Bruxelles propose de classer « vert » l'hydrogène comportant du nucléaire, une victoire pour la France

Par latribune.fr  |   |  767  mots
(Crédits : Iceland School of Energy)
La Commission européenne a proposé que l'hydrogène produit à partir d'un mix électrique comportant du nucléaire puisse, sous conditions, être considéré comme « vert », une victoire de la France qui souhaite recourir à l'atome pour atteindre les objectifs fixés par l'Union européenne. Dans ce texte, Paris, pour obtenir de précieuses subventions, voudrait défendre « l'égalité de traitement entre hydrogène bas carbone (à partir de nucléaire) et hydrogène renouvelable ». L'Espagne et l'Allemagne y sont opposés.

La France a eu gain de cause. Bruxelles propose que l'hydrogène produit en partie avec le nucléaire puisse être considéré comme vert. Au grand dam de l'Allemagne et l'Espagne qui prônent, elles, une définition plus restrictive ne considérant comme « vert » que l'hydrogène issu de sources renouvelables.

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Les critères proposés par Bruxelles, qui seront soumis pour approbation aux Etats membres et aux eurodéputés, s'inscrivent dans le cadre d'une législation européenne en cours de négociation qui fixe aux Vingt-Sept des objectifs ambitieux d'hydrogène « renouvelable » pour l'industrie et les transports d'ici 2030.

La Commission définit d'abord comme « vert » l'hydrogène fabriqué avec un électrolyseur directement connecté à une source d'électricité renouvelable nouvelle, c'est-à-dire une infrastructure supplémentaire par rapport au parc actuel, pour encourager le déploiement de nouvelles énergies renouvelables sans accaparer les infrastructures existantes.

Autre cas de figure: l'hydrogène sera « vert » si l'électrolyseur est alimenté à partir d'un réseau électrique où la part d'énergies renouvelables a atteint au moins 90% l'année précédente.

De même, il sera « vert » si la consommation électrique mobilisée équivaut à une nouvelle infrastructure renouvelable, qui fonctionne précisément dans les mêmes heures et dans la zone où cet hydrogène est fabriqué. Une période de transition est prévue pour les sites de production d'hydrogène établis avant 2028.

Enfin, l'hydrogène sera considéré « vert » si le réseau électrique utilisé est largement décarboné, avec des émissions carbone liées à la production d'électricité ne dépassant pas 18 grammes équivalent CO2/mégajoule (ce critère une fois atteint, il est considéré comme valable pendant cinq ans) --un niveau auquel satisfait actuellement la Suède et dont la France est proche (19,6 g en 2020).

Bruxelles reconnaît les efforts de décarbonation de la France

Il faudra cependant remplir d'autres conditions : outre les critères géographiques et horaires, le fabricant d'hydrogène sera tenu de conclure des « contrats d'achats » (à terme) auprès de fournisseurs d'électricité recourant à des énergies renouvelables -- mais sans obliger le pays concerné à ouvrir de nouvelles infrastructures d'éolien, de solaire ou d'hydraulique.

Cette disposition ouvre la voie à de l'hydrogène produit à partir d'un mix basé sur l'électricité nucléaire, ce que réclame avec véhémence la France dans le cadre de la législation sur les renouvelables, jugeant « absurde » de ne pas pouvoir recourir à l'atome « bas carbone » pour atteindre ses objectifs d'hydrogène vert.

In fine, Bruxelles « reconnaît nos efforts de décarbonation (...) Il faut maintenant appliquer cette logique » au texte en discussion sur les objectifs européens « d'hydrogène renouvelable », a réagi la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. « Nous n'y sommes pas encore ».

Les négociations s'annoncent compliquées

Les négociations entre Etats et eurodéputés sur la législation « renouvelables » s'annoncent compliquées, après de premières discussions annulées la semaine dernière.

Ce texte doit notamment imposer aux pays européens des niveaux minimaux d'hydrogène renouvelable dans l'industrie ou les transports à horizon 2030 et 2035.

Dans ce texte, Paris voudrait défendre « l'égalité de traitement entre hydrogène bas carbone (à partir de nucléaire) et hydrogène renouvelable ». Une ligne rouge pour Berlin et Madrid qui ont réaffirmé leur opposition lundi. « Nous partons du principe que les carburants bas carbone ne peuvent être équivalents à ceux issus de sources renouvelables », a insisté le ministère espagnol de la Transition écologique.

Des ONG environnementales inquiètes

Des ONG environnementales s'inquiètent, elles, que la production d'hydrogène vert entame fortement les capacités des énergies renouvelables, incitant à les remplacer par ailleurs par un recours accru au gaz et au charbon.

A l'inverse, la fédération professionnelle Hydrogen Europe a salué lundi « un coup de fouet au marché de l'hydrogène renouvelable » face aux vastes subventions des Etats-Unis dans ce secteur, tout en prévenant que « ces règles strictes rendront inévitablement les projets d'hydrogène vert plus coûteux et limiteront son potentiel d'expansion ».

« L'ennemi c'est le CO2, pas le nucléaire. C'est lamentable qu'on n'arrive pas à faire passer cette idée, alors que ce sera nécessaire pour rester dans le jeu industriel face aux Américains et aux Chinois, et pour combattre le réchauffement climatique », estimait Philippe Boucly, le président de France Hydrogène, qui fédère les acteurs de la filière française.

(Avec AFP)