La rentabilité insolente de Total marque le pas

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  647  mots
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Total a réalisé en 2011 un bénéfice net de 12,3 milliards d'euros, soit 11,4 milliards d'euros hors éléments exceptionnels, loin derrière les 14 milliards de bénéfices engrangés en 2008 dans le sillage de la flambée du baril. Pourtant, en 2011, le baril de pétrole a battu tous les records, à 111 dollars en moyenne, supérieur aux 98 dollars de 2008. Explications.

En 2011, Total aura moins profité de l'envolée du baril qu'en 2008. Avec un prix moyen record du pétrole de 111 dollars l'an dernier, la major française a publié  vendredi matin un résultat net part du groupe de 12,3 milliards d'euros. Hors élements exceptionnels, ce bénéfice ressort à 11,4 milliards d'euros, en net retrait par rapport à son bénéfice historique de 14 milliards d'euros en 2008 (hors élements exceptionnels toujours) avec un baril à 98 dollars. Deux facteurs auront principalement pesé en 2011 sur la rentabilité du groupe dirigé par Christophe de Margerie. D'abord, une production qui stagne, voire qui diminue. « En 2011, hors le gaz extrait par Novatek, la production de Total va s'afficher en recul de 3,5% environ par rapport à 2008 », calculait la veille un analyste parisien. La production d'hydrocarbures a reculé de 1%, à 2,346 millions de barisl équivalent pétrole par jour.

L'arrêt total des puits libyens pendant plusieurs mois l'an dernier aura eu une incidence, même si la Libye ne représentait que 2,3 % de la production du groupe. Mais surtout Total, comme tous ses grands concurrents, doit faire face à l'épuisement naturel de ses gisements, qui déclinent à un rythme de 4% par an. « Pour parvenir à notre objectif de 2,5% de croissance moyenne annuelle de production, il nous faut en réalité progresser chaque année de 6 à 7% », rappelait Yves-Louis Darricarrère, directeur général en charge de l'exploration et de la production chez Total, la semaine dernière dans les colonnes de Challenges.

Un projet à 46 milliards de dollars au Kazakhstan

Or, si Total a lancé en 2011 une politique plus audacieuse d'exploration, celle-ci n'a pas encore porté ses fruits, malgré quelques découvertes prometteuses l'an dernier, en Guyane, en Bolivie et en Azerbaïdjan. La major a en outre acquis ces deux dernières années de nouveaux gisements, en Ouganda et au Canada ainsi que du gaz en Russie (Novatek), aux Etats-Unis et en Australie. Mais, ces nouvelles ressources ne sont pas encore effectives. Une trentaine de grands projets doivent démarrer d'ici à 2015 dont, en 2012 et 2013, le gigantesque gisement de Kashagan, au nord de la mer caspienne au Kazakhstan, (la première phase est évaluée à près de 46 milliards de dollars) et le vaste gisement off-shore d'Usan au Nigeria.

Des coûts de production qui s'envolent

Surtout, à l'instar là aussi de ses grands concurrents internationaux, Total affiche des coûts de production en hausse. Le pétrole conventionnel s'épuisant, il est de plus en plus onéreux d'aller extraire l'or noir en mer toujours plus profond  . « Le coût de production marginal est désormais de 80 dollars le baril », souligne Olivier Appert, président d'IFP EN. C'est le coût de production des biocarburants, des huiles lourdes et de certains gisements off-shore. Très loin des quelques dollars nécessaires pour produire du pétrole en Arabie Saoudite.

Total avait prévu d'augmenter de 33 % ses investissements en 2011 (à 21 milliards de dollars; il en a réalisé en fait 22 ) et de les porter en moyenne à 23 milliards entre 2012 et 2014 contre 16 milliards en 2010.En 2012, le groupe table sur sur 20 milliards d'investissements nets.

D'autres facteurs ont pesé sur le résultat 2011, notamment la chute de la marge brute de raffinage en Europe qui est passée de 21 à 14 euros la tonne, ce qui a entraîné une perte pour le raffinage français de 900 millions d'euros sur l'année, selon l'Union française de l'industrie pétrolière. Total poursuit la réduction de ses capacités de raffinage en Europe, qui devait diminuer de 33% entre 2009 et 2011 après la fermeture ou la vente de plusieurs usines, dont Dunkerque en 2010. En attendant le démarrage prochain de la raffinerie géante de Jubail en Arabie Saoudite. La major française tente par ailleurs de dynamiser son activité aval avec la récente réorganisation qui l'a menée à réunir le raffinage et la pétrochimie et à séparer la distribution de produits pétroliers.