Contrefaçon : les 100 millions obtenus par Hermès seront-ils dissuasifs ?

Par Juliette Garnier  |   |  720  mots
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Un tribunal new-yorkais vient de condamner 34 sites chinois pour contrefaçon. Le montant des dommages et intérêts s'élève à un total de 100 millions de dollars pour Hermès. Un montant record qui fait rêver les marques françaises. En 2010, Ebay a été condamné à verser 5,7 millions d'euros à LVMH.

Cent millions de dollars. C'est le montant record de dommages et intérêts qu'un tribunal new-yorkais vient d'accorder à Hermès dans un procès pour contrefaçon. Le 6 mars, la marque française de luxe avait porté plainte à New-York contre un groupe de sociétés et de personnes qui, en ligne, vendaient ses sacs Jane Birkin contrefaits. Neuf articles de la marque Hermès étaient concernés. Parmi les condamnés figurent les sites HermesBags-Outlet.net et Hermes-Birkin-Bags.org. Plusieurs des accusés ne sont pas identifiés. Mais le tribunal new-yorkais a intimé PayPal, filiale de Ebay spécialisé dans le paiement par internet, de prélever les sommes dues sur les comptes détenus par les différents sites chinois. Dans ce pays où ce genre de procédure n'est pas simple à mettre en oeuvre, la méthode devra faire ses preuves. Elle aura le mérite de frapper les esprits. Par le même jugement, le tribunal new-yorkais a interdit les moteurs de recherche Google, Bing et Yahoo et les réseaux sociaux type Facebook, Google + et Twitter de re-router vers les adresses url des sites concernés.

L'affaire donnera-t-elle un coup d'arrêt à la vente de contrefaçon en ligne ? Rien n'est moins sûr. Elle devrait cependant obliger les acteurs du Net à davantage de vigilance. Les marques doivent elles se frotter les mains. Hermès qui n'a pas souhaité « commenter cette décision de justice » peut notamment se réjouir de ce jugement : il lui apporte l'équivalent de 13% de ses 594,3 millions de résultat net dégagé en 2011.

Un procés-flash en deux mois de temps

« Deux choses sont frappantes dans ce jugement : le montant de l'indemnisation prononcée et la rapidité de l'action», observe Alain Cléry, avocat spécialisé dans le droit des marques et la propriété intellectuelle. Les juges américains se sont prononcés en deux mois de temps seulement. Les tribunaux d'outre-Atlantique sont connus pour frapper vite et fort pour lutter contre la contrefaçon et, notamment, contre la vente en ligne d'articles de luxe faux qui générerait près de 30 milliards de dollars de ventes, selon les estimations de la marque américain Tiffany. Ce procès-flash souligne le fossé qui toujours sépare les juridictions américaines des magistrats français ou juges européens.

« En France, il n'existe par de jugement de ce type avec des sanctions aussi élevées », rappelle Maître Cléry. Or, en matière de contrefaçon, s'exposer à une sanction très élevée de dommages et intérêts paraît la meilleure des dissuasions. « Car contrefaire, notamment pour des chinois, ne coûte rien. Et les profits en résultant ne sont pas affectés par une sanction de faible montant », poursuit- Alain Cléry qui déplore « une culture franco-française de la réparation du seul préjudice subi » et des « montants de dommages et intérêts très en deçà des enjeux économiques réels de la contrefaçon ».

En janvier, la Cour d'Appel de Paris a condamné Ebay pour contrefaçon à verser 200.000 euros de dommages et intérêts à LVMH et Burberry. Et, en septembre 2010, la Cour d'Appel de Paris a divisé par six la facture à laquelle Ebay avait été condamné, en première instance, à verser à LVMH pour « exploitation fautive des marques » du groupe de luxe. Soit 5,7 petits millions d'euros.

Ebay, hébergeur ou vendeur en ligne ?

Le jugement Hermès du tribunal new-yorkais intervient tout juste avec la décision de la Cour de Cassation qui doit précisément statuer sur cette décision de la cour d'appel de Paris. Ce procès avait, lui, débuté en 2006. Et, six ans après, le petit monde du droit de la propriété intellectuelle en attend encore une jurisprudence. Y compris Ebay. Depuis le début de cette affaire, le site américain plaidait pour être reconnu comme un simple fournisseur d'hébergement. En vain. LVMH espère voir confirmées les décisions prises en première instance. Ebay attend toujours « une clarification de la jurisprudence ». Car, ailleurs, notamment en Angleterre, en Allemagne et en Belgique, la plateforme américaine a été apparentée à un hébergeur et non à un vendeur, responsable des articles mis en ligne.