Veolia vient défier EDF dans le démantèlement nucléaire

Par Marie-Caroline Lopez  |   |  795  mots
La centrale nucléaire de Fessenheim, près de Colmar, qui doit fermer d'ici fin 2016.Copyright Reuters
Un rebondissement du match Frérot/ Proglio ? Veolia Environnement a signé un accord avec le CEA afin de se positionner sur le futur vaste marché du démantèlement nucléaire en tant qu'intégrateur. C'est précisément le rôle joué aujourd'hui par EDF, le grand donneur d'ordre sur le marché français.

Il ne manque pas d'air Antoine Frérot. Après une année d'actions en défense contre Henri Proglio, PDG d'EDF, le patron de Veolia passe à l'attaque. Il annonce ce mardi sa volonté de devenir le « premier intégrateur indépendant sur le marché du démantèlement ». Une pierre jetée directement dans le jardin d'EDF. L'exploitant nucléaire français assume aujourd'hui ce rôle pour le démantèlement de ses propres installations, à l'aide de son centre d'ingénierie spécialisée, le Siden. Nul doute que Henri Proglio, qui voit EDF comme la « référence mondiale » en matière du nucléaire, ambitionne d'aller vendre cette expertise sur les marchés internationaux.

"Pas de problèmes entre Veolia et EDF", selon Frérot
C'est également désormais, aussi, la volonté d'Antoine Frérot. Veolia se lance dans un défi de taille. Il part chasser sur les terres d'EDF, accessoirement le premier futur donneur d'ordre de ce marché en France. Sans compter les différends qui opposent les deux patrons. « Il n'y a pas de problèmes entre Veolia et EDF », a tenu à préciser Antoine Frérot mardi lors de la conférence de presse de lancement. « Il peut y avoir un problème entre les hommes mais pas entre les deux groupes qui collaborent depuis une dizaine d'années au sein de Dalkia », a-t-il déclaré.

Le CEA prêt à confier à un tiers la fonction d'intégrateurEt EDF ?
Il demeure que cela ne va pas être évident d'aller décrocher des contrats en France en se positionnant comme concurrent du principal client. Le CEA, actuel très gros donneur d'ordre, qui dépense environ 600 millions d'euros par an pour démanteler ses anciennes installations de recherche ou de gestion des combustible, n'est pas de cet avis. « Nous assumons aujourd'hui ce rôle d'intégrateur. Mais en tant qu'exploitant, notre demande est de le confier à un tiers », a déclaré Bernard Bigot, administrateur général du CEA lors de la même conférence de presse.

Un allié de poids pour Veolia ...
Pour se lancer dans ce match, Antoine Frérot a en effet trouvé un allié de poids avec le CEA. Veolia et le CEA ont signé mardi un accord « stratégique » portant sur l'utilisation par le premier de techniques développées par le second, assortie de deux contrats « pilote » pour une partie des opérations de démantèlement de deux centres du CEA (Marcoule et Cadarache). « Le numéro un mondial des services à l'environnement s'associe à celui qui a fait de la France le numéro un mondial du nucléaire », a souligné Robert Germinet, patron de la toute nouvelle filiale de Veolia dédiée au démantèlement, Asteralis.

... principal actionnaire d'un autre acteur du marché, Areva
Avec cet accord, Veolia fait d'une pierre trois coups. Le CEA lui apporte son expertise et son image dans le nucléaire, mais le Commissariat à l'énergie atomique est également le principal actionnaire d'Areva, qui affiche, lui aussi, de fortes ambitions sur le marché ... du démantèlement. Et enfin, le CEA, aux côtés d'Areva, et d'EDF, est un des trois clients potentiels de Veolia en France sur ce marché.

Ne pas "être juge et partie"
« Nous serons fort sur ce marché international, estimé à 10 milliards de dollars annuels d'ici 3 à 4 ans, si nous sommes forts en France », a précisé Antoine Frérot. Mais comment venir battre sur leur terrain EDF et Areva qui ont tous deux déjà une vaste expérience en la matière ? « Le fait d'être indépendant de tout opérateur nucléaire jouera un rôle majeur », veut croire Antoine Frérot. « Il est difficile de caractériser un site qu'on a exploité pendant des années. C'est être juge et partie », lance-t-il aux deux acteurs français.

Veolia vise 400 millions d'euros dans 4 ans
Le chemin va être long. En France, qui va peser 15% du « gâteau » mondial du démantèlement, selon Veolia, le groupe entend décrocher 25% de part de marché. Soit un chiffre d'affaires d'environ 400 millions d'euros d'ici trois à quatre ans. Areva réalise déjà 500 millions d'euros de chiffre d'affaires dans ce métier, dont 80% en France. D'autant qu'aujourd'hui, les contrats de démantèlement (pour Brennilis, les sites du CEA, Chooz-A...) sont très morcelés et le rôle d'intégrateur reste chez le client. « C'est un marché en très forte croissance. En Europe, 150 réacteurs vont devoir être mis à l'arrêt d'ici 2030. Veolia avec Asteralis se positionne sur ce futur marché et selon la façon dont les opérations vont désormais se dérouler », affirme Christophe Béhar, directeur de l'énergie nucléaire au CEA.