Irak : faut-il craindre un choc pétrolier ?

Par Romain Renier  |   |  648  mots
"Si les attaques des islamistes venaient à gagner le sud et menacer les zones principales de production de pétrole, alors les prix du pétrole pourraient augmenter de 30-50% par rapport aux niveaux actuels", met en garde Adam Slater, d'Oxford Economics. (Photo : Reuters)
Les cours du pétrole ne cessent de grimper depuis le début des attaques éclair des djihadistes en Irak en début de semaine. Selon l'AIE, le risque d'un choc pétrolier n'est pas immédiat. Mais il existe.

L'économie mondiale devra-t-elle faire face à un choc pétrolier inattendu ? La question se pose depuis le début de l'offensive éclair entamée en début de semaine par le mouvement djihadiste de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Et pour cause, les craintes qu'elle suscite font d'ores et déjà augmenter les cours de l'or noir depuis que les combattants ont mis la main sur la ville de Mossoul, centre important de l'extraction pétrolière irakienne, et qu'ils se rapprochent rapidement de Bagdad. A l'ouverture ce vendredi à New-York, le "light sweet crude" (WTI) pour livraison en juillet gagnait 16 cents, à près de 107 dollars. Son plus haut niveau depuis septembre 2013.

Le risque n'est pas immédiat

On n'en est pas encore au choc durable, a répondu en substance l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui ne voit pas de risque "immédiat", "pour autant que le conflit ne s'étende pas".

De fait, la production a augmenté dans le sud du pays, qui n'est pas encore touché par les attaques du mouvement djihadiste. Et la zone nord, coeur des combats, était déjà perturbée par des violences dans la vaste province d'Al-Anbar et l'attaque par des insurgés, en mars, de l'oléoduc reliant la province de Kirkouk au port turc de Ceyhan. L'oléoduc ne transporte d'ailleurs plus aucune goutte de brut aujourd'hui, a précisé le bras énergétique des pays développés.

Mais l'inquiétude est bien présente sur le marché. D'éventuelles perturbations accrues dans l'offre du grand pays producteur de pétrole qu'est l'Irak ont continué de faire grimper les cours vendredi, après de fortes hausses jeudi.

Risque de choc pour l'économie mondiale

Si les inquiétudes se confirmaient, les conséquences pourraient être importantes pour l'économie mondiale, et notamment pour la zone euro, explique Adam Slater, Senior economist à Oxford Economics, un cabinet d'étude de l'Université d'Oxford.

D'autant plus que la demande mondiale du précieux combustible est attendue à un niveau record de 92,8 millions de barils par jour, selon une prévision confirmée vendredi par l'agence basée à Paris. Ce qui devrait tirer encore les prix vers le haut.

"L'Irak représente environ 4% de l'offre mondiale de pétrole mais aussi près de 30% de la hausse de la production mondiale depuis 2005 et est attendue comme grand contributeur à la croissance de la production dans les années à venir. Si les attaques des islamistes venaient à gagner le sud et menacer les zones principales de production de pétrole, alors les prix du pétrole pourraient augmenter de 30-50% par rapport aux niveaux actuels. Ce serait suffisant pour éteindre la croissance déjà faible en zone euro et au Japon et ralentir la croissance des États-Unis en dessous de 3%", s'inquiète Adam Slater.

Réaction de la communauté internationale

Face à ce risque, la communauté internationale tente de se mobiliser. A l'issue d'une réunion à huis clos, les 15 membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont condamné jeudi tous les actes de terrorisme commis en Irak.

Le président américain Barack Obama a affirmé que son équipe de sécurité nationale étudiait "toutes les options". Les Etats-Unis, qui ont retiré fin 2011 leurs troupes d'Irak après huit ans d'engagement, pourraient ainsi envisager des frappes de drones. Inquiété par la progression de djihadistes sunnites, l'Iran chiite a offert vendredi après midi de coopérer avec les Américains.

L'enjeu n'est pas seulement d'enrayer la progression de l'EIIL, mais aussi d'éviter une guerre civile. "Une guerre civile prolongée en Irak pourrait avoir un effet à la hausse durable sur les prix du pétrole en décourageant les investissements nécessaires pour assurer la hausse de la production actuellement prévue", met en effet en garde l'économiste d'Oxford economics.

Article publié le 13/06/2014 à 12h10 et mis à jour à 15h30