PSA furieux après des accusations de fraude sur ses moteurs

Par Nabil Bourassi  |   |  683  mots
Selon la DGCCRF, Carlos Tavares pourrait être responsable pénalement en tant que personne physique, mais ses prédécesseurs également, y compris Jean-Martin Folz qui a quitté le groupe en 2007.
Le Monde a révélé le fond du rapport de la DGCCRF qui a conduit la justice à ouvrir une information judiciaire contre PSA pour fraude. D'après ce document, la DGCCRF accuse le constructeur automobile d'avoir installé un dispositif qui altère le fonctionnement des systèmes de dépollution en présence d'un contrôle d'homologation. De son côté, PSA nie catégoriquement la présence d'un tel dispositif et s'indigne que la presse ait pu accéder au dossier dont il n'a pas lui-même connaissance.

(Article publié le vendredi 8 septembre à 15h04 et mis à jour à 17h59)

PSA est en colère ! Le groupe automobile français a publié un communiqué pour exprimer son « indignation » après la publication d'un article du Monde sur sa « stratégie de moteurs frauduleux ». Le quotidien français explique avoir eu accès au dossier transmis par la DGCCRF à la justice et qui a conduit celle-ci à ouvrir une enquête contre PSA. La DGCCRF accuse le groupe automobile français de « tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise et sur les contrôles effectuées ». Toujours selon les révélations du Monde, l'administration publique aurait recensé 1,9 million de véhicules « diesel de génération Euro 5 dont le moteur fonctionne selon les stratégies frauduleuses ». Ces véhicules auraient été vendus entre septembre 2009 et septembre 2015, date à laquelle la norme Euro 6 s'est imposée.

5 milliards d'euros d'amende ?

Cette fraude correspondrait à un chiffre d'affaires de 33,86 milliards d'euros soit davantage que les affaires Volkswagen (22,78 milliards d'euros de chiffre d'affaires) ou encore Renault et ses 900.000 voitures non-conformes (16,85 milliards d'euros). Ainsi, PSA encourt une amende qui pourrait s'élever à 5 milliards d'euros, ce qui correspond à 10% de son chiffre d'affaires des exercices 2013, 2014 et 2015, selon les estimations de la DGCCRF.

La DGCCRF accuse PSA d'avoir installé un dispositif qui modifie le comportement de ses systèmes de pollutions en fonction de la présence ou non de tests d'homologation. L'institution qualifie ce stratagème d' « économie frauduleuse d'investissement » au sens où il a permis à PSA de ne pas investir dans les technologies de dépollution.

De son côté, PSA est furieux ! D'abord parce qu'il n'a toujours pas eu accès au dossier qui lui permettrait de « faire valoir ses arguments ». Le groupe automobile se plaint de n'avoir jamais eu connaissance des griefs qui ont conduit la DGCCRF à transmettre le dossier au parquet.

Un calibrage assumé par PSA

Contacté par La Tribune, PSA a persisté dans sa position officielle à savoir qu'il n'a jamais installé de logiciels frauduleux à bord de ses voitures et qu'il respecte toutes les réglementations en vigueur dans tous les pays où il est implanté. Il a expliqué que les calibrages qui permettent d'activer ou non les systèmes de dépollution sont non pas le fait de la présence ou un non d'un test d'homologation, mais d'une optimisation de l'efficacité mais également de la sécurité de la voiture en fonction des températures.

Par exemple, dans certaines conditions de températures, l'activation de la vanne EGR est dangereuse pour le moteur. De même que son utilisation à mauvais escient peut conduire le moteur à émettre davantage de CO2.

Il se pourrait donc que toute la clé de l'affaire réside sur ce dispositif de calibrage qui selon PSA sert à sécuriser la voiture mais qui pourrait servir à détourner certains contrôles selon la DGCCRF.

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Il n'empêche que, toujours d'après Le Monde, la DGCCRF aurait découvert lors de ses perquisitions des documents internes et des courriels à charge sur ces fameux calibrages. Pis ! PSA aurait continué cette pratique sur ses moteurs homologués Euro 6. La DGCCRF a estimé que Carlos Tavares pouvait être reconnu comme responsable de ces agissements frauduleux, mais ses prédécesseurs également. Ainsi, elle soupçonne Philippe Varin (PDG entre 2009 et 2014), Christian Streiff (2007 à 2009) mais également Jean-Martin Folz (1997 à 2007) d'être pénalement responsable de cette affaire. « MM. Folz, Streiff et Varin sont des dirigeants avertis, ils ne sauraient donc exciper leur bonne foi sur le caractère frauduleux de la stratégie mise en œuvre au sein de PSA », écrit la DGCCRF.

PSA visiblement lassé d'être au cœur d'une polémique sans pouvoir répondre précisément aux principaux griefs, a décidé de déposer une plainte auprès du Procureur de la République pour violation du secret de l'instruction.

Le groupe souhaite avoir enfin accès au dossier afin de pouvoir enfin réagir sur le fond. Renault, frappée par une procédure similaire, formule la même demande. En vain.