Paris étudie une tarification "différenciée" de l'eau

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  661  mots
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Faire payer l'eau plus cher aux consommateurs professionnels, moins cher aux particuliers. La Ville de Paris vient de voter la mise à l'étude d'une tarification variable de l'eau. Une pratique inédite en France.

Paris compte continuer à innover dans l'eau. Chef de file de la tendance à la "remunicipalisation" de l'eau, l'équipe de Bertrand Delanoe avait fait sensation en 2010 en récupérant au sein de sa régie municipale la distribution de l'eau assurée depuis des lustres par les géants privés Suez Environnement et Veolia. Lundi 19 mars, le Conseil municipal a voté un "v?u" pour mettre à l'étude une tarification "variable" de l'eau.
Les élus socialistes veulent examiner les possibilités de tarification sociale et progressive. Des demandes souvent formulées par les associations de consommateurs.

"Moins les clients consomment, plus ils paient cher", déplorait mercredi Thomas Laurenceau, rédacteur en chef de 60 millions de consommateurs, en dévoilant les résultats d'une vaste analyse de 4.000 factures transmises par des particuliers. Le prix moyen s'établit à 5,4 euros le mètre cube (m3) pour des consommations annuelles inférieures à 30 m3, contre 3 euros pour les plus gros clients. "Il faut aller vers plus d'équité pour les petits consommateurs. Il est également essentiel d'encourager les efforts de maitrise de la consommation en pratiquant des prix progressifs", estime 60 millions de consommateurs.

"Un tarif dégressif n'est pas applicable dans les villes"

Paris les a entendus. Même si un tarif "dégressif" (inversement proportionnel à la consommation) ne paraît pas une solution pour Eau de Paris. "En milieu urbain, composé essentiellement d'habitat collectif, un tarif progressif est difficilement applicable car il faudrait équiper chaque appartement d'un compteur individuel", estime Mathieu Souquière, directeur de la stratégie de la régie Eau de Paris. A Paris, un compteur dessert en moyenne 20 logements. Une famille parisienne paie environ 100 euros par an pour sa consommation d'eau (trois fois plus avec l'assainissement et les taxes). Installer des compteurs à 50 euros pièce serait un surcoût important pour les Parisiens, estime Eau de Paris.

Facturer davantage les usages professionnels dans les commerces

La régie a une autre idée : faire payer davantage les gros consommateurs professionnels, "qui génèrent du chiffre d'affaires avec l'eau" comme les coiffeurs, les pressings, les restaurants ...ou les grands comptes d'Eau de Paris comme la RATP ou la SNCF. Une pratique inédite en France, même si plusieurs villes comme Libourne, dont Gilbert Mitterrand, président de France Libertés, est le maire, étudient un tarification progressive qui différencie les usages de l'eau. L'idée est de facturer plus cher aux particuliers les m3 d'eau utilisés au-delà d'une consommation estimée "vitale". Mais, en ville, peu de piscines ou de jardins. "A Paris, la consommation d'eau des ménages est très homogène", affirme Mathieu Souquière.
Pour préserver la ressource en eau, Eau de Paris préfère tester les "kits économiseurs".

Des kits pour diminuer de 15% la consommation

Depuis mars, la Ville offre, avec Paris Habitat, le plus grand office HLM de la capitale, ces kits à 15.000 locataires. Un système de filtres sur les robinets qui assurent la même pression en limitant le débit d'eau. "Paris Habitat en a déjà équipé 15.000 logements et a constaté une diminution de 15% de la consommation d'eau", explique le directeur stratégie d'Eau de Paris. "Ce qui fait baisser à la fois la facture d'eau et celle d'électricité, car c'est de l'eau chaude qui est le plus souvent économisée. Au total, le client gagne 100 euros sur l'année", ajoute-t-il. En soulignant que pour Eau de Paris, l'investissement ne se résume pas aux 150.000 euros de kits mais comprend également 250.000 euros de chiffre d'affaires en moins.
Enfin, sur le plan social, la Ville a mis en place une prise en charge d'une partie de la facture eau à ses allocataires logement. En 2011, Paris comptait 44.000 allocataires sur 2 millions d'habitants, avec une aide moyenne représentant la moitié de la facture d'eau. "Un véritable tarif social de l'eau reviendrait à devoir connaître la situation fiscale du client, une démarche délicate", commente Mathieu Souquière.