Détroit d'Ormuz : Parly énonce les réserves de l'UE sur l'opération américaine Sentinel

Par AFP  |   |  1218  mots
Les États-Unis ont lancé l'idée d'une coalition en juin, après des attaques contre plusieurs navires dans la région du Golfe imputées par les Etats-Unis à l'Iran qui a démenti. (Photo: un hélicoptère d'attaque Viper AH-1Z du Marine Medium Tiltrotor Squadron 163, la 11e Unité du corps expéditionnaire des Marines, décolle du pont de l'USS Boxer, dans le détroit Ormuz, au large d'Oman, sur cette photo publiée par la marine américaine le 12 août 2019.) (Crédits : Reuters)
Alors que le ministre américain de la Défense a annoncé mercredi le lancement (avec le Royaume-Uni, l'Australie et Bahreïn) de l'opération Sentinel dans ce détroit par où transite le quart du pétrole mondial, Mme Parly a implicitement confirmé le soutien de la France à l'idée de déployer une mission européenne d'observation dans la région pour assurer une "présence dissuasive".

La ministre française de la Défense Florence Parly a affirmé jeudi que l'Union européenne avait des réserves sur l'opération navale américaine d'escorte dans le détroit d'Ormuz et précisé que certains pays voulaient déployer des moyens européens dans la région pour assurer une "présence dissuasive".

"Nous ne voulons pas être dans un dispositif d'escorte des navires, mais nous voulons assurer une présence dissuasive", a expliqué à l'AFP Mme Parly peu avant une réunion informelle avec ses homologues européens à Helsinki.

Mme Parly a implicitement confirmé le soutien de la France à l'idée de déployer une mission européenne d'observation dans la région. Elle a toutefois souligné que le nombre de pays de l'UE prêts à s'engager se "compte sur les doigts d'une main".

La question des moyens à déployer sur le terrain

"Nous allons essayer de passer à la deuxième main" au cours de la réunion d'Helsinki, a-t-elle ajouté. "Mais le  dispositif se fera avec les moyens existants dont il faudra tirer le meilleur parti", a-t-elle insisté. La France maintient en permanence une frégate dans la région.

Selon le centre de réflexion allemand DGPA, une telle mission nécessiterait une flottille d'au moins cinq navires, dont un vaisseau de commandement et un porte-hélicoptères, et des moyens de reconnaissance.

Beaucoup d'hésitations européennes

La réunion s'est élargie dans l'après-midi avec la participation des ministres des Affaires étrangères. Plusieurs d'entre-eux se sont montrés très circonspects sur cette mission européenne. "Il est très difficile de dire si une telle mission se fera", a déclaré le chef de la diplomatie finlandaise Pekka Haavisto, hôte de la réunion.

"Nous devons être très prudents et éviter toute escalade militaire", a pour sa part insisté le chef de la diplomatie letton Edgar Rincevics.

"Il est important qu'une telle proposition soit sur la table", a toutefois assuré le chef de la diplomatie néerlandaise Stef Blok.

"Tout ce qui peut contribuer à la désescalade est désormais utile", a pour sa part assuré le ministre allemand Heiko Maas.

"L'objectif est de garantir la libre navigation et la sécurité des navires dans cette région vitale pour le transport des hydrocarbures", a précisé Mme Parly.

"Il serait malencontreux de donner le sentiment que nous nous inscrivons dans l'initiative américaine de sanctions maximales", a-t-elle souligné.

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Le ministre américain de la Défense Mark Esper a annoncé mercredi le lancement de l'Operation Sentinel avec la participation du Royaume-Uni, de l'Australie et de Bahreïn.

Florence Parly insiste sur la persistance des tensions

"Le président Emmanuel Macron recherche la désescalade des tensions dans la région. Or nous sommes loin de l'objectif recherché", a déploré Florence Parly.

Le président français a invité le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif en marge de la réunion des dirigeants du G7 à Biarritz le week-end dernier.

