Le coup de blues d'Airbus et de Boeing sur les ventes long-courriers

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  742  mots
La compagnie américaine a repoussé les livraisons d'A350 et de B787
Coup sur coup, China Southern a commandé 20 A350 et American a reporté la livraison d'A350 et de B787. De ces deux annonces, la seconde illustre en fait le mieux la tendance du marché des avions long-courriers. Depuis plusieurs mois ce dernier est à la peine. Explications.

Les annonces se suivent et ne se ressemblent pas dans l'aéronautique. Mercredi 26 avril, Airbus recevait une très belle commande de China Southern pour 20 Airbus long-courrier A350. Le lendemain, jeudi, 27 avril, American Airlines annonçait de son côté avoir trouvé un accord avec Airbus et Boeing sur le report de livraison d'appareils long-courriers. Prévu initialement en 2018, le premier A350 sera livré à la compagnie américaine en 2020. La livraison de 22 autres appareils sera quant à elle décalée de deux ans en moyenne par rapport au calendrier initial, entre 2020 et 2024. American a également reporté de quelques mois la livraison de deux B787. La compagnie en prendra possession, non plus au deuxième trimestre 2018 comme prévu, mais au premier trimestre 2019.

D'autres compagnies réfléchissent à reporter leurs livraisons

Entre la commande chinoise et le report de livraison américaine, c'est la seconde annonce qui traduit le mieux la tendance des ventes d'appareils gros-porteurs depuis quelques mois. Pour de nombreux experts en effet, la probabilité de voir d'autres compagnies aériennes emboîter le pas à American semble en effet supérieure à celle de voir des prises de commandes massives d'appareils long-courriers. Delta, par exemple, a déjà indiqué étudier la possibilité de différer la prise de livraison d'avions long-courriers et d'autres compagnies mènent les mêmes réflexions.

Faiblesse du prix du carburant

Les raisons sont multiples. D'une part, les compagnies aériennes ont commandé massivement des gros-porteurs entre 2005 et 2015 et les besoins sont peut-être moins importants aujourd'hui. Par ailleurs, la situation surcapacitaire sur le long-courrier ne les pousse pas à acheter des avions pour croître, tandis que la faiblesse du prix du baril ne les incite pas non plus à passer des commandes de renouvellement de leur flotte. Avec un prix du baril avoisinant les 50 dollars, les avions anciens, déjà amortis, restent rentables malgré des performances énergétiques moindres que celles des avions neufs. Autre raison de cette tendance, l'attractivité du marché de l'occasion.

 « Il y a sur le marché un afflux d'avions d'occasion à prix très attractifs qui sont très compétitifs avec la faiblesse du prix du baril de pétrole aujourd'hui », explique Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities.

Les premiers retours de lease (quand les compagnies rendent les avions une fois le contrat de location terminé) d'une grande partie des avions commandés en masse par les compagnies à partir de 2005 commencent à arriver sur le marché. Notamment des A330 et des B777, voire même les premiers A380, dont le premier exemplaire a été livré à Singapore Airlines à l'automne 2007.  Et ce n'est qu'un début.

Ce mouvement intervient alors que les niveaux de production de certains appareils comme l'A350 ou le B787 n'incitent pas les compagnies à passer commande dans l'immédiat. L'A350 par exemple monte en cadence lentement. Il n'y a aucun intérêt pour une compagnie à commander aujourd'hui dans la mesure où il leur faudra plusieurs années avant d'être livrées. Par ailleurs, les compagnies attendent aussi de voir la maturité de certains programmes avant de s'engager, comme l'A350-1000, en cours de certification ou le B777X, prévu à partir de 2020.

Peu de ventes depuis le début de l'année

Cette tendance se traduit dans les prises de commande. Fin avril, Boeing n'avait engrangé depuis le début de l'année que 18 commandes long-courriers. Airbus dépasse légèrement son rival avec la commande de China Southern. Certes, avec le salon du Bourget en perspective en juin, les deux avionneurs (surtout) se gardent traditionnellement un certain nombre de contrats à annoncer pour l'occasion. Il n'empêche, Fabrice Brégier, le président d'Airbus a déjà indiqué en début d'année qu'il y aurait cette année moins de commandes au Bourget que d'habitude.

Elle se traduit aussi sur les cadences de production de certains programmes. Celle du B777 sera réduite de 40% cet été, et celle de l'A380 passera à un par mois l'an prochain.

Pas de panique pour autant pour Airbus et Boeing. Leur carnet de commandes sont si bien remplis qu'ils leur garantissent deux ou trois années d'activité sur le long-courrier. En revanche, si le baril devait rester à ce prix pendant un an ou un an et demi encore, cette tendance à différer les livraisons d'avions pourrait devenir plus problématique si elle se confirmait, même si, heureusement pour les avionneurs, elle se manifeste davantage par des reports de livraison que par des annulations.