Antoine Frérot va-t-il sauver sa tête chez Veolia ?

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  1194  mots
La patron de Veolia, Antoine Frérot, « va faire le tour des administrateurs » pour défendre son bilan et ses projets. Photo : Reuters
Si Henri Proglio maintient son intention de demander la révocation d'Antoine Frérot lors du conseil d'administration de Veolia du 29 février, quelles sont ses chances de réussite ? Réelles, sauf si la pression politique lui fait faire marche arrière.

Henri Proglio va finir par se faire une spécialité des raids.... qui capotent, faute de discrétion suffisante. Après son offensive ratée sur Suez Environnement, lorsqu'il était à la tête de Veolia, qui aura abouti au final à la création de son grand concurrent GDF Suez, ou son celle non aboutie sur Vinci, le voilà qui ourdit un brutal débarquement de son successeur chez Veolia Environnement. Pour le remplacer par un de ses amis, Jean-Louis Borloo, ce qui aurait au passage le mérite de débarrasser Nicolas Sarkozy de ce bruyant « ami ». Seul problème : en faisant la une de la presse ce lundi, ce projet déclenche déjà un tollé.
 

Un tollé malgré les démentis

"Dans quel monde est-on, où par des arrangements ou des conciliabules, des compromis établis dans je ne sais quel avion, je ne sais quel déplacement, le candidat sortant et le président actuel d'EDF changeraient le PDG de Veolia pour mettre une personnalité politique parce que ça arrangerait à un moment de la campagne présidentielle", a déclaré François Hollande lundi matin, lors d'un déplacement en banlieue parisienne. "Les personnalités politiques n'ont pas à rentrer dans les affaires alors qu'elles ont renoncé a être candidates à l'élection présidentielle. Personne ne peut admettre cette confusion-là", a-t-il ajouté.

Du côté des protagonistes, les démentis pleuvent. En commençant par Nicolas Sarkozy qui a qualifié "d'absurde" l'hypothèse d'une offensive menée en coulisse par l'Elysée. Selon sa toute nouvelle porte-parole, Nathalie Kosciusko- Morizet, il ne s'agit là que de "rumeurs de presse". Elle a par ailleurs démenti formellement les informations selon lesquelles des décisions avaient été prises  entre Nicolas Sarkozy et le PDG d'EDF, Henri Proglio, dans l'avion qui les emmenait à Bourgoin-Jallieu, en Isère, où se trouve l'entreprise Photowatt.

"J'étais dans l'avion, il n'y a pas eu d'aparté et il n'y a pas eu de discussion sur ce sujet. Donc ça, c'est faux", a-t-elle affirmé. Quant à Jean-Louis Borloo, il a démenti auprès de l'AFP, dénonçant des "supputations", des "manipulations, voire une volonté de nuire". L'ancien ministre de l'écologie avait pourtant fin 2009 caressé le projet de prendre la tête de Veolia, au moment où Proglio rejoignait, avec son soutien, EDF.
 

La tête de Frérot est sur le billot

Il demeure, malgré ces démentis, que le raid est réel et que la tête d'Antoine Frérot est sur le billot. Cinq administrateurs, sur dix-sept, ont confirmé avoir été approchés ces derniers jours par Henri Proglio ou Jean-Louis Borloo. Si l'actuel patron d'EDF, en guerre ouverte contre son successeur à la tête de Veolia depuis des mois, maintient ses intentions, il soumettra au vote du conseil de Veolia du 29 février la révocation d'Antoine Frérot. Les spéculations vont bon train sur les lignes de force au sein de ce conseil, dont la très grande majorité des membres a été nommée sous la présidence de Henri Proglio.

