Origines du Covid : l'OMS veut reprendre l'enquête, la Chine fustige des "arrière-pensées politiques"

Par latribune.fr  |   |  792  mots
L'institut de virologie de Wuhan (photo) a nourri l'hypothèse de l'accident de laboratoire comme ayant déclenché la pandémie de Covid-19. Et ce, d'autant plus que cet institut est spécialisé dans l'étude des coronavirus ayant un potentiel épidémique chez l'être humain. On sait par ailleurs que "de tels accidents ont déjà conduit à des infections humaines, et même à la pandémie de grippe H1N1 de 1977 qui a fait plus de 700.000 victimes", selon VIrginie Courtier, directrice de recherche du CNRS. (Crédits : THOMAS PETER)
Alors qu'en janvier, les enquêteurs de l'OMS avaient vu leurs recherches à Wuhan sur l'origine de la pandémie entravées par les autorités chinoises, hier, l'Organisation mondiale de la santé a remis un coup de pression sur Pékin via un message exhortant les pays du monde entier à publier "toutes les données sur le virus".

On se souvient que, en janvier 2021, après leur arrivée à Wuhan, en Chine, pour enquêter sur l'origine de l'épidémie mondiale de coronavirus SARS-COV-2, les enquêteurs de l'OMS n'avaient pu obtenir des autorités chinoises les données brutes sur 174 cas d'infection par le coronavirus identifiés lors de la toute première phase de l'épidémie, en décembre 2019. Les enquêteurs qui n'avaient donc pu accomplir leur mission normalement étaient repartis après quatre semaines sur place "sans conclusion définitive", mais en précisant malgré tout que l'hypothèse d'un virus échappé d'un laboratoire était "hautement improbable".

Mais le 31 mars dernier, contredisant les conclusions du rapport qu'il a lui-même commandé, le patron l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait demandé une enquête sur l'hypothèse d'une fuite du virus d'un laboratoire en Chine pour expliquer l'origine de la pandémie, et critiqué le partage insuffisant des données par Pékin lors de la mission des experts internationaux cet hiver. Il était soutenu dans cette démarche par les États-Unis et l'UE qui déclarait alors que des "investigations supplémentaires devront être poursuivies".

| Lire : Origine du Covid-19 : le rapport de l'OMS critiqué par... l'OMS, les États-Unis et treize autres pays

La Chine accuse l'OMS d'arrière-pensées politiques

Ce vendredi 13 août, la Chine oppose une réponse négative, rejetant l'appel de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à une nouvelle enquête sur son territoire pour rechercher les origines du Covid-19, fustigeant l'organisation pour son approche "politique" plus que "scientifique".

De fait après des mois sans résultat, l'OMS avait ces dernières heures accentué la pression sur Pékin au sujet de la recherche des origines de la pandémie, qui a déjà fait plus de 4 millions de morts dans le monde et mis à mal une bonne partie des économies mondiales. Hier jeudi, l'OMS avait exhorté l'ensemble de la communauté mondiale à publier "toutes les données sur le virus". Un appel adressé notamment à la Chine, où la fuite du coronavirus depuis un laboratoire de Wuhan, ville où il a été détecté fin 2019, reste une éventualité.

| Lire : Le laboratoire P4 de Wuhan : une histoire française (17.04.2020, France Culture)

La Chine refuse toute nouvelle enquête sur son sol

Pékin a donc répliqué ce vendredi à l'OMS en réitérant sa position défendue depuis plusieurs mois: l'enquête initiale Chine-OMS est suffisante et les demandes de données supplémentaires ont des arrières-pensées politiques.

"Nous soutenons une recherche basée sur la science", a indiqué Ma Zhaoxu, vice-ministre des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse en ligne.

"Nous sommes opposés à la politisation de la recherche des origines (...) et à l'abandon du rapport conjoint" Chine-OMS, a-t-il souligné.

De fait, le premier rapport de l'OMS (le "rapport conjoint Chine-OMS") contentait les autorités chinoises. Car malgré les entraves qu'ils avaient subi, les enquêteurs de l'OMS avait accepté de rendre un rapport dans lequel ils ne formulaient certes pas de conclusions définitives mais avançaient néanmoins des hypothèses qu'ils estimaient pouvoir classer dans des catégories telles que "probable" et "improbable":  ainsi l'hypothèse du passage du coronavirus de la chauve-souris à l'homme via un animal intermédiaire était rangé dans la catégorie du scénario "le plus probable". À l'opposé, l'équipe d'experts dépêchée par l'OMS jugeait "extrêmement improbable" que le virus provienne d'un laboratoire (notamment le fameux laboratoire P4 de Wuhan).

|Lire : Origines du Covid-19 : l'hypothèse d'un accident à l'Institut de virologie de Wuhan relancée après la divulgation de travaux inédits (14 mai 2021)

Dans un article daté de juin 2021, Virginie Courtier, directrice de recherche CNRS, génétique et évolution, revient en détail sur cette hypothèse et explique à ce sujet :

"Pour déterminer si le SARS-CoV-2 s'est échappé d'un laboratoire, il faudrait mener une enquête approfondie et examiner divers éléments. Cela nécessite, entre autres, d'avoir accès aux bases de données de séquences ainsi qu'aux différentes ressources utilisées par les chercheurs chinois, ce qui inclut notamment les cahiers de laboratoire, les projets déposés, les manuscrits scientifiques en préparation et soumis, les séquences virales, la liste des commandes et les analyses biologiques des expérimentateurs."

Quoi qu'il en soit, Ma Zhaoxu a rejeté les demandes de l'OMS visant à relancer une enquête plus poussée.

"Les conclusions et recommandations du rapport conjoint ont été reconnues par la communauté internationale et la communauté scientifique", a-t-il souligné."Les recherches futures doivent, et ne peuvent être poursuivies que sur la base de ce rapport. Il ne s'agit pas de tout recommencer à zéro."

 (avec AFP)