Viaduc de Gênes : une telle catastrophe pourrait-elle se produire en France ?

Par latribune.fr  |   |  712  mots
En France, d'après un rapport remis au gouvernement en juillet, 30% des ponts du réseau routier français non concédé nécessiteraient des réparations. A Bordeaux, par exemple, on s'interroge dans la presse pour le pont d'Aquitaine, mis en service la même année que le pont de Gênes, en 1967. (Crédits : Reuters)
L’effondrement du pont autoroutier survenu à Gênes (Italie) mardi 14 août éclaire d’un jour nouveau le rapport d’audit sur l'état du réseau routier non concédé qui a été remis au gouvernement en juillet. Pour ses auteurs, 7% des ponts présenteraient des risques d’effondrement.

"Réseau routier national non concédé", quezaco ? Il ne représente que 12.000 kilomètres, soit 1,2% du réseau routier français. Mais il supporte 18,5% du trafic et constitue un « maillon névralgique du système de transport du pays », selon Nibuxs et IMDM. C'est à ces bureaux d'études suisses que la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer a confié il y a quelques mois un audit concernant ledit réseau routier national non concédé.

Or, ses résultats, dont une synthèse est disponible sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire, ne sont guère rassurants. On y apprend en effet que le réseau est « vieillissant et dégradé », et que cette dégradation des chaussées et des ouvrages d'art est « préoccupante ». Depuis 2012, ce serait la moitié des chaussées qui nécessiteraient des réparations structurelles: 2.040 kilomètres seraient ainsi gravement endommagés.

Cette dégradation est due au froid et aux intempéries, mais également au trafic particulièrement élevé sur les voies à caractéristiques autoroutières supportant des trafics de longue distance, lequel trafic peut atteindre jusqu'à 30.000 véhicules particuliers par jour !

Entretien : 50.000 €/km en France... contre 80.000 au Royaume-Uni

Quant aux ouvrages d'art, notamment les quelque 12.000 ponts, un tiers nécessiterait des réparations. Et si, la plupart du temps, de petites réparations seraient suffisantes, dans 7% des cas des dommages plus sérieux présentent un risque d'effondrement et justifieraient donc de les fermer à titre préventif. Malheureusement, selon ce même audit, un pont n'est réparé, en moyenne, que... 22 ans après l'apparition des premières dégradations.

Toujours selon les bureaux d'études suisses mandatés par le ministère, cette situation résulte d'une insuffisance chronique de moyens consacrés à l'entretien et à la gestion de ce réseau.

[Cliquez sur le graphique pour l'agrandir. Histogramme extrait du rapport "Réseau routier national non concédé : résultats d'audits". Source : ministère de la Transition écologique et solidaire]

L'État y consacre 666 millions d'euros par an en moyenne depuis 10 ans, soit une dépense de 50.000 euros par kilomètre, alors que le Royaume-Uni dépense 80.000 euros par kilomètre.

De façon générale, la France fait mieux que ses voisins du Sud de l'Europe mais moins bien que ceux du Nord. Les auteurs du rapport calculent qu'en restant à ce niveau de dépenses jusqu'en 2022, 6% des ponts seront "hors service" en 2037 (soit plus de 700 ponts). Il faudrait ensuite compenser par des investissements annuels de 1,3 milliard pendant 15 ans pour revenir à un état du réseau comparable à celui d'aujourd'hui.

Par ailleurs, le rapport souligne que les dépenses préventives régulières visant à éviter des dégradations trop importantes sont trois fois moins coûteuses que les réparations rendues nécessaires par des dommages structurels.

Budget 2018 augmenté de 100 millions d'euros

La ministre française des Transports, Élisabeth Borne, a rappelé mercredi qu'elle planchait pour la rentrée sur un projet de loi de programmation des infrastructures.

« L'entretien, c'est notre priorité, ça se traduit dès le budget 2018 et ça se traduira pendant plusieurs années », a-t-elle ajouté soulignant avoir augmenté le budget 2018 à 800 millions d'euros, soit 100 millions de plus qu'en 2017.

En Bulgarie, on apprend ce jeudi que le Premier ministre, Boïko Borissov, a demandé une rénovation de tous les ponts du pays. L'état le plus pauvre de l'Union européenne, qui ne dispose que de moins de 800 kilomètres d'autoroutes, bénéficie depuis une dizaine d'années d'un financement européen destiné à moderniser les infrastructures qui n'ont pas été entretenues après la chute du communisme en 1989. Selon le ministre du développement régional, 211 ponts, pour la plupart construits il y a 35 à 40 ans, sont en mauvais état.

[Évolution comparée des investissements dédiés aux infrastructures dans cinq pays de l'UE. Cliquez sur le graphique pour l'agrandir. Crédit : Statista*]

(*) Un graphique de notre partenaire Statista.

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DOCUMENT DE RÉFÉRENCE :

> Réseau routier national non concédé : résultats d'audits [synthèse publiée le 10 juillet 2018 par le ministère de la Transition écologique et solidaire] (Cliquez sur l'image ou le titre pour télécharger le document pdf de 8 pages)