Alimentation : le gouvernement veut rendre plus explicite la hausse des prix dans les supermarchés

Par latribune.fr  |   |  769  mots
La « réduflation » est légale à condition que la mention du poids de la denrée soit modifiée. (Crédits : JIM VONDRUSKA)
Le gouvernement a soumis à Bruxelles un projet d'arrêté contraignant à horizon mars. Objectif : obliger les supermarchés à expliciter davantage les cas de « shrinkflation » ou « réduflation », quand les quantités d'un produit sont réduites, mais que que son prix reste inchangé ou devient plus élevé.

[Article publié le mercredi 03 janvier 2024 à 07h20 et mis à jour à 12h08] A défaut de pouvoir faire baisser les prix, le gouvernement s'attaque à la « shrinkflation » ou, en français, la « réduflaction ». Il s'agit d'une pratique des fabricants de produits de grande consommation, agro-industriels ou distributeurs, consistant à réduire les quantités des produits vendus plutôt que d'augmenter - trop - significativement les prix.

Le ministère de l'Economie travaille à un projet d'arrêté à horizon mars « pour répondre à la demande des consommateurs d'être mieux informés en cas de ''shrinkflation'' sur certains produits », a indiqué ce mardi à l'AFP le cabinet de la ministre déléguée notamment au Commerce Olivia Grégoire.

Une pratique légale

Le gouvernement prévoit d'imposer aux supermarchés de faire figurer, sur les références ayant fait l'objet d'une réduction des portions, la mention « pour ce produit, la quantité vendue est passée de X à Y et son prix au (préciser l'unité de mesure concernée) a augmenté de ...% ou ...€ », selon le projet d'arrêté que l'AFP a consulté ce lundi.

Cette mention doit être placée « directement sur l'emballage ou sur une étiquette attachée ou placée à proximité de ce produit, de façon visible, lisible », précise encore le texte. Le projet d'arrêté a été soumis pour avis à la Commission européenne, indique encore le cabinet d'Olivia Grégoire, confirmant une information du média spécialisé LSA. « Si la Commission ne fait aucun commentaire sur le projet notifié, alors la publication au Journal officiel pourra avoir lieu à la fin du mois de mars 2024 ».

Cette pratique est légale à condition que la mention du poids de la denrée soit modifiée. Carrefour avait par exemple réduit drastiquement les quantités de ses légumes « premiers prix » pour rester sous les 1 euro, rappelait en décembre le média 60 millions de consommateurs, évoquant le passage de trois à deux salades ou la réduction d'un tiers du filet de pommes de terre. Le même distributeur avait quelques semaines plus tard signalé dans ses rayons certains de ses fournisseurs ayant réduit les grammages de certains produits - une petite trentaine de références sur les milliers que compte un supermarché et des dizaines de milliers que compte un hypermarché.

Début septembre, Bruno Le Maire, avait déjà annoncé vouloir travailler sur un texte de sujet. Il avait été soutenu par le président du comité stratégique du groupe de distribution Leclerc, qui, dans la foulée, s'était déclaré favorable à cette initiative.

« Cette pratique est une manière peu transparente de faire monter le prix des produits et donc je soutiens la proposition de Bruno Le Maire qui consiste à rendre obligatoire une information sur les modifications de contenant » avait-il alors déclaré sur BFMTV/RMC.

« Si un décret sort, nous le respecterons et l'appliquerons, mais nous le regrettons », a réagi le patron du 4e distributeur français, Système U, Dominique Schelcher, sur France Inter. « C'est l'industriel qui sait que son emballage a baissé, que la recette a été remise en cause », a-t-il dit, craignant « une perte de temps » pour les équipes en magasin.

Des industriels répliquent

Mi-décembre, le spécialiste du secteur de la distribution Philippe Goetzmann avait publié avec la fondation Jean Jaurès un avis sur cette pratique de réductions des quantités. Le spécialiste y rappelait que « les prix sont libres, ainsi que les grammages », et que les réductions de quantité sont « généralement accompagnés d'évolutions de recette ». Si des industriels mettent en avant de nouvelles recettes pour expliquer la baisse des prix, mais comment savoir ce qui relève de « l'innovation » alimentaire - un changement de recette, avec par exemple moins de sucre ou de sel - et ce qui n'est qu'une hausse de prix masquée ?

Le cas s'est posé récemment concernant le fromage fondu Kiri. En septembre 2022, l'association de défense des consommateurs Foodwatch, qui avait la première alerté les consommateurs sur la « shrinkflation », avait cité le célèbre carré comme produit ayant fondu de 10%, passant de 20 à 18g. Mais l'agro-industriel derrière la marque, Bel, avait contesté l'accusation en réduflation, arguant que le fromage est désormais vendu « dans une nouvelle recette plus naturelle, sans additifs », et fabriqué en France à base de lait français. La mesure ne semble en tout cas pas de nature à faire baisser les prix en rayons. Les tarifs ont flambé de plus de 20% en moyenne dans l'alimentaire en deux ans.

(Avec AFP)