Louis Gallois pour une hausse des taxes sur le gazole... qui serait fatale à la lutte anti-CO2

Par Ivan Best et Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  738  mots
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«Le problème en France, c'est le diesel.» Rien de moins! C'est ce qu' a lâché Louis Gallois devant les commissions des Affaires économiques et des Finances du Sénat. Mais une guerre contre la fiscalité favorable aux moteurs à gazole porterait atteinte à la lutte anti-CO2. Car le diesel émet moins de gaz à effets de serre! Et ce serait un coup pour Renault et PSA, grands spécialistes de ces motorisations.

S'agissant de la fiscalité écologique, «le problème en France, c'est le diesel». Rien de moins! C'est ce qu' a lâché Louis Gallois, peu après la présentation de son rapport, devant les commissions des Affaires économiques et des Finances du Sénat. Et le commissaire à l'Investissement de reconnaître avoir «manqué de courage» pour écrire noir sur blanc dans son rapport ce qu'il préconise personnellement: la fin de l'avantage fiscal conféré au gazole, par rapport à l'essence sans plomb. «A titre personnel, j'estime qu'on ne pourra pas s'exonérer d'un débat sur le prix du diesel», dit-il. «J'ai mis 'taxe carbone' dans mon rapport, je le regrette un peu. La vraie question, c'est la fiscalisation du diesel». Un vrai pavé dans la marre, tant la fiscalité a favorisé pendant des décennies le diesel dont Renault et PSA sont des spécialistes mondiaux.

Différence de taxes

Louis Gallois insiste: «je sais bien que c'est un vrai problème pour l'industrie automobile française -ça ne tombe pas bien, ce n'est pas le moment- mais il est clair que le diesel a été outrageusement avantagé fiscalement, ce qui fait que maintenant 70% du parc français est diesel et que nous nous trouvons dans une situation différente de celles des autres pays européens», a-t-il ajouté. La taxe sur l'essence (ex-TIPP, devenue taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ou TICPE) représente 61,42 centimes par litre (dans la plupart des régions), s'agissant du super sans plomb, contre 44,19 centimes pour le gazole. Un écart de 17 centimes, qui explique à lui seul la majeure partie de la différence de prix à la pompe entre les deux carburants. Un écart peu justifiable, que le gouvernement Jospin avait commencé à réduire, en planifiant sur plusieurs années un alignement des taxes, via l'augmentation de la taxation du gazole. Mais il avait stoppé, devant la hausse des cours pétroliers, en 2000. Depuis, aucun gouvernement n'a osé reprendre une telle politique, défendue par les Verts. Car, ainsi que le souligne Louis Gallois, «le prix de l'essence est un élément décisif pour un certain nombre de personnes qui travaillent, et c'est pour cela que je n'ai pas proposé d'augmenter les taxes sur le diesel. Même si à certains égards ça pouvait un peu me démanger».

Le diesel, arme anti-CO2

Pourtant, cette spécificité française pose a priori de nombreux problèmes. Les moteurs diesel émettent en principe davantage de certains polluants, les pétroliers français sont contraints d'importer du gazole, puisque les raffineries françaises produisent de l'essence... La prise de position de l'ancien patron d'EADS risque toutefois de rester lettre morte. Parce que, la priorité donnée dans le monde et notamment dans l'Union européenne à la baisse des rejets de gaz à effet de serre implique une utilisation massive des moteurs diesel. Car, s'il a des défauts, le moteur diesel consomme 15% de moins que son homologue à essence. Il diminue en conséquence du même pourcentages les émissions de C02, qui sont corrélées aux consommations. Seul le diesel permettra d'atteindre les objectifs draconiens de réduction imposés par Bruxelles! C'est d'ailleurs grâce à la généralisation des moteurs à gazole que l'Europe automobile est bien plus vertueuse en C02 que le Japon, les Etats-Unis ou n'importe quelle autre région du monde. Il faut savoir ce que l'on veut... Tout le dispositif du bonus-malus en France favorise de fait les diesels, justement au nom de la logique de lutte anti-CO2!

Renault et PSA seraient frappés

S'attaquer au diesel serait d'ailleurs injuste. Car les constructeurs ont massvement investi pour diminuer les nuisances de ces motorisations. Grâce notamment à PSA et son filtre à particules, ces dernières sont aujourd'hui quasiment éliminées. Enfin, les futures normes Euro 6 obligeront les constructeurs à limiter les polluants des diesels. Bref, le diesel, remis en cause à plusieurs reprises et à juste titre par diverses études sur la pollution mais portant sur des véhicules plus anciens, devient  quasiment propre! Dès lors, s'il est bon en outre pour le C02, pourquoi le tuer? Ce serait contre-productif. Sans oublier que le coup serait dur pour l'industrie automobile européenne qui a massivement investi dans cette technologie d'avenir. Renault et PSA seraient privés d'un de leurs meilleurs avantages comparatifs. Par les temps qui courent, ledit coup dur deviendrait le coup de grâce!