Luca di Meo, le patron qu'il faut pour Renault ?

Par Nabil Bourassi  |   |  941  mots
(Crédits : Seat)
L'actuel patron de Seat serait le grand favori pour remplacer Thierry Bolloré chez Renault. L'italien s'est fait remarquer par le redressement de la marque automobile espagnole, mais également par ses qualités humaines. Des atouts indispensables pour réparer un groupe français malade depuis la chute spectaculaire de son patron.

D'après Le Figaro, Luca di Meo serait pressenti pour prendre la tête de Renault. L'actuel patron de Seat n'a pas commenté cette information, mais le quotidien assure qu'il est le favori parmi d'autres capitaines d'industries d'envergure comme Fabrice Brégier (Airbus) ou Patrick Koller (Faurecia).

Il s'agit de prendre la tête d'un groupe automobile essoré par un an de crise post-Ghosn dont le dernier épisode a vu le débarquement aussi inopiné que brutal de son directeur général, Thierry Bolloré. Cette crise managériale a coïncidé avec une très forte détérioration des résultats puisque Renault a vu ses ventes baisser cette année et vient de publier un profit warning. Bref, il devient urgent de conjurer ce qui pourrait devenir une véritable Bérézina pour le groupe français dans un marché automobile en crise.

La jurisprudence Ben Smith

Jean-Dominique Senard, arrivé en pompier pour présider Renault et sauver l'Alliance avec le japonais Nissan depuis janvier, avait obtenu de l'Etat, premier actionnaire, que le prochain patron du groupe automobile ait un profil international : c'est la jurisprudence Ben Smith (le premier non-français à diriger Air France-KLM). Une expérience industrielle d'envergure était impérative, et un passé dans l'univers automobile était un plus. Pas question d'aller chercher un financier ou un énarque français. Pour le gouvernement français, il est temps que l'Etat cesse de "couver" Renault qui a trop souffert de considérations politiques intérieures. Bercy cherchait un patron charismatique pour repositionner le constructeur comme un groupe mondial.

 - A relire, notre portrait de Luca di Meo -

Luca di Meo réunit sans conteste toutes les caractéristiques recherchées. Mieux, il a démontré à la tête de Seat sa capacité à repositionner une marque automobile dans une vision long terme d'un secteur en plein bouleversement. De marque moribonde au bord du dépôt de bilan dans les années 2000 à aujourd'hui, Seat est dans une dynamique commerciale très forte avec des ventes sans cesse en hausse, y compris sur un marché en plein ralentissement. La marque espagnole ne cesse d'accroître sa rentabilité, et sa dynamique produit est très forte avec plusieurs lancements par an. La création d'une marque dédiée à l'univers sport, Cupra, témoigne de la créativité et l'audace de Luca di Meo, qui a su tirer profit de la forte remise en cause du modèle de management pyramidal en vigueur dans le groupe Volkswagen (la maison-mère) depuis la crise du dieselgate.

L'ancien de Fiat n'a eu de cesse de retravailler la marque Seat à travers des modèles bien positionnés. Résultat, le prix moyen d'une Seat n'a cessé d'augmenter. Et Luca di Meo foisonne d'idées... Des trottinettes, des incubateurs de startups, des scooters électriques... Il a également fait de la connectivité une priorité chez Seat. En outre, il fait plancher ses équipes sur l'internationalisation de la marque espagnole. Celle-ci va lancer une grande offensive en Amérique Latine, une zone naturelle de développement pour une marque espagnole selon lui. La Chine est également dans les radars... Enfin, Luca di Meo est connu pour sa fibre sociale très poussée. Ce patron de 52 ans a su rompre avec les carcans hiérarchiques pour être proche de toutes les équipes. Celui qui a écrit son mémoire de fin d'étude sur l'éthique en entreprise a fondé un institut doté des dernières technologies médicales afin de soigner et prévenir les maladies des salariés et opérateurs de Martorell près de Barcelone où siège Seat mais également son usine historique.

Renault, à la recherche d'une nouvelle impulsion stratégique

Visionnaire, stratège chevronné, patron aussi exigeant que convivial, ce polyglotte qui a fait une partie de ses études en France pourrait bien être le patron qu'il faut à Renault. Mais la tâche qui l'attend promet d'être herculéenne. Car le groupe français ne souffre pas d'une conjoncture défavorable, il doit revoir de fond en comble une stratégie qui a largement atteint ses limites. La moitié de la gamme renouvelée ces cinq dernières années n'a pas rencontré le succès escompté. C'est notamment les segments supérieurs qui ont péché dont le célèbre Espace qui a un fait un flop. Le Talisman, le Scenic ont également essuyé des échecs cuisants, tandis que le petit succès du Kadjar jure face à celui de son concurrent, le Peugeot 3008. En outre, les volumes de vente sont encore trop tirés par les canaux dits tactiques (voitures de démonstration, immatriculations auprès de loueurs...) et donc non rentables. De plus, Renault n'a pas su creuser son sillon dans l'électromobilité alors qu'avec sa Zoé il jouissait du statut avant-gardiste, et qu'il est en passe d'être dépassé par de nombreux groupes qui s'apprête à déployer d'ambitieuses gammes électrifiées. Enfin, last but not the least, Luca di Meo s'il accepte sa mission, devra renouer les fils décousus de l'Alliance avec Nissan. Il devra trouver un nouveau projet d'entreprise et de partenariat qui satisfasse tout le monde. Une gageure après un an de batailles rangées entre les équipes, les managers et les gouvernements respectifs.

A l'inverse des autres candidats, Luca di Meo n'est pas un simple industriel. Il baigne dans l'industrie automobile depuis près de 25 ans. Il maitrise aussi bien l'aspect industriel que le marketing d'une marque. Pour Luca, ce ne serait finalement qu'un retour aux sources, lui qui a commencé sa carrière chez Renault...