La manne gazière de Chypre suscite de fortes tensions entre Israël et la Turquie

Par Pascal Lacorie, à Jerusalem  |   |  576  mots
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La découverte de gaz dans les eaux territoriales chypriotes fait monter la tension dans la région. La Turquie voit effectivement d'un très mauvais œil la lune de miel entre Chypre et Israël, qui s'est rapproché de Nicosie pour exploiter et protéger ses ressources gazières.

Israël et Chypre ont contracté un mariage de raison avec comme dote commune une manne sous-marine inespérée. Les deux pays distants de quelques centaines de kilomètres ont, en effet, découvert en Méditerranée orientale d'énormes champs gaziers, dont la valeur estimée se chiffre en dizaine de milliards de dollars. Aucun des deux n'a les moyens d'exploiter ces richesses sans l'aide de multinationales ou sans coopérer, y compris dans le domaine de la défense pour contrer les appétits notamment de la Turquie qui occupe la partie nord de Chypre.

Sur le terrain, l'heure est à lune de miel entre l'Etat hébreu et Chypre. Signe des temps : Delek, un des plus important groupe énergétique israélien vient de faire acte de candidature pour des appels d'offres lancés à la mi-mai pour de nouvelles licences d'exploration dans les eaux chypriotes. Cette entreprise envisage de collaborer avec Total, également en lice, pour les futurs projets de construction d'une usine de liquéfaction de gaz à Chypre. Cet intérêt s'est traduit également par l'envoi d'une importante délégations d'hommes d'affaires israéliens à un séminaire international organisé le week-end dernier à Nicosie sur le marché du gaz. Auparavant, les deux pays avait préparé le terrain en signant à la fin de 2010 un accord sur la délimitation de leur zone d''exploitation économique exclusive. Tout aussi symbolique, depuis avril le plus long câble électrique du monde relie Israël, Chypre et la Grèce au réseau européen pour faire face à d'éventuelles pénuries dans ces trois pays.

 Les marines israéliennes et turques sur le pied de guerre

Sur le front politique Benjamin Netanyahu, a effectué au début de l'année la première visite d'un chef de gouvernement israélien à Chype, un pays longtemps considéré par les responsables israéliens comme "pro-arabe". Ce rapprochement n'est toutefois pas du goût de la Turquie. Ankara qui estime avoir son mot à dire dans la répartition des richesses a fait monter la tension en évoquant une possible intervention de sa marine de guerre. Cette escalade verbale a pris un ton d'autant plus virulent que les relations entre Israël et la Turquie longtemps alliés stratégiques traversent une crise aigue depuis deux ans.

Résultat : les responsables israéliens tentent de constituer une alliance avec la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie et Chypre, histoire de faire contre-poids à la Turquie. Cette stratégie suscite une nervosité croissante à Ankara. Des médias turcs ont récemment fait état du possible déploiement de plusieurs milliers de soldats israéliens à Chypre. L'Etat hébreu et Chypre ont démenti catégoriquement. "Nous avons des intérêts à défendre mais il n'existe aucun pacte militaire entre les deux pays", assure un proche collaborateur de Benjamin Netanyahu.

 Les militaires israéliens demandent une rallonge budgétaire

Seule certitude en tout cas : les mesures de sécurité autour des plate-formes off-shore israéliennes ont été renforcées. La marine multiplie les patrouilles en mer, utilise des avions et surtout des drones pour mener des missions de surveillances. Les militaires ne veulent pas en rester là et réclament une rallonge de 200 millions d'euros pour acquérir de nouvelles vedettes super-équipées. Ce déploiement de force pourrait difficilement resté inactif si d'aventure des champs gaziers et pétroliers chypriotes voisins étaient menacés ou attaqués.