Fiat Chrysler : Mike Manley sera-t-il le patron qu'il faut ?

Par Nabil Bourassi  |   |  683  mots
Mike Manley a permis à Jeep de passer de 330.000 voitures vendues à 1,4 million en dix ans. Jeep représente 70% des bénéfices de FCA. (Crédits : Jonathan Ernst)
La brutale disparition de Sergio Marchionne, PDG emblématique de FCA, a permis l'émergence d'un très discret patron de marque, Mike Manley, l'homme qui a transformé Jeep. Sa nomination comme nouveau patron de FCA n'était pas attendue. Il devra assurer une certaine continuité dans le plan de marche engagé par son prédécesseur et gérer des sujets que le puissant Marchionne n'était lui-même pas parvenu à résoudre.

Le départ de Sergio Marchionne du groupe Fiat Chrysler Automobiles (FCA) a été aussi soudain que l'annonce de son successeur a été brutale. Mike Manley sera finalement celui qui reprendra les rênes du groupe automobile americano-italien.

Le départ fracassant d'Alfredo Altavilla

Le départ de Sergio Marchionne était planifié à la fin de l'année. Des complications de santé (qui ont très vite conduit à sa disparition soudaine), l'ont obligé à avancer la date de son départ. Mais c'est Alfredo Altavilla, le patron Europe-Afrique-Moyen Orient (EMEA), qui était vu comme l'héritier légitime. La famille Elkann en a décidé autrement, en propulsant le patron de Jeep. Alfredo Altavilla a claqué la porte du groupe dès le lendemain du remaniement managérial.

« Le départ d'Alfredo Altavilla qui s'ajoute à la disparition de Sergio Marchionne peut s'avérer déstabilisant pour Fiat, car il gérait la région EMEA et d'une certaine manière, la marque Fiat, le parent pauvre du  plan stratégique rédigé par Sergio Marchionne », nous explique Florian Delègue, associé au bureau parisien du cabinet Heidrick & Struggles, en charge du secteur automobile.

En mettant Mike Manley à la tête de FCA, la famille Elkann a voulu envoyer plusieurs signaux. « Dans le contexte politique italien actuel, la nomination d'un Britannique est un geste courageux, mais qui s'inscrit dans la tendance qui voit les groupes automobiles essayer d'internationaliser leur équipe de direction » observe Florian Delègue.

Cap vers les SUV

L'autre message est aussi d'apporter une expertise commerciale tournée vers les SUV, le segment, de loin, le plus dynamique dans le monde. Plusieurs marques étaient encore dénuées de tels modèles dans leur gamme il y a peu encore, comme Alfa Romeo, Maserati ou Fiat qui a vu son premier SUV en 2014. Il semblerait que l'avenir aille vers une intensification de cette stratégie.

« Au-delà de ses qualités indiscutables de développeur, à la tête de Jeep et RAM, Mike Manley a incontestablement profité de conditions de marchés favorables à l'essor des SUV », souligne Florian Delègue. L'ancien de chez Chrysler, passé par la vente, a notamment piloté l'offensive commerciale à l'internationale. De fait, en 10 ans, les ventes de Jeep sont passées de 330.000 voitures à plus de 1,4 million. Un succès considérable auquel il faut ajouter que la marque américaine contribue quasiment aux trois quarts des bénéfices de FCA.

« Il arrive à la tête du groupe auréolé de la légitimité de ses résultats, à lui désormais de s'affirmer comme le patron de FCA en mettant en œuvre les qualités de mobilisation, d'exécution et de transformation qui sont requises pour mener à bien le plan établi par Sergio Marchionne », ajoute l'analyste.

Mais si on dit Mike Manley plutôt décontracté, à l'image de son prédécesseur, il reste néanmoins quelqu'un de plus réservé là où Marchionne était davantage dans l'affirmation et prêt à tout bousculer.

Un poste éminemment politique

Mike Manley, 54 ans, n'a donc pas vocation à changer la feuille de route tracée par son prédécesseur. Il devra au contraire l'amplifier, surtout après le très mauvais exercice semestriel que le groupe vient d'enregistrer et qui a vu les bénéfices fondre, contre toute attente. Il devra également tenter de résoudre plusieurs sujets que Sergio Marchionne, malgré son génie, n'est jamais parvenu à satisfaire comme l'adossement de FCA à un groupe industriel, ou à une nouvelle étape de son redimensionnement industriel (vendre Magneti-Marelli, scinder un pôle Alfa Romeo-Maserati?). Enfin, il reste la question de la rationalisation des usines Fiat notamment en Italie, un sujet hautement explosif.

Ces sujets ont une dimension éminemment politique dont Sergio Marchionne savait jouer, non sans panache, et qui jouait d'ailleurs en faveur de la candidature d'Alfredo Altavilla. C'est à toutes ces questions que sera confronté Mike Manley... Et son aptitude à tracer sa propre route décidera de son statut de PDG de transition ou de nouveau patron "emblématique"!

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