Haro sur les poulaillers de la Basse-Saxe !

Par Pauline Houédé, à Berlin  |   |  483  mots
DR (Crédits : <small>DR</small>)
Une série de scandales remet en question le modèle d'élevage intensif de la première région agricole allemande. L'arrivée inédite d'un ministre de l'Agriculture vert à Hanovre va-t-elle changer la donne ?

Du maïs fourrage importé de Serbie contaminé, des oeufs étiquetés bio mais sortis tout droit des batteries d'élevage... Si l'Europe entière semble découvrir les dessous de son industrie agroalimentaire, en Allemagne, c'est le Land de Basse-Saxe qui est surtout montré du doigt. La première région agricole allemande vient d'essuyer plusieurs scandales qui mettent au jour les négligences ou fraudes d'un secteur soumis à une forte pression sur les prix. Une mauvaise publicité pour une branche déjà mal aimée outre-Rhin. « Le modèle agricole est depuis longtemps remis en question, mais les critiques ont nettement augmenté depuis environ cinq ans. Ce mouvement s'est élargi et ne concerne plus seulement les militants pour la protection des animaux », note Stephan von Cramon-Taubadel, professeur à l'université de Göttingen. En ligne de mire : les porcheries, poulaillers et abattoirs géants industriels qui ont fait la réussite économique du secteur et de la région, et dont de plus en plus d'initiatives de citoyens veulent bloquer les nouvelles installations. Mais le grand changement dans un Land qui abrite aussi les usines Volkswagen, l'autre grand pilier de l'économie régionale, c'est l'arrivée de l'écologiste Christian Meyer aux commandes du ministère de l'Agriculture du Land, à la suite de la courte victoire, fin janvier, de la coalition des sociaux-démocrates (SPD) et des Verts aux élections régionales.

« Tout le monde profitait de la tolérance »

Une quasi-révolution dans une région où la politique agricole est depuis des décennies le pré carré des conservateurs de la CDU. Christian Meyer a promis un tournant agricole, avec un retour aux petites structures ou encore le développement de l'agriculture biologique, en retard dans la région (2,9% seulement de ses surfaces cultivées).
« Les possibilités sont limitées, souligne Stephan von Cramon-Taubadel. Beaucoup de décisions sont prises à Bruxelles et à Berlin. Les structures sont par ailleurs déjà là, et beaucoup d'argent a été investi dans les grands élevages. Mais il peut engager un changement de cap. » En harmonisant la réglementation sur les permis de construire des grosses usines ou encore en intensifiant les inspections « pas toujours régulières ni suffisamment strictes dans le passé. La politique locale s'est montrée tolérante parce que tout le monde en profitait », raconte le chercheur. Aujourd'hui, la méfiance est très forte chez les éleveurs, qui redoutent une hausse des coûts de production dans une industrie où le prix reste l'argument de vente numéro un. « Tout le monde veut plus de produits bio, un meilleur bien-être animal, mais les consommateurs achètent comme avant et privilégient les produits les moins chers. Les autres restent dans les rayons », explique avec agacement Thorsten Riggert, éleveur porcin à la tête de la fédération des agriculteurs de Basse-Saxe, inquiet pour l'avenir de la profession.