La raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-mer lève la grève, le mouvement se poursuit chez TotalEnergies

Par latribune.fr  |   |  1313  mots
Le conflit social dans les raffineries françaises est entré dans une nouvelle phase mercredi avec une première réquisition lancée par le gouvernement chez Esso-ExxonMobil. (Crédits : Reuters)
TotalEnergies a annoncé jeudi qu'il comptait distribuer à l'ensemble de ses salariés dans le monde » un bonus équivalent à un mois de salaire et propose de les augmenter de 6% en 2023. Des annonces qui interviennent alors que la grève dans les raffineries françaises se poursuit, ce jeudi. Elle a néanmoins été levée au sein de la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-mer, tandis que sur les sites de TotalEnergies, la grève a été reconduite « à une très large majorité » jeudi matin, selon la CGT.

[Article publié le jeudi 13.10.2022 à 7h01. Dernière mise à jour à 17h55]

Vers une fin des mouvements sociaux qui paralysent les raffineries et dépôts pétroliers en France depuis deux semaines ? C'est du moins un premier pas qui a été franchi, ce jeudi après-midi. La grève a été levée à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer, selon la CGT et la direction, quelque jours après un accord entre la direction et deux syndicats majoritaires. « Il y a une levée du mouvement à Fos-sur-Mer » votée par les salariés après la relève de 13H00, a expliqué Christophe Aubert, délégué syndical central CGT, tandis que la direction se disait «satisfaite que ce mouvement se termine ».

Ouverture des négociations salariales dès ce soir

Au sein des autres raffineries, dont celles de TotalEnergies, le mouvement se poursuit néanmoins. Les salariés du groupe ont d'ailleurs reconduit dans l'après-midi la grève dans l'ensemble des sites engagés dans le mouvement, a indiqué à l'AFP Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité TotalEnergies Europe. « Le mouvement est reconduit partout, avec toujours de très forts taux de grévistes », a-t-il assuré, enjoignant la direction à ouvrir « aujourd'hui » des négociations, sans quoi « ça va être très chaud demain (vendredi) à Flandres », dépôt de carburant près de Dunkerque (Nord) où des grévistes ont été réquisitionnés.

Une issue pourrait néanmoins être trouvée, ce jeudi soir. TotalEnergies a, en effet, annoncé avoir invité les organisations syndicales représentatives du groupe à des « négociations salariales collectives » à partir de 20H00, une première depuis le début de la grève lancée par la CGT. « Compte tenu de l'attitude responsable des équipes concernées par la réquisition décidée par le gouvernement pour rétablir les flux de carburants sortant du dépôt de Dunkerque, la direction invite l'ensemble des organisations syndicales représentatives du Socle social commun à des négociations salariales collectives ce soir à 20H00 », a annoncé la direction du groupe français.

« Bonus exceptionnel » et hausse des salaires

Plus tôt dans la journée, le géant pétrolier et gazier avait déjà fait un pas vers les grévistes. Le groupe a, dans un premier temps, annoncé son intention de distribuer « à l'ensemble de (ses) salariés dans le monde » un bonus équivalent à un mois de salaire. Ce « bonus exceptionnel » sera versé en décembre « sous réserve d'accords salariaux » dans les pays et filiales concernées et sera « plafonné pour les salaires élevés », a précisé le groupe.

Peu après, l'entreprise a fait une nouvelle annonce, proposant cette fois d'augmenter ses salariés français de 6% en 2023. « En plus de la prime pour les salariés dans le monde (de 1 mois de salaire), TotalEnergies indique également avoir proposé (pour la France) une enveloppe d'augmentation salariale sur la base de l'inflation 2022, soit 6% », a expliqué la communication du groupe a indiqué à l'AFP.

« On ne négocie pas dans les médias », a rétorqué Eric Sellini, coordinateur CGT pour le groupe, à propos de la nouvelle proposition. « La direction continue de mépriser les organisations et les grévistes », a-t-il ajouté auprès de l'AFP, affirmant que « ça ne va pas améliorer le climat ambiant ».

Nouvelle réquisition dans le Nord

L'annonce, mercredi, de réquisitions a également provoqué la colère des grévistes. La première lancée par le gouvernement concernait Esso-ExxonMobil avec pour objectif de ravitailler les stations-services franciliennes à sec.

