprises de petite taille » explique Bertrand Lucereau, président du comité Aéro-PME du Gifas (Groupement des Industries françaises aéronautiques et spatiales) et PDG de Secamic, PME de 100 personnes pour 56 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Le patron de Secamic met en avant le faible montant des aides françaises pour la recherche aéronautique par rapport aux pays voisins : 60 millions accordés par la DGAC (Direction Générale de l'Aviation Civile), contre 150 millions en Allemagne et 200 millions au Royaume-Uni. Bertrand Lucereau incrimine également le coût du travail en France, « insoutenable pour les PME » selon lui :

« les grandes sociétés peuvent aller fabriquer à l'étranger. Moi, je ne sais pas faire ».

Néanmoins, le président du comité Aéro-PME du Gifas apprécie le soutien des leaders hexagonaux de l'armement :

« on s'améliore grâce aux grands groupes qui nous emmènent dans leurs bagages ».

Il se félicite également de l'initiative du Gifas qui a mis en place des cellules de veille aux États-Unis, en Malaisie et à Dubaï afin de fédérer un réseau français aéronautique dans ces régions du monde, et de l'apport des salariés en VIE (Volontariat international en entreprise), qui devraient être 10.000 en 2017.

Le Drian : l'arme de "décision massive"

Une fois n'est pas coutume, un ministre, en l'occurrence Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, fait l'unanimité en tant qu' « atout majeur » pour les exportations d'armement françaises.

« Il fait très bien le job. Mais il ne faut pas sous-estimer le travail du Président de la République, très actif lui aussi. Néanmoins, chacun reste à sa place : les produits sont vendus par les industriels », précise Philippe Petitcolin.

Pour Bernard Lucereau, « c'est vrai, le ministre fait vraiment bien son boulot, il est à l'écoute des PME,  et les ambassadeurs se bougent plus pour nous ». Les matériels de guerre labellisés France ont en sus l'avantage d'être souvent combat proven (éprouvés au combat) grâce aux nombreuses opérations extérieures des armées tricolores. Autant d'atouts qui annoncent de nouveaux records pour les ventes d'armement françaises.