La communauté internationale divisée face aux «robots tueurs»

Par Samuel Stolton, Euractiv  |   |  769  mots
Le X-47B, de Northrop Grumman Corporation, est un chasseur sans pilote. (Crédits : Northrop Grumman Corporation)
L’interdiction des systèmes d’armes létaux autonomes, aussi appelés « robots tueurs », fait débat à l’ONU. L’Europe a la position la plus réticente, mais certains États membres sont moins radicaux. Un article de notre partenaire Euractiv.

Les Nations unies ont lancé une série de discussions sur les conséquences de l'utilisation des systèmes d'armes létaux autonomes. Droits de l'Homme, éthique et sécurité sont en effet malmenées par ces armes de plus en plus courantes dans les guerres modernes. Amandeep Singh Gill, ambassadeur de l'Inde, préside les négociations. Une tâche délicate.

La Russie clairement opposée à l'interdiction des "robots tueurs"

La Russie s'oppose clairement à une interdiction des systèmes d'armes létaux autonomes et les États-Unis entretiennent une position très ambiguë. De leur côté, les États de l'Union européenne devraient continuer à défendre leur position : ce sont des êtres humains qui doivent prendre les décisions pouvant mener à la mort.

Depuis le début des discussions, en avril, l'UE a en effet pris des mesures pratiques pour contrecarrer le développement des « robots tueurs ».

« Les humains devraient prendre les décisions liées à l'utilisation létale de la force, exercer un contrôle suffisant sur les systèmes d'armes létaux qu'ils utilisent et rester responsables des décisions qui décident de la vie ou de la mort », affirme l'UE.

En juillet, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à une « interdiction internationale des systèmes d'armes échappant à tout contrôle humain sur le recours à la force ».

Le Royaume-Uni cultive l'ambiguïté, comme les États-Unis

Dans certains États, des initiatives autonomes voient également le jour pour prévenir le développement de ces technologies. La commission parlementaire belge dédiée à la défense a par exemple adopté une résolution encourageant le gouvernement à soutenir un accord international contre l'utilisation des systèmes d'armes létaux autonomes. En Italie, le Réseau pour le désarmement a organisé une conférence au parlement national, afin de discuter du renforcement de la législation.

D'autres pays semblent cependant aller à contre-courant. En juin, le gouvernement britannique a ainsi refusé d'envisager une révision de sa définition des systèmes d'armes létaux autonomes afin de la rapprocher des définitions internationales.

L'association des Nations unies du Royaume-Uni avait au contraire appelé le gouvernement à entraver le développement de technologies de pointe qui pourrait mener à des guerres robotiques.

La réticence de Londres à coopérer pleinement sur ce dossier se retrouve à la fois en Allemagne et en France. Les deux pays ont en effet rejeté une interdiction totale des systèmes d'armes létaux autonomes.

"L'armement avance beaucoup plus vite que les lois"

Cette semaine, des militants ont exprimé leurs inquiétudes quant aux négociations. Une campagne contre les robots tueurs a été créée pour soutenir une interdiction totale, alors qu'Amnesty international milite pour l'adoption d'une législation adaptée aux progrès technologiques.

« Les robots tueurs n'existent plus que dans la science-fiction », estime Rasha Abdul Rahim, chercheur chez Amnesty. « En revanche, les drones intelligents aux fusils autonomes, qui choisissent leur cible, ça existe. L'armement avance beaucoup plus vite que les lois. »

L'utilisation d'armes complètement autonomes a aussi été critiquée par l'organisation Human Rights Watch (HRW). Celle-ci a récemment publié un rapport indiquant que le développement, la production et l'utilisation d'armes autonomes enfreignent directement la clause Martens, un texte régulièrement cité dans le droit humanitaire international et les traités de désarmement.

Cette clause stipule que « les civils et les combattants demeurent sous la protection et l'autorité des principes du droit international découlant de la coutume établie, des principes de l'humanité et des exigences de la conscience publique ».

Une décision ambitieuse cette semaine à Genève ?

Selon les militants, la « conscience publique », qui comporte l'application de normes morales, ne peut pas être reproduite dans le processus décisionnel des machines. Par conséquent, aucune autre option que l'interdiction de ces systèmes ne devrait être envisagée.

« L'interdiction des systèmes d'armes pleinement autonomes pourrait empêcher certains scénarios véritablement dystopiques », souligne Rasha Abdul Rahim.

« Nous appelons les États présents à Genève cette semaine à agir avec l'urgence qu'exige cette question et à se doter d'un mandat ambitieux pour faire face aux nombreux risques posés par les armes autonomes. »

Suite aux discussions de cette semaine, Federica Mogherini, responsable de la politique étrangère de l'UE, fera une déclaration sur les systèmes d'armes autonomes lors de la session plénière du Parlement européen de septembre.

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Par Samuel Stolton, Euractiv.com (traduit par Manon Flausch)

(Article publié le mercredi 29 août 2018, à 10:12, mis à jour à 11:34)

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