Bruxelles tire la sonnette d'alarme sur plusieurs réacteurs nucléaires en Europe

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  690  mots
Centrale de Doel / Reuters
Outre les deux réacteurs belges arrêtés mercredi, neuf autres réacteurs européens, en Allemagne, Espagne, Pays Bas, Suède et en Suisse, seraient dotés de cuves provenant du même fournisseur que celui qui a fabriqué celle de la centrale belge de Doel 3 qui recèle de « potentielles fissures ». Le commissaire européen à l'énergie souhaite que des contrôles soient effectués.

L'émotion grandit après la révélation mardi soir par l'agence de sureté nucléaire belge (AFCN) de la présence sur la cuve d'un réacteur belge de « très nombreuses indications qui pourraient s'assimiler à de potentielles fissures ». Selon les premières éléments dont dispose l'agence belge, il s'agirait plutôt de défauts de fabrication. Or, l'AFCN précise que l'industriel incriminé, le groupe néerlandais Rotterdam Drydock Company qui a, depuis, cessé ses activités, a fourni 20 autres cuves de ce type dans plusieurs pays, s'ajoutant aux deux cuves qui équipent deux réacteurs belges à Doel 3 et Tihange 2. Ces cuves seraient présentes en Allemagne (dans deux réacteurs), en Espagne (2), aux Pays-Bas (2), en Suède (1) et en Suisse (2). Dix autres cuves équiperaient des centrales nucléaires aux Etats-Unis et une en Argentine.

Les Pays-Bas démentent

Si ces informations demandent confirmation -les Pays-Bas ont d'ores et déjà démenti disposer de ces cuves, Bruxelles s'est déjà inquiété de la situation. La porte-parole du Commissaire à l'Energie Gunther Oettinger, qui est en train de terminer pour l'automne un rapport sur la sureté nucléaire en Europe après Fukushima, a estimé qu'il était nécessaire de faire contrôler les neuf réacteurs qui se trouvent dans l'Union européenne. "Les autorités vont faire ces contrôles, cela semble évident", a déclaré Marlène Holzner en précisant que « la Commission européenne peut faire des recommandations, mais elle ne peut pas obliger" les pays membres à réaliser ces inspections.
En attendant, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française a indiqué formellement qu'aucune des cuves équipant les 58 réacteurs français n'avait été fabriquée par ce groupe néerlandais. Elles sortent toutes des forges de Creusot Loire, intégré aujourd'hui dans Areva, et ont, de surcroît, toutes été inspectées par l'ancêtre de l'ASN, le « Bureau de contrôle des chaudières nucléaires » lors de leur fabrication. « Et ce, depuis 1974, avec le réacteur de Fessenheim 1 », le plus ancien à fonctionner en France, précise Sébastien Crombez, directeur des équipements sous pression à l'ASN.

Des défauts détectés après trente ans de fonctionnement

Ce qui n'est pas le cas en Belgique. Electrabel, la filiale de GDF Suez qui exploite les sept réacteurs du royaume, a détecté ces défauts sur des réacteurs en service depuis trente ans parce que, pour la première fois, elle a élargi la zone de contrôle. Jusqu'à présent, les contrôles par ultrasons se concentraient sur les soudures, les zones les plus sensibles. Cette fois, les Belges ont décidé d'examiner l'ensemble des deux cylindres d'acier qui forment l'essentiel de la cuve, en se concentrant sur la partie la plus proche de la face intérieure. Ces nouveaux objectifs ont exigé des capteurs ultrasons différents.
Faut-il juger inquiétants des défauts de fabrication qui n'ont provoqué aucun problème majeur depuis trente ans ? « Dans le nucléaire, on ne prend pas en compte les seules conditions normales de fonctionnement. En cas d'accident, comme par exemple une fuite de tuyauterie, il faudrait injecter de l'eau froide dans la cuve chaude. Ce qui la soumettrait à de très fortes contraintes. Dans un tel scénario, les garanties ne semblent pas suffisantes », affirme Sébastien Crombez de l'ASN. « Des défauts sur une cuve doivent être traités avec le plus grand sérieux », ajoute-t-il.

Impossible de changer une cuve

Les études complémentaires engagées en Belgique prendront plusieurs mois, pendant lesquelles les deux réacteurs resteront à l'arrêt -celui de Tihange 2 doit s'arrêter la semaine prochaine. L'enjeu est de taille puisqu'il est impossible de changer une cuve. Leur arrêt définitif pourrait donc être décidé si les défauts sont confirmés. Ce qui obligerait le gouvernement belge a revoir son calendrier de sortie du nucléaire. Les deux réacteurs en question font partie de ceux qui devaient s'arrêter parmi les derniers, entre 2022 et 2025, tandis que deux autres réacteurs, plus petits, doivent fermer dès 2016.