"Ce n'est pas parce que le président Donald Trump a laissé le président Macron pousser son initiative avec l'Iran que l'administration américaine a changé de position vis-à-vis de Téhéran", a-t-elle commenté.

"Nous avons entendu à Biarritz une plus grande volonté de dialogue des États-Unis. Il s'agit à présent de concrétiser cette volonté et de veiller à ce que chacun y contribue, y compris l'Iran", a estimé Heiko Maas.

Éviter que les décisions iraniennes ne deviennent irréversibles

L'objectif est d'éviter que les décisions prises par les autorités iraniennes de s'affranchir des certains engagements de l'accord sur le nucléaire deviennent irréversibles. "Elles ne le sont pas encore", a dit à l'AFP un responsable européen. "L'Iran a vendu de l'eau lourde à la Chine et a consommé une partie de ses surplus", a-t-il expliqué.

Une délégation iranienne se rendra la semaine prochaine à Paris et une réunion est envisagée prochainement avec les négociateurs européens.

Téhéran pousse les Européens, qui veulent préserver l'accord international dont se sont retirés les États-Unis, à prendre des mesures pour passer outre aux sanctions américaines et lui permettre de pouvoir exporter son pétrole, importante source de revenus pour le pays.

Les États-Unis peinent à mettre sur pied leur coalition internationale

Les Etats-Unis ont lancé l'idée d'une coalition en juin, après des attaques contre plusieurs navires dans la région du Golfe imputées par les Etats-Unis à l'Iran qui a démenti. L'idée était que chaque pays y escorte militairement ses navires marchands avec le soutien de l'armée américaine, qui assurerait la surveillance aérienne de la zone et le commandement des opérations.

Les Européens ont décliné l'offre, ne voulant pas s'associer à la politique de "pression maximale" sur l'Iran du président américain Donald Trump, car ils cherchent à préserver l'accord nucléaire iranien.

Pour mémoire, le Royaume-Uni a annoncé lundi 5 août qu'il allait participer à une "nouvelle mission de sécurité maritime internationale" aux côtés des Etats-Unis afin de protéger les navires marchands dans le détroit d'Ormuz, dans le Golfe, une région stratégique au coeur de tensions avec l'Iran.

"Ce déploiement renforcera la sécurité et rassurera le transport maritime", a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, dans un communiqué. "Notre objectif est de bâtir le soutien international le plus large possible afin de faire respecter la liberté de navigation dans la région", a-t-il ajouté.

Les Etats-Unis cherchent à mettre sur pied une coalition internationale pour escorter les navires de commerce dans le Golfe mais elle ne semble pas attirer beaucoup de pays, de nombreux alliés de Washington paraissant soucieux de ne pas se laisser entraîner dans un conflit ouvert dans cette région.

Avant de s'associer à Washington, Londres avait dit en juillet vouloir mettre en place une mission de protection avec les Européens, en réponse à l'arraisonnement par l'Iran d'un pétrolier battant pavillon britannique dans le détroit d'Ormuz.

L'annonce de lundi ne modifie en rien la politique britannique vis-à-vis de l'Iran, a affirmé le chef de la diplomatie britannique. "Nous restons engagés à oeuvrer avec l'Iran et nos partenaires internationaux pour désamorcer la situation et maintenir l'accord nucléaire", a-t-il insisté.

Trois pétroliers étrangers saisis par l'Iran en moins de trois mois

Les tensions ne cessent de monter dans cette région stratégique depuis le retrait américain en mai 2018 de l'accord nucléaire iranien, suivi du rétablissement de lourdes sanctions américaines contre l'Iran. Elles se sont intensifiées ces dernières semaines, avec des attaques contre des pétroliers dans le Golfe, imputées par Washington à Téhéran, qui dément toute implication.

Et l'Iran a annoncé dimanche 4 août avoir saisi un pétrolier étranger dans le Golfe, le troisième en moins de trois mois dans cette région par laquelle transite le tiers du pétrole mondial acheminé par voie maritime.

Londres avait déjà décidé d'escorter les navires civils battant pavillon britannique dans le Golfe.