France-Espagne : la tension...électrique baisse

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  707  mots
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La bataille, démarrée en 1982, autour du projet de ligne à très haute tension entre les deux pays, va connaître mercredi 15 février son épilogue. Le premier coup de pioche du tunnel sous les Pyrénées sera donné côté espagnol.

Un heureux épilogue mais la bataille aura été longue et rude. Des deux côtés des Pyrénées, la mobilisation n'a pratiquement pas cessé depuis près de trente ans contre le projet de ligne à Très Haute Tension (THT) qui doit doubler la capacité d'interconnexion électrique entre la France et l'Espagne. Après des travaux préliminaires ces derniers mois, le premier coup de pioche de la partie la plus spectaculaire de ce chantier à haut risque va être donné mercredi 15 février. Il s'agit du démarrage du tunnel de 8,5 kilomètres à Santa Llogaia (près de Figueras, côté espagnol) qui va être percé sous les Pyrénées .

Un projet qui s'est déplacé sur toute la chaîne des Pyrénées

Les trente années d'opposition des élus locaux et de la population auront d'abord abouti au déplacement d'ouest en est, sur la chaîne des Pyrénées, de cette ligne à très haute tension de 2 x 1.000 MW. Prévue initialement dans le pays basque, elle a été vite repoussée dans la province gasconne du val d'Aran, où le roi d'Espagne a ses habitudes, dit-on. En 1984, le projet ressurgit dans la vallée du Louron (Hautes Pyrénées). Après une très forte mobilisation et d'innombrables manifestations, la vallée est épargnée par son classement en site protégé en 1995, sur intervention du premier ministre d'alors, Alain Juppé. Reporté en Haute Garonne, puis en Ariège, le projet aboutit finalement dans les Pyrénées Orientales, où élus et habitants s'y sont farouchement opposés jusqu'en 2003. Cette année là, après quatre mois de houleux débat public, la ministre de l'industrie, Nicole Fontaine, demande que l'ensemble du dispositif soit revu. Rien ne se passe pendant les quatre années suivantes.

Un budget multiplié par huit

Bruxelles, qui entre temps, avait fait de l'interconnexion électrique européenne un de ses dadas, finit par proposer sa médiation et diligente comme coordonateur ... Mario Monti. Il lui aura fallu rédiger deux rapports, en 2007-2008, pour que Paris et Madrid acceptent un projet de ligne « résolument exceptionnel », selon les termes de l'actuel président du conseil italien. Les deux pays se mettent d'accord pour l'enfouissement de la ligne sur 65 kilomètres, dont 8,5 kilomètres de tunnel sous la chaîne des Pyrénées. A chaque bout, une station de conversion pour passer du courant continu, plus pratique en souterrain, au courant alternatif. Au passage, le budget est multiplié par presque 8, de 90 à 700 millions d'euros. L'Union européenne met la main à la poche en finançant 225 millions.
Le maître d'ouvrage, Inelfe, société constituée à parts égales par les entreprises gestionnaires des réseaux électriques espagnol et français, REE (Red Eléctrica de España) et RTE (Réseau transport d'électricité), prévoit sa mise en service en 2014. Le tunnel (1 km en Espagne et 7,5 km en France ) sous le massif des Albères sera parallèle à ceux de la nouvelle Ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) Perpignan-Figueras.

Importer du courant depuis le Maroc

Depuis le début des années 80, les justifications pour cette THT ont significativement changé. Au départ, il s'agissait pour EDF de vendre son abondante électricité nucléaire à la péninsule ibérique, par ailleurs isolée électriquement en Europe. La presse indiquait que l'électricien public s'était engagé à fournir à l'Espagne, pour dix ans, à partir de 1994-95 une capacité de 1.000 MW. Faute de quoi, de fortes pénalités s'appliqueraient. Informations qu'EDF a toujours refusé de confirmer. Ensuite, l'accent a été mis par EDF sur les risques de black-out, comme aux Etats-Unis ou en Italie en 2003.
Dans ses rapports, Mario Monti avançait un autre argument : la nécessité pour l'Espagne de compenser l'intermittence de ses nombreuses installations éoliennes. Le coordonnateur expliquait que l'importation d'électricité nucléaire française, se substituant à du courant issu de centrales à charbon ou à fioul, permettrait d'éviter l'émission de 1,5 million de tonnes de CO2 par an.
Au final, cette future ligne permettra peut être à la France d'importer du courant d'origine solaire produit au Maroc, grâce au très ambitieux projet Desertec, transitant par l'Espagne via le détroit de Gibraltar.