Energie : les Japonais consomment moins...mais leurs factures explosent

Par Régis Arnaud (à Tokyo)  |   |  423  mots
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Les dépenses bondissent en raison des achats de gaz naturel, de charbon et de pétrole venus compenser la perte du nucléaire.

Le Japon vit une révolution énergétique. La sortie du nucléaire ? Il est en train de la faire sans aucune décision politique officielle, mais à vitesse grand V. L'un des pays le plus nucléarisé de la planète, qui dépendait de l'atome pour un tiers de ses besoins énergétiques jusqu'à l'accident de sa centrale de Fukushima, n'a plus que six réacteurs en activité sur 54, et n'en aura peut-être aucun dans quelques jours. Le rallumage de ces derniers dépend in fine des autorités locales, qui rechignent à prendre une telle responsabilité.

Les Japonais avaient impressionné le monde en se rationnant pendant l'été, traditionnel pic de la consommation. Ils s'étaient ainsi évités des coupures d'électricité. Mais ils n'ont pas fondamentalement altéré leurs comportements. Entre mars et décembre dernier, la consommation d'électricité par mois a baissé de 6,2% seulement.

Mais la facture énergétique du pays, entièrement faite d'importations, a déjà explosé en raison des achats de gaz naturel, de charbon et de pétrole venus compenser la perte du nucléaire. C'est elle qui est largement responsable du déficit commercial (le premier depuis 1980) essuyé par le Japon en 2011 : « 60% de la hausse des importations l'an dernier provient de la hausse du coût des matières premières », explique l'économiste Richard Katz.

Ces surcoûts ne vont pas tarder à apparaître sur la facture de l'usager final : déjà, l'opérateur japonais principal Tokyo Electric a annoncé une hausse de 17% de ses tarifs pour les entreprises. Et Tepco a prévenu que les foyers subiront une hausse similaire « dès que possible ». Le ministre de l'Économie Yukio Edano a déjà prévenu que les capacités de production d'électricité du pays ne suffiront peut-être pas à répondre à la demande de l'été prochain.

Cet état d'urgence stimule les consommateurs ainsi que les industriels de l'énergie renouvelable et des produits « basse consommation ». Les ampoules LED se vendent comme des petits pains. Les groupes d'électronique vantent leurs frigidaires « vertueux » et leurs automobiles « écologiques ». Mais les villes demeurent "surclimatisées". Les nouveaux immeubles ne sont toujours pas correctement isolés. Les industriels les plus touchés (acier, chimie) par la hausse des prix de l'énergie poursuivent leurs délocalisations. « Les Japonais demeurent convaincus qu'économiser de l'énergie, c'est reculer en terme de niveau de vie. Ils ne changeront pas tant que nous n'aurons pas changé cette perception », peste un industriel étranger de l'isolation.