La direction de Doux pourra-t-elle présenter un plan de continuation ?

Par Juliette Garnier  |   |  685  mots
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La loi autorise l'Etat à demander à la justice d'accorder les pleins pouvoirs à l'administrateur judiciaire d'une société mise en redressement judiciaire. Charles Doux pourrait alors perdre la main sur son groupe. Le région Bretagne assure que les éleveurs seront payés dès ce lundi.

Va-t-on vers un bras de fer entre le groupe Doux et le gouvernement Ayrault ? La direction du leader européen de la volaille indique qu'ensemble, avec Régis Vaillot, nommé par le tribunal de commerce administrateur judiciaire du groupe breton mis en redressement vendredi dernier, ils élaboreront un plan de continuation. "Il privilégiera l'emploi et la pérennité de l'entreprise", assure le groupe de Châteaulin qui, pour six mois, bénéficie d'une période d'observation. La loi lui permet de présenter un plan de continuation ou de cession à tout moment de la procédure. Mais le gouvernement en laissera-t-il la possibilité à Charles Doux ? Rien n'est moins sûr.

Celui qui craignait d'être dilué par une entrée au capital de Barclays, en contrepartie de 20 millions d'euros, pourrait se heurter à l'intervention de l'Etat directement auprès du tribunal de commerce de Quimper. "Dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le parquet peut demander aux juges de donner les pleins pouvoirs à l'administrateur judiciaire", explique à "latribune.fr", Alain Ribeyre, avocat en droit des affaires.

140 millions d'euros portés par la Barclays

Le dirigeant du groupe, Charles Doux, pourrait en faire les frais. Le principal actionnaire du groupe aux 3.400 salariés en France est dans le collimateur du gouvernement. Depuis la mise en redressement judiciaire du groupe, les ministres, Stéphane Le Foll (Agriculture chargé de l'agroalimentaire), et Arnaud Montebourg (Redressement productif), ne décolèrent pas. Car, sous leur égide, avec la banque Barclays, qui détient une créance de 140 millions d'euros, étaient menées des négociations pour apporter de l'argent frais au groupe détenu par Charles Doux. Mais, "en douce", l'actionnaire principal du groupe breton (80 % du capital), s'est présenté au tribunal de commerce pour déclarer son entreprise en cessation de paiements et demander le redressement judiciaire.

Le gouvernement assure qu'il était alors sur le point de trouver une solution pour lui apporter 35 millions d'euros. Barclays en finançait 20. Lazard et d'autres établissements financiers apportaient le reste. "Les modalités de ce sauvetage financier étaient en cours de finalisation à Paris", indique la banque d'affaires Barclays qui, tout comme le gouvernement, regrette la "décision personnelle" de Charles Doux de déposer le bilan. Et de mettre en doute la capacité de la direction actuelle de continuer à diriger le groupe. "On ne peut pas dire que depuis des années et des mois, il ait montré beaucoup de pertinence dans ses choix industriels, dans ses choix stratégiques et il va falloir qu'il comprenne que, aujourd'hui, si on doit venir en aide (...) ça se fera à des conditions, comme on le dit souvent, du donnant-donnant", a affirmé lundi matin le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll.

Les éleveurs seront payés

Cette somme devait permettre à Doux d'honorer ses achats, de nourrir ses bêtes, de faire tourner ses machines dans les abattoirs et de livrer ses clients. Sa mise en redressement judiciaire a gelé toutes ses dettes (437 millions d'euros). Beaucoup des éleveurs qui lui apportent leurs poulets présentent des impayés de près d'un mois. Et les salariés du groupe Doux s'inquiètent pour leur avenir.

Tout cela fait maintenant désordre à la veille du premier des élections législatives. Donner les pleins pouvoirs à l'administrateur judiciaire, Régis Vaillot, connu pour avoir géré des procédures de redressement judiciaire très médiatisées (Heuliez, Libération et Christian Lacroix...), pourrait dès lors permettre au gouvernement de faire bonne figure. "Nous ferons tout pour faire en sorte d'éviter une catastrophe (...) économique, sociale, et industrielle" et "pour donner une pérennité à l'emploi et à l'élevage (de volailles) dans le grand ouest", a souligné le ministre de l'Agriculture. Le soir même, la région Bretagne présidée par le socialiste Jean-Yves Le Drian a calmé les inquiétudes des éleveurs. "Les paiements de tous les fournisseurs seront assurés à partir d'aujourd'hui par l'administrateur judiciaire", a déclaré ce lundi à la presse Michel Morin, vice-président de la région Bretagne en charge de l'agriculture, sans en préciser les modalités.