Carburant : ce boom des importations qui fait flamber les prix à la pompe

Pour faire face à la pénurie de carburants, les opérateurs ont augmenté significativement les importations de produits pétroliers raffinés depuis Rotterdam et Anvers. Ils sont obligés d'importer de l'essence alors que la France est traditionnellement exportatrice. Ces opérations d'urgence, réalisées sur un marché spot tendu, contribuent à la hausse des prix à la pompe.
Juliette Raynal
La France, qui a pour habitude d'être exportatrice de pétrole raffiné, doit désormais en importer de Belgique et des Pays-Bas.
La France, qui a pour habitude d'être exportatrice de pétrole raffiné, doit désormais en importer de Belgique et des Pays-Bas. (Crédits : ERIC GAILLARD)

Depuis plusieurs jours, le carburant est devenu une denrée rare en France. Et quand elle est disponible, cette denrée est aussi plus onéreuse. L'une des raisons ? La hausse significative des importations des produits pétroliers finis