Les maraîchers luttent contre l'effet de serre

Par Céline Jeancourt-Galignani  |   |  569  mots
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Les Français ne dépensent plus chaque année que 11% de leur budget en alimentation, et dans celui-ci, 9% en en fruits et légumes. En plus, la production en serre a mauvaise réputation. A tort, selon les maraîchers.

"J?ai commencé avec un cheval et une houe, je finis avec une serre et un ordinateur !", s?amuse Henri Boxberger, producteur de tomates sous serre à Montpouillan, dans le Lot-et-Garonne. Les techniques ont évolué et la production aussi. La culture de tomates sous serre représente aujourd?hui 95% de la production des tomates en France. Pourtant, la serre a mauvaise presse.

Les maraîchers étaient présents au salon de l?Agriculture "pour sensibiliser le grand public à la qualité des produits français et pour trouver des consommateurs", explique Pierre Diot, producteur de tomates en serre à Chavagnes, dans l?Ile-et-Vilaine. Président de l?Association d?organisation de producteurs de tomates et concombres de France, il souhaite "démystifier la méthode de production sous serre, les siennes sont en verre - pour modifier leurs comportements alimentaires". Pierre Diot met donc en avant le fait que la production est respectueuse de l?environnement et économe en eau. Les plants sont arrosés au compte goutte, directement à la racine, selon les besoins et la température extérieure calculée par le réseau informatique. Cette technique permet en effet de faire des économies en eau significatives. "Il y a trente ans, j?utilisais 32 litres d?eau pour produire un kilo de tomates en plein champ. Aujourd?hui, j?en utilise 12, soit une économie de 60%", s?enorgueillit Henri Boxberger.

Goutte à goutte

Arrosée juste ce qu?il faut, protégée des insectes et autres maladies par la serre : la tomate cultivée sous serre en verre est non seulement vertueuse pour l?environnement, autrement dit, elle combat l?effet de serre, et en plus, elle est meilleure au goût. Bref, c?est un bon produit. Mais qui a un coût. Reste que "pour avoir des produits de qualité, il faut y mettre le prix", martèle Pierre Diot. Car la serre en verre se révèle être plus coûteuse que les méthodes classiques - des serres en plastique, utilisées en Espagne et au Maroc, sans goutte à goutte pour l?eau, ni contrôle sanitaire. Le président des producteurs de tomates et concombres de France fustige les grands distributeurs, qui refusent de payer la qualité et préfèrent les tomates marocaines ? moins chères, aux tomates locales.

Quand le TGV écrase la tomate

Et critique également les accords internationaux qui pénalisent les maraîchers français. Ainsi, "l?Union européenne a passé un accord privilégié avec le Maroc. Résultat, il envoie en France un contingent de 200.000 tonnes de tomates par an, soit un quart de la consommation annuelle française", relève Pierre Diot. Le Maroc, de son côté, a acheté le TGV, que la France cherchait absolument à vendre. "Et les producteurs de tomates ne pèsent rien par rapport à la vente de TGV à Rabat", regrette notre professionnel de la tomate. Même chose sur l?Espagne. "Quand l?Espagne est entrée dans l?Union européenne, on a été vendu contre de l?industrie", s?insurge encore Pierre Diot. Les producteurs rêvent de discussions avec les pays, mais ont conscience que les grands enjeux économiques supplantent leurs intérêts. Ce qui ne les empêche pas de vouloir se battre. Avec un allié de poids, José Bové, qui travaille actuellement en sa qualité de député européen sur le dossier du Maroc.