Le dépôt de carburant TotalEnergies de Flandres près de Dunkerque dans le Nord est, désormais, lui aussi concerné par une réquisition, comme l'a annoncé le gouvernement, ce jeudi. « La réquisition des personnels strictement indispensables à la distribution du carburant a été engagée pour qu'elle soit effective à 14h » mais « le gouvernement compte toujours sur le fait que le dialogue puisse reprendre dans les prochaines heures entre la direction de l'entreprise et les représentants des salariés », a précisé Matignon à l'AFP. La réquisition concerne une équipe de six salariés d'aller travailler et court jusqu'à vendredi 6H00 du matin. Un autre arrêté pourrait être promulgué dans la foulée.

Justifiant sa décision, le gouvernement a déploré « une situation dans Hauts-de-France particulièrement dégradée avec un blocage qui met les Français en difficulté avec des ruptures d'approvisionnement dans de nombreuses stations », a appris La Tribune. « Le dépôt de Dunkerque représente une grande partie de l'approvisionnement » dans cette région et « certains secteurs économiques de ce territoire comme l'industrie, la pêche et l'agriculture sont en danger », a-t-il plaidé, soulignant « une menace économique réelle ».

De son côté, Philippe Martinez, leader de la CGT, venu en soutien des salariés d'ExxonMobil, a dénoncé une « décision scandaleuse ». Il annoncé avoir déposé un recours en référé, ce jeudi, qui a été mis en délibéré à vendredi matin, 10H00, a-t-on appris auprès du greffe du tribunal administratif de Rouen.

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En attendant, des camions de carburant ont pu quitter le dépôt de Flandres Dunkerque (Nord), peu après 16H00 jeudi, les premiers depuis plus de deux semaines.

Les pénuries se poursuivent

Pour l'heure, les pénuries se poursuivent. Mercredi à 17 heures, 30,8% des stations-services manquaient d'un ou plusieurs carburants (31,3% mardi), selon le ministère de la Transition énergétique. Une proportion pire dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France et en Centre-Val-de-Loire.

Au total quatre des sept raffineries de France sont en grève a confirmé le ministère de la Transition écologique : les trois de TotalEnergies (de Normandie (Gravenchon), la « bio-raffinerie » de La Mède (Bouches-du-Rhône), et celle de Donges ) et seulement une d'Esso-ExxonMobil (de Port-Jérôme (Seine-Maritime), la grève ayant été levée sur le site de Fos-sur-mer (Bouches-du-Rhône). Concernant la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), elle est l'arrêt pour raisons techniques mais n'est pas touchées par la grève, selon le ministère.

S'ajoutent six gros dépôts sur les 200 environs que compte la France, avec parmi eux ceux de TotalEnergies de la Mède et des Flandres (Nord), qui alimente les Hauts-de-France. FO, quatrième syndicat parmi les salariés du raffinage chez TotalEnergies, a par ailleurs rejoint la grève.

La CGT des Bouches-du-Rhône appelle à la mobilisation générale dans tous les secteur

Le conflit pourrait s'étendre, notamment dans le sud de la France. La CGT des Bouches-du-Rhône appelle en effet à la mobilisation générale dans tous les secteurs pour « défendre le droit de grève ». Mercredi, le secrétaire départemental de la CGT, Olivier Mateu avait prévenu que « dès qu'une réquisition sera mise en œuvre dans le pays, partout la CGT des Bouches-du-Rhône appellera à rentrer dans l'action, partout où c'est possible », soulignant que 30% des produits pétroliers qui transitent en France passent par ce département. Les représentants CGT du grand port maritime de Marseille-Fos et de la seule raffinerie en France qui n'est pas en grève, la raffinerie de Lavera, se sont également dits prêts à relayer cet appel à la mobilisation. « Si un de nos camarades est réquisitionné, on ne restera pas la seule raffinerie à fonctionner », avait lui aussi déclaré Sébastien Varagnol, représentant CGT sur la raffinerie du groupe Petroineos. « S'ils s'amusent à réquisitionner un seul salarié, on entrera dans l'action », a également insisté Benoît Facchetti, secrétaire général CGT du port et de Fluxel, l'entreprise chargée au terminal pétrolier de Lavera de l'interconnexion entre les navires chargés de pétrole ou de carburant et leurs clients sur le port de Marseille-Fos ou ailleurs.