« Les banquiers, nombreux au sein du conseil soit parce qu'ils sont actionnaires comme la CDC, soit parce qu'ils détiennent une partie de la dette, vont devoir juger si la meilleure chance de revoir leur argent, c'est de remettre en selle un ami d'Henri Proglio, responsable des difficultés actuelles », affirme un proche d'Antoine Frérot. L'actuel patron de Veolia a passé plus de 800 millions d'euros de dépréciation en juillet, plongeant les comptes du groupe dans le rouge. « La situation actuelle provient très largement des acquisitions onéreuses et peu maîtrisées de Proglio », ajoute ce conseiller de Frérot.
 

"Frérot ne peut pas rester", selon l'entourage de Proglio

Son de cloche évidemment contraire dans le camp adverse : « le constat sur la situation catastrophique de Veolia est largement partagé par les administrateurs. Ils n'ont pas besoin d'Henri Proglio pour le faire. Ils veulent trouver une solution avant que cela ne s'aggrave », rétorque un proche d'Henri Proglio. « Tout le monde est d'accord depuis longtemps sur le fait qu'Antoine Frérot ne peut pas rester. Restait à trouver le facteur déclenchant et le nom du successeur », confie un membre de l'entourage de l'actuel patron d'EDF.

« Pour le premier point, c'est facile. Veolia s'apprête à annoncer début mars une perte nette au titre de 2011. Pour le second, c'est plus compliqué. », ajoute-t-il. « Evidemment, dans ce type de cas, des candidats déjà membres du conseil d'administration, comme Augustin de Romanet (CDC) ou Daniel Bouton (ex Société Générale), semblent plus crédibles. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils soient très crédibles », commente un fin connaisseur du dossier. C'est de notoriété publique que le directeur général de la CDC, Augustin de Romanet, cherche un point de chute après l'expiration de son mandat le 7 mars prochain. Il serait déjà un ennemi déclaré d'Antoine Frérot.
 

Romanet bloquerait la cession de Transdev

« Romanet bloque actuellement le gros morceau du plan de cession présenté début décembre par Antoine Frérot pour désendetter le groupe, à savoir la vente des 50 % de Veolia dans sa filiale transport détenue avec ... la Caisse des dépôts », déclare un proche d'Antoine Frérot. « Nous avons des acheteurs, mais la Caisse fait barrage », insiste-il. « Romanet préfère jouer pour sa carrière la carte CNP Assurances, dont Henri Proglio préside le comité de nominations », affirme un proche du conseil.

Quant à Jacques Veyrat, l'autre candidat dont le nom circule dans la presse comme éventuel successeur de Frérot, « c'est l'éternel candidat d'Alain Minc, qui le propose partout », croit savoir un observateur. Jacques Veyrat est l'ancien patron du groupe Louis-Dreyfus, écarté par la veuve de Robert Louis-Dreyfus, Margarita.
 

Antoine Frérot va faire le tour des administrateurs

Enfin, s'agissant de Jean-Louis Borloo, outre son absence d'expérience en matière de direction d'entreprise - qui ne l'empêche pas d'affirmer dans "Libération"« être actuellement chassé par deux grands groupes internationaux qui ne sont pas Veolia », le tollé politique actuel risque de tuer sa candidature.

Le danger n'est pas écarté pour autant pour Antoine Frérot, « qui va faire le tour des administrateurs » pour défendre son bilan et ses projets, sans exclure un échec. « On ne connaît pas la position des grands actionnaires, Dassault (réputé proche de l'Elysée, ndlr), et le Qatar, présents au conseil », glisse un de ses proches. « Dassault est excédé par Frérot, les Qataris sont plus patients », croit savoir un conseiller de Proglio.
 

Au sein du conseil de Veolia, certains crient à la déstabilisation

Le président de Véolia ne manque cependant pas de soutien au sein de son conseil. "C'est une manoeuvre pure et simple de déstabilisation", s'indignent certains auprès de La Tribune. "Ce n'est pas la première. Ces maneouvres sont incessantes depuis que la direction actuelle a décidé de purger les erreurs du passé", poursuivent-ils en affirmant "qu'il n'a jamais été question au conseil de changer la stratégie, ou le PDG".