Subventions : l'OMC donne raison à Boeing face à Airbus

Par latribune.fr  |   |  1064  mots
Un organe d'appel de l'Organisation mondiale du Commerce a donné raison jeudi aux Etats-Unis contre Airbus dans le différend qui oppose Boeing et l'avionneur européen depuis 12 ans au sujet des aides publiques dont ils bénéficient.

Nouvel épisode dans le conflit entre les Etats-Unis et l'Union européenne sur les aides publiques accordées à leur industrie aéronautique. Un dossier ouvert en 2004 par les plaintes mutuelles de Washington et Bruxelles déposées à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

L'A350 concerné par le contentieux

Ce jeudi, un groupe spécial sur la conformité (compliance panel) de l'OMC a donné raison aux Etats-Unis contre Airbus, en concluant que l'Union européenne ne s'est pas conformée à de précédentes décisions de l'organisation multilatérale, ce qui a permis la poursuite du versement de subventions à Airbus sous la forme de prêts. Ces prêts ont fait perdre des ventes à Boeing et causé un "préjudice grave" aux intérêts des Etats-Unis, écrit-il, expliquant qu'ils ont été une cause "réelle et substantielle" de pertes de ventes pour Boeing.

Le rapport rejette en outre l'argument de l'UE selon lequel l'A350, l'avion le plus récent d'Airbus, n'est pas concerné par le différend. Le groupe spécial de l'OMC écrit que le gros porteur a lui aussi bénéficié de subventions mais il rejette toutefois les arguments des Etats-Unis sur l'importance de ces aides.

Boeing tire à vue

Avec cette décision, Boeing boit du petit lait.

«Loin de se conformer à leurs obligations vis-à-vis de l'OMC concernant les 17 milliards de dollars versés à ce jour illégalement à Airbus, l'OMC a découvert que les états membres de l'UE avaient octroyé à Airbus de nouvelles aides pour un montant évalué à près de 5 milliards de dollars pour le lancement du programme A350. L'OMC est très claire :  Il est manifeste que l'A350 XWB n'aurait pas pu être lancé et mis sur le marché en l'absence d'AL/FEM (aide au lancement). L'OMC avait précédemment établi qu'aucun modèle de la flotte Airbus (A300, A310, A320, A330, A340 ou A380) n'existerait aujourd'hui sans le versement de subventions illégales par les gouvernements européens», explique Boeing dans un communiqué.

10 milliards de dollars par an de remboursement

Selon l'avionneur américain, les Etats-Unis pourraient demander jusqu'à 10 milliards de dollars par an à l'Union européenne en compensation des subventions versées au groupe Airbus et jugées illégales ce jeudi par l'OMC.

Le directeur général de Boeing, Dennis Muilenburg, s'est félicité des conclusions du rapport qui, selon lui, "rendent enfin l'UE et Airbus comptables de leur mépris des règles du commerce international".

«Cette décision attendue de longue date est une victoire pour un commerce mondial équitable, et tout particulièrement pour les salariés du secteur aéronautique aux États-Unis», a-t-il ajouté.

Airbus va faire appel

De son côté, Airbus a estimé s'être conformé à la plupart de ses obligations devant l'OMC et entend faire appel de la décision rendue jeudi par l'organisation dans le contentieux qui l'oppose à son rival américain Boeing.

"Nous devions seulement effectuer des changements limités dans les politiques et pratiques européennes pour se conformer" à ces obligations, a déclaré une porte-parole à l'AFP. "Nous avons fait ce que nous devions faire et dans le temps imparti", a-t-elle ajouté. "Nous aborderons les quelques points restants indiqués par le rapport (de l'OMC) dans notre appel". "De fait, Airbus et ses partenaires Européens se sont conformés à leurs obligations de retirer tout élément de subvention ou d'éliminer les effets négatifs", a-t-elle poursuivi. "Le seul point qui reste est l'arbitrage final sur l'indice de référence des taux d'intérêt pour les prêts gouvernementaux. Nous sommes confiants sur le fait que nous gagnerons sur ce point en appel."

Pour J. Michael Luttig, executive vice-president et directeur des affaires juridiques de Boeing, le moment de rendre des comptes pour les aides au lancement est enfin arrivé. "Quelle que soit l'issue des plaintes déposées par l'Europe contre les États-Unis, les aides au lancement et autres mesures illégales de soutien public au profit d'Airbus vont désormais prendre fin."

De son côté, Yves Galland, le président de Boeing France a déclaré : "L'aveuglement d'Airbus et la passivité des gouvernements européens dans l'utilisation systématique et persistante de financements illégaux maintes fois dénoncés sont incompréhensibles, absurdes et contre-productifs. Il est désormais impossible à Airbus de rester sans risque plus longtemps dans l'illégalité en contradiction flagrante des règles de l'OMC."

Airbus dénonce les aides américaines accordées à Boeing

Airbus en a profité pour renvoyer la balle dans le camp de Boeing en l'accusant d'avoir massivement bénéficié de subventions américaines pour le développement de son futur long-courrier, le 777X.

Sur ce sujet, l'an dernier, au Paris Air Forum, Fabrice Brégier, le PDG d'Airbus avait déclaré :

«Boeing a lancé une évolution du B777, le B777X (ndlr, prévu en 2020). En faisant un chantage à l'emploi, Boeing a réussi à obtenir une exonération d'impôts de 8,7 milliards de dollars de l'Etat de Washington, où se trouve Seattle. Nous n'avons pas tout à fait les mêmes méthodes. Il y a deux poids deux mesures. Le point le plus important pour nous c et qu'il y ait un terrain de jeu équitable. Nous ne l'avons pas en toutes circonstances» a-t-il déclaré.

"Pas acceptable"

Et de rappeler que "la Commission européenne, soutenu par les Etats européens, a demandé des comptes à Boeing via l'OMC (en décembre, ndlr). On ne peut pas mener des actions pour attaquer des mécanismes devant l'OMC, perdre et continuer de la même façon. En d'autres termes, l'OMC n'est pas un système où quand on gagne les autres doivent rectifier leur dispositif mais quand on perd, on peut se permettre de continuer. Ce n'est pas acceptable. Je crois que l'Europe l'a compris et essaye de soutenir cette position".

«Boeing a lancé une évolution du B777, le B777X (ndlr, prévu en 2020). En faisant un chantage à l'emploi, Boeing a réussi à obtenir une exonération d'impôts de 8,7 milliards de dollars de l'Etat de Washington, où se trouve Seattle. Nous n'avons pas tout à fait les mêmes méthodes. Il y a deux poids deux mesures. Le point le plus important pour nous c et qu'il y ait un terrain de jeu équitable. Nous ne l'avons pas en toutes circonstances» avait-il déclaré.