Véhicules électriques : il faut multiplier les bornes

Par Patrick Cappelli  |   |  1095  mots
Le top niveau en la matière, ce sont les superchargeurs de Tesla, réservés aux clients de la marque américaine. D'une puissance allant jusqu'à 150 kW, ils permettent de récupérer jusqu'à 270 km d'autonomie en moins d'une demi-heure. On en compte une cinquantaine en France. (Crédits : Lucy Nicholson)
Pour remplir les objectifs en matière de développement de véhicules électriques, multiplier les bornes de recharge est obligatoire. Le gouvernement vient d'annoncer des mesures en ce sens. En attendant l'avènement de chargeurs ultrarapides.

« Une fois qu'on a passé les bornes, il n'y a plus de limites », disait l'humoriste Alphonse Allais. Ce trait d'esprit s'applique bien au secteur du véhicule électrique. En effet, pour accélérer l'adoption de ces voitures propres et faire ainsi baisser la pollution de l'air - 48000 morts par an selon une étude de Santé publique France - il est nécessaire de muscler l'infrastructure des bornes de recharge. Il va donc falloir les multiplier si l'on veut atteindre les objectifs ambitieux du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, qui veut « passer de 120000 à 600000 véhicules électriques d'ici à 2022, soit une multiplication par cinq du nombre de véhicules électriques sur l'ensemble du territoire ». Le 22 mai, lors de la réunion du Comité stratégique de la filière automobile à Bercy, le gouvernement a annoncé l'installation de 100000 bornes de recharge publique d'ici à 2022, soit 1 pour 10 véhicules, contre 1 pour 14210 (soit 64246 prises) actuellement disponibles, selon la startup Chargemap.

« Nous allons dépenser pour cette installation 300 millions d'euros », a précisé Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique, qui a également annoncé une simplification de la mise en place des bornes de recharge dans les copropriétés. Une projection ambitieuse et plus réaliste que celle de Ségolène Royal, qui, en septembre 2016, alors ministre de l'Environnement, promettait 1 million de bornes en 2020... Pour l'instant, trouver un point de recharge pour sa Renault Zoé ou sa Nissan Leaf - les deux modèles les plus vendus selon l'Association française pour le développement de la voiture électrique (Avere) - est loin d'être évident. Le maillage national n'est pas homogène, avec une surreprésentation à Paris et dans les métropoles, et les bornes ne sont pas toujours compatibles avec tous les modèles. La majorité d'entre elles se trouvent dans les parkings publics et il faut posséder des cartes d'abonnement pour y avoir accès.

Une prise murale plus sécurisée

Sur les routes, les bornes sont encore peu nombreuses, situées surtout dans les grandes villes, comme celles du réseau Autolib' parisien, et nécessitent de disposer d'une carte d'accès, payante dans certains cas. Autre solution : les grandes surfaces et centres commerciaux, qui commencent à s'équiper de bornes de recharge. Mais si le chargement est en général gratuit, il faut se rendre à l'accueil du magasin pour obtenir un badge ou un code d'accès. Et des conducteurs de voitures thermiques qui se garent sans vergogne sur ces places réservées aux électriques...

Concernant le chargement à domicile, là encore, la facilité n'est pas au rendezvous. Il est possible de recharger son véhicule sur une prise standard (mais il faut compter entre 8 et 12 heures) ou sur une Wallbox. Cette prise murale est recommandée par les grands constructeurs, qui invoquent une recharge plus sécurisée. Avantage : grâce à un ampérage plus élevé (16 A et plus) que sur la prise courante (8 à 10 A), le temps de charge est plus court (1 à 8 heures). Inconvénient : le coût, de 500 à 1 200 euros, sans compter les frais d'installation.

Récupérer 270 km d'autonomie en moins d'une demi-heure

Heureusement, le programme Advenir, qui aide au financement des bornes, offre une prime afin de couvrir les coûts de fourniture et d'installation de points de recharge, à hauteur de 40 % pour les entreprises et les personnes publiques, et 50 % pour le résidentiel collectif. Des systèmes de charge rapide, AC, en courant continu, ou CHAdeMO (norme mise au point par des constructeurs japonais), permettent des recharges de l'ordre de 30 minutes. Mais le must, ce sont les superchargeurs de Tesla, réservés aux clients de la marque américaine. D'une puissance allant jusqu'à 150 kW, ils permettent de récupérer jusqu'à 270 km d'autonomie en moins d'une demi-heure. On en compte une cinquantaine en France.

Pour aider les propriétaires de voitures électriques à trouver une borne avant de tomber en panne, un stress que connaissent tous les conducteurs vu la faible autonomie de ces véhicules (entre 160 km pour la Citröen C-Zero et 542 km pour une Tesla selon automobilepropre.com), Chargemap a mis au point une appli à télécharger gratuitement sur l'App Store et GooglePlay, qui s'appuie sur une base de données mondiale alimentée par 166 000 contributeurs. La startup propose aussi un passe payant (19,90 euros) compatible avec une cinquantaine de réseaux de recharge en France et en Europe, avec paiement à la consommation.

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ENCADRE

Le chargement à très grande vitesse, c'est pour bientôt

La technologie des batteries lithium-ion, qui équipent voitures électriques et smartphones, est éprouvée. Mais elle présente deux inconvénients : une instabilité qui peut conduire à des inflammations spontanées dans certaines circonstances, comme pour les smartphones Samsung Galaxy Note, et un temps de chargement très long. Plusieurs startups travaillent sur des technologies alternatives pour proposer des chargeurs ultrarapides. L'israélienne StoreDot a développé une technologie de semi-conducteurs biologiques composés d'acides aminés appelés peptides, des « nanodots » qui permettraient d'accélérer le processus de chargement.

Le fondateur Doron Myersdorf promettait en 2016 qu'il serait capable en 2018 de charger une Tesla en cinq minutes. Mais cette Flash Battery, présentée au Cube Tech Fair à Berlin en mai 2017, n'est toujours pas distribuée. Elle intéresse néanmoins les industriels, puisque Daimler a investi 60 millions de dollars dans StoreDot en septembre 2017, et le fonds de capital-risque du pétrolier BP vient d'injecter 20 millions de dollars supplémentaires dans la pépite de Tel-Aviv.

« La recharge ultrarapide est au coeur de la stratégie d'électrification de BP. Nous voulons être le fournisseur de choix pour l'automobiliste, quel que soit le type de véhicule qu'il conduit », a déclaré Tufan Erginbilgic, patron des opérations en aval de la compagnie britannique.

En Grande-Bretagne, Zap & Go, une spin off de l'université d'Oxford, a mis au point un chargeur ultrarapide au moyen de batteries à carbone-ion (C-ion).

« Notre vision est de fabriquer des batteries sûres, recyclables, avec une durée de vie plus longue - plus de 100 000 cycles de charge contre 1 000 pour le lithiumion -, grâce à notre technologie de nanocarbone », expliquait en novembre 2017 à "La Tribune" Simon Harris, directeur marketing et de l'investissement.

La société britannique a démontré récemment qu'elle pouvait charger une perceuse électrique en 15 secondes et un scooter électrique en moins de cinq minutes. Pour les voitures, Zap & Go propose d'installer dans les stationsservice des conteneurs - réapprovisionnés durant la nuit -, remplis de cellules C-ion d'une capacité de 1 MWh, capables de recharger 33 voitures à 30 KWh en cinq minutes. P.C.