Erika : pourquoi Total pourrait être blanchi

Par Marina Torre  |   |  468  mots
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Total saura ce mardi si sa condamnation pour le naufrage de l'Erika en 1999 sera annulée par la Cour de cassation. Mais pourquoi une telle décision est-elle possible? Quelques éléments d'explication.

La Cour de cassation rendra une décision très attendue ce mardi. Elle pourrait annuler des condamnations pénales liées au naufrage de l'Erika, et notamment, celle de Total. Une décision redoutée par les associations écologistes et qui serait motivée par plusieurs arguments juridiques. Explications.

? Pourquoi Total avait-il été condamné ?

Le 30 mars 2010, la cour d'appel de Paris avait confirmé les condamnations pénales pour pollution du groupe Total. A la suite du naufrage de l?Erika, survenue en décembre 1999 au large de la Bretagne, plusieurs tonnes de fioul avaient été déversées. Quelque 400 km de côtes avaient été souillés et des milliers d?oiseaux mazoutés. Les parties civiles (Etat, collectivités locales, associations de protection de l'environnement) avaient obtenu 200,6 millions d'euros de dommages et intérêts, notamment au titre du "préjudice écologique". La société de classification Rina, l'armateur Giuseppe Savarese et le gestionnaire Antonio Pollara avaient également été condamnés.

? Pourquoi ce jugement est-il remis en cause ?

Décidés à se battre jusqu?au bout, Total et les trois autres condamnés s?étaient pourvus en cassation. Au printemps 2012, l'avocat général à la Cour de cassation, Didier Boccon-Gibod, a recommandé une ?cassation sans renvoi?. Les motifs ? Le navire étranger - battant pavillon maltais -  a sombré en dehors des eaux territoriales françaises, en zone économique exclusive (ZEE). Aucune cour française ne devrait donc être compétente pour juger les responsables éventuels de ce naufrage. C?est du moins ce que clame l?avocat de Total, cité en avril par le Télégramme. Pour fonder sa décision, la cour d?appel avait évoqué une loi française du 5 juillet 1983 sur la pollution maritime. La question est de savoir si elle est bien compatible avec une convention internationale sur ces zones économiques exclusives (situées entre les eaux internationales, au large, et les eaux territoriales rattachées à un Etat, près des côtes).

? Quelles pourraient être les conséquences de cette annulation ?

Une annulation de cette condamnation remettrait en cause le ?préjudice écologique? pour lequel Total s?était acquitté de 171 millions d?euros versés à des associations. Si ces versements sont définitifs, la notion de ?préjudice écologique?, ne pourra plus faire jurisprudence, au grand dam des associations écologistes. Par ailleurs, cette décision soulève à nouveau la question du droit applicable dans les zones économiques exclusives. Corinne Lepage, avocate de dix communes du littoral touchées, prévient qu'elle proposera une loi à Bruxelles. "Il faut que tout pays dont la côte est touchée, où que se soit passé l'accident, puisse être le juge des dommages dont il est l'objet", estime-t-elle. Pour Total, c?est surtout l?image de l?entreprise qui risque d?être affectée.