Affaire Ghosn : une vidéo accablante ruine la campagne média de la défense

Par Nabil Bourassi  |   |  679  mots
(Crédits : Reuters)
La diffusion de la vidéo de son somptueux anniversaire au château de Versailles donne une idée du train de vie que l'ancien patron du constructeur automobile semblait s'offrir sur les deniers de Renault, d'après les accusations de la justice. D'autres détails sur le volet de l'argent détourné à Oman contribuent à entacher encore l'image de celui qui se présentait il y a peu comme victime d'un complot ourdi par le Japon.

Carlos Ghosn va-t-il perdre la bataille médiatique avant la bataille judiciaire? L'ancien patron de Renault et Nissan, mis en examen au Japon pour des faits de détournement de fonds et de non déclaration de revenus, pourrait perdre encore des points auprès de l'opinion publique après la diffusion ce jeudi, de nouvelles informations.

La plus spectaculaire est la publication de la vidéo de son anniversaire fêté à Versailles en 2014. Somptueux et éblouissant, pompeux voire kitsch, et... dispendieux... Les images montrent les plus belles salles du château des rois de France privatisées, des dizaines de figurants habillés comme à l'époque de Louis XIV, une haie d'honneur de la "garde royale" pour accueillir les invités... Le banquet a été préparé par le très étoilé chef Alain Ducasse. Sans parler du magnifique feu d'artifice tiré depuis les jardins du château de Versailles. L'événement aura coûté la bagatelle de 634.000 euros, le tout réglé par RNBV, le holding qui chapeaute l'Alliance Renault-Nissan et installé aux Pays-Bas.

Motif mensonger

La prise en charge de l'événement avait été justifiée sous le prétexte de fêter l'anniversaire de l'Alliance, 15 ans à l'époque. En réalité, les invités sont surtout des amis de Carlos Ghosn, on retrouve très peu de personnalités issues des deux constructeurs automobiles. En outre, le jour choisi était le 9 mars, soit la date exacte de l'anniversaire de Carlos Ghosn qui fêtait alors ses 60 ans.

L'opinion publique a connaissance de ces faits depuis février dernier, et la justice française enquête dessus. Elle a fini par se saisir de cette vidéo. Mais la diffusion de cette vidéo pourrait plomber la campagne de sympathie que tente de construire les avocats de Carlos Ghosn pour tenter de peser sur le cours de la justice. Les accusateurs rappellent que Carlos Ghosn ne s'est pas arrêté là, puisqu'il a également fêté son mariage au même endroit deux ans plus tard. En réalité, Renault est mécène du château de Versailles et a négocié dans le contrat de mécénat des opérations de privatisation, bien entendu à l'usage de l'entreprise, et pas à des fins privées.

Un ordinateur discrètement saisi au Liban

Autre difficulté, le Financial Times a révélé quelques détails des poursuites judiciaires conduites par la justice japonaise contre Carlos Ghosn. D'après le quotidien financier britannique, les procureurs se sont procuré l'ordinateur libanais de Carlos Ghosn qui s'est avéré être une mine d'or d'informations à charge pour l'instruction. C'est Nissan qui se serait chargé d'obtenir l'ordinateur auprès de l'assistante de l'ancien collaborateur de Carlos Ghosn. Cet ancien collaborateur, disparu d'un cancer en 2017, est un ami d'enfance qui aurait dirigé le fonds d'investissements Good Faith Investments. D'après les investigations, ce fonds  serait au cœur des affaires de détournements dont Carlos Ghosn est accusé.

Selon la justice japonaise, Carlos Ghosn aurait ainsi transféré environ 35 millions d'euros à travers la filiale dubaïote de Nissan, vers un concessionnaire localisé à Oman. Celui-ci aurait ensuite viré les fonds vers diverses sociétés dont Good Faith Investments, lui-même intermédiaire de différentes sociétés dont une dirigée par l'épouse de Carlos Ghosn et qui n'avait pas d'autre objet que l'achat et l'exploitation du yacht familial.

Pour la justice japonaise, la découverte de cet ordinateur était inespérée puisque étant localisé au Liban, celui-ci était a priori inaccessible compte tenu du soutien indéfectible du gouvernement mais également de l'opinion publique libanaise.

Depuis son arrestation le 19 novembre dernier, Carlos Ghosn tente de sensibiliser l'opinion publique sur les conditions de son arrestation et sur les motivations qui ont conduit Nissan à monter un dossier contre lui. Il a évoqué à plusieurs reprises un stratagème de la direction du constructeur japonais, et se dit innocent de toutes les accusations. Il devait faire une conférence de presse, mais une nouvelle garde à vue l'en a empêché.