Avenao, la start-up qui remet à niveau l'industrie française dans l'impression 3D

Par Nabil Bourassi  |   |  1001  mots
Sébastien Vercruysse a fondé Avenao en 2003 et surfe aujourd'hui sur la thématique de l'industrie du futur.
L'industrie française semble enfin prendre conscience de son retard dans le domaine prometteur de la fabrication additive (impression 3D). Mais elle manque encore d'expertise pour intégrer cette technologie futuriste dans ses process industriels. En fondant Avenao en 2003, Sébastien et Lenny Vercruysse, deux frères, ont su monétiser leur expertise dans ce domaine pour accompagner la mutation industrielle des plus grands groupes comme Airbus, Dassault ou Valeo.

Il y a deux façons de créer des entreprises : mobiliser des capitaux et construire un projet d'entreprise en gérant plusieurs années de pertes, ou vendre des compétences pointues et encaisser d'emblée des profits. La seconde option est, certes plus rare, mais c'est celle qu'ont choisi Sébastien Vercruysse et son frère Lenny lorsqu'ils fondent Avenao Industrie en 2003.

La France très en retard

Une idée de génie ? Presque ! Ce sont surtout des compétences rares dans le domaine de l'impression 3D encore à l'état de balbutiement en France que les deux frères ont su promouvoir. Une technologie pourtant vieille de près de 30 ans, mais où l'Hexagone a pris du retard.

"J'ai commencé dans une entreprise qui concevait des manèges, une activité qui se prête très bien à la fabrication additive (la version industrielle de l'impression 3D, ndlr) car il s'agit de pièces uniques ou de petites séries". Depuis, cette société de manège a disparu, et Sébastien Vercruysse a décidé de monétiser ses compétences à travers une société de conseil en ingénierie spécialisée : en clair, accompagner les entreprises pour qu'elles intégrent l'impression 3D dans leurs process industriels.

Pour les industriels, ce procédé est plein de promesses. Il permet d'économiser jusqu'à 40% de la masse des pièces produites. Il est idéal pour les petites pièces qui nécessitent une grande précision en raison de la complexité de leur conception et celles qui étaient jusque-là impossible à fabriquer. Pour l'industrie, l'enjeu est immense. Du coup, les contrats pleuvent.

L'industrie française se réveille

Quinze ans après le lancement de la société, l'industrie française semble effectivement découvrir les vertus de cette technologie révolutionnaire. Elle l'intègre désormais dans la panoplie des solutions qui constitue ce qu'on appelle désormais l'industrie du futur (ou industrie 4.0) et qui est désormais dans toutes les bouches.

Après avoir grandi dans le sillon du boom de l'industrie aéronautique, Avenao Industrie pourrait trouver de nouveaux viviers de croissance dans l'industrie automobile. "L'industrie automobile a dix ans de retard sur l'aéronautique en matière de fabrication additive", constate l'ingénieur. Pourtant cette technologie offre de multiples solutions à ce secteur. "Imaginez une portière qui est une pièce assez complexe constituée de nombreux vissages. Elle pourrait, grâce à la fabrication additive, être fabriquée en une seule pièce", illustre Sébastien Vercruysse.

L'Opéra de Paris, un vieux client

"Nous travaillons avec un grand groupe automobile qui a acquis un important parc d'imprimantes 3D, mais qui n'arrivait pas à trouver les gains de productivité. Nous intervenons pour les aider à intégrer cet outil dans leur process de production", raconte-t-il avec un sourire.

Mais Avenao n'intervient pas seulement pour des grands comptes industriels comme Dassault, Airbus ou Valeo. Le portefeuille client est très varié y compris auprès de sociétés auxquelles personne n'aurait pensé d'emblée : "nous avons un vieux contrat avec l'Opéra de Paris qui constitue ses décors en utilisant une maquette virtuelle 3D", confie le fondateur d'Avenao.

Pour Sébastien Vercruysse, la fabrication additive peut être un excellent vecteur de relocalisation de la production en France. Il rappelle : "les moulistes ont quitté la France parce que fabriquer un moule coûtait 10.000 euros, contre 2.000 euros en Chine. Avec l'impression additive, il n'est plus nécessaire d'usiner le moule, nous sommes désormais capable de ramener le prix du moule à 2.000 euros sur le territoire français".

Une croissance à deux chiffres

Parti de rien, Avenao compte aujourd'hui 150 salariés et compte des bureaux dans toute la France. Le groupe poursuit ses recrutements. Sébastien Vercruysse qui se dit secrètement "geek de l'industrie" recrute essentiellement des ingénieurs (70% des effectifs). Lui-même détenteur d'un DEA en mécanique à l'ENS de Cachan, ce père de famille de 44 ans a peaufiné son profil de chef d'entreprise en accomplissant un Master Gestion d'entreprises à HEC.

Avenao dégage un chiffre d'affaires de 22 millions d'euros et vise un objectif de croissance de 20% par an et une marge opérationnelle de 8%. Sébastien Vercruysse défend son modèle de société qu'il a monté seul avec son frère et sans subventions (il ne bénéficie pas du crédit impôt-recherche), avec une mise de départ de 20.000 euros partagée à parts égales avec son frère, et sans jamais avoir eu recours à l'endettement. Avenao a même puisé dans ses fonds propres pour acquérir LDM, une société de moulage.

Plus que tout attaché à son indépendance, il juge toutefois qu'Avenao est peut-être arrivé au bout de son modèle d'autofinancement. Pour la première fois, il songe à recourir à des financements externes pour accompagner le développement de sa société. D'autant que le frère, qui reste associé, a fondé une nouvelle société spécialisée dans le bicloud.

Un "Uber" de l'impression 3D?

Et Sébastien Vercruysse ne manque pas d'idées pour booster la croissance de sa société. S'il dit ne pas être fermé à de la croissance externe, il veut d'abord achever l'intégration de LDM. Il veut également développer 3D Clic-Shape, une start-up qu'il a fondée récemment sur le modèle d'Uber. "Il s'agit de mettre en relation des industriels détenteurs d'outils de fabrication additive avec des industriels qui en ont un besoin très ponctuel, les premiers amortissent ainsi le coût d'achat de cet outil". "Nous avons lancé l'appli il y a six mois, et nous sommes très satisfaits avec une dizaine de demande de devis par jour", se réjouit-il.

"En France, nous sommes au début de l'Histoire de la fabrication additive", conclut l'ingénieur avec un brin de fausse naïveté. Car, sans le dire, il veut faire partie de cette histoire, et il compte bien s'en donner les moyens...