Diesel : pourquoi tant de haine ?

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  992  mots
La part du diesel dans les ventes de voitures neuves est actuellement de 70% en France, contre 73% il y a un an
François Hollande a dit non à une augmentation de la taxation sur le diesel en 2014. Mais après? Les Verts s'acharnent contre le moteur à gazole, censé être un gros pollueur. Mais le diesel est efficace dans la lutte contre le C02 et les futures normes environnementales vont le rendre beaucoup moins nocif...

La hausse des taxes sur le gazole, ce n'est pas pour tout de suite, mais on a eu chaud. François Hollande a été clair : « la transition énergétique ne suppose pas des taxes supplémentaires ». Certes, une contribution climat sera instaurée, « qui va monter en puissance très progressivement » et « intègrera toutes les énergies », a déclaré le chef de l'Etat sur TF1 dimanche. Mais, elle n'aura « pas d'effet en 2014 » sur le niveau de taxation des carburants. 

L'augmentation envisagée de un à deux centimes des taxes sur le litre de gazole risque toutefois de… resurgir dans un an. Tant le diesel est vilipendé par les « Verts », alliés des socialistes au sein de la majorité actuelle, et qui veulent absolument le surtaxer. Ce fameux diesel, qui constitue 60% du parc des voitures roulant en France, mérite-t-il pour autant une telle opprobre ?

 Polluant, mais vertueux sur le CO2

Objet de polémiques récurrentes, le diesel a indéniablement mauvaise presse. Forcément, qui ne s'est jamais trouvé derrière un gros camion émettant une forte fumée noire ? Seulement, voilà : ce n'est pas si simple. Car cet « ignoble » diesel censément sale se révèle beaucoup plus économique que les véhicules à essence. Les voitures à gazole consomment en effet de 15 à 20% de moins en moyenne que celles fonctionnant au sans plomb. Or, consommations et rejets de CO2 sont étroitement corrélés. Dès lors, le diesel participe grandement à la lutte contre le réchauffement climatique…

Les pouvoirs publics l'ont traditionnellement favorisé à cause des économies de carburant que le diesel génère, au nom de la réduction de la facture pétrolière. Plus récemment, le système de bonus-malus écologique a accordé une prime à ces mêmes diesels, combat anti-CO2 oblige. Un vrai paradoxe. Toute la question est là : à l'heure où la priorité est donnée à la lutte contre les gaz à effets de serre, le diesel apparaît très vertueux. Une Citroën C4 diesel de 115 chevaux compacte émet ainsi 25 grammes de C02 en moins par rapport à son homologue de même puissance à essence.

Moteur  de moins en moins sale

Champion des consommations et donc de la baisse des émissions de CO2, le diesel a toutefois un énorme défaut : il est effectivement bien plus polluant, intrinsèquement, qu'une mécanique à essence. Rappelons au passage que le CO2, lui, n'est pas un polluant, mais un gaz à effet de serre. Le diesel est malheureusement prodigue en particules nocives et en oxydes d'azote pas tellement meilleurs pour la santé. D'où les mauvais résultats dans l'enquête de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) publiée en 2012, classant les diesels parmi les produits cancérigènes.

Les moteurs à gazole seraient même responsables de 42.000 morts prématurées par an, selon le ministère de l'Ecologie. Mais ces études portent sur des véhicules des années 60 à 90, avant les premières normes et les filtres à particules, soulignent les spécialistes. Dès lors, l'accusation est justifiée pour des vieux véhicules, mais de moins en moins pour les derniers modèles diesel. Car l'évolution technique est extrêmement rapide.

Problème des particules résolu?

 Obligatoire dans l'Union européenne depuis janvier 2011 avec la norme Euro V, le filtre à particules réduit singulièrement les émissions desdites particules dans l'air par centimètre-cube de 3-4 millions à moins de 3.500 aujourd'hui… Ce qui correspond à peu près au niveau d'une pièce d'habitation, car il n'y a évidemment pas que les diesels qui rejettent des particules ! Reste une polémique : ce qu'il reste de particules, très fines, pénètre-t-il d'autant mieux dans les poumons ? Là-dessus, les avis divergent.

Et les émissions d'oxydes d'azote (NOx) ? Celles-ci seront réglées avec la future norme européenne Euro VI de 2014, qui va durcir encore les obligations environnementales. Les moteurs diesel ne bénéficieront alors plus de dérogations par rapport aux mécaniques à essence comme c'est le cas actuellement. Ce qui obligera les motoristes à traiter définitivement le problème des rejets de NOx. Sans être totalement catégoriques, les experts soulignent que, avec la norme Euro VI, les diesels devraient devenir enfin quasiment propres… Tout en conservant leur avantage en matière de réduction de CO2 au kilomètre.

 Part du diesel en baisse

La polémique sur la place du diesel devrait ainsi se résorber d'elle-même. D'autant plus que les experts prévoient une décrue relative des ventes des voitures à gazole au profit des modèles à essence dans les années à venir. Le phénomène, observé depuis quelques mois, va s'accélérer. La part du diesel dans les ventes de voitures neuves est actuellement de 70% en France, contre 73% il y a un an.

Car, après la dure norme Euro V, Euro VI va rendre les véhicules à gazole encore plus sophistiqués, les renchérissant de plusieurs centaines d'euros. Ce qui risque tout bonnement de condamner les motorisations diesel sur les petits véhicules d'entrée de gamme. Ces modèles risquent de devenir trop chers à l'achat et donc plus si avantageux que ça pour le consommateur, malgré leurs consommations inférieures. N'oublions pas non plus qu'une hyper-complexité signifie aussi un entretien beaucoup plus onéreux. C'est au reste déjà le cas aujourd'hui, avec des coûts d'entretien supérieurs sur les diesels par rapport aux mécaniques à essence.

Taux de pannes supérieur

Autre argument au détriment du primat des diesels : plus ces moteurs deviennent compliqués, plus le taux de pannes augmente. Les études mettent en exergue depuis quelques années un taux de pannes sensiblement supérieur sur les diesels à celui des moteurs à essence à cause de la dépollution, particulièrement délicate ! Et ça risque de s'aggraver avec Euro VI. Certains constructeurs ont abandonné récemment leur offre diesel sur les « mini » citadines, tels PSA ou Volkswagen. Un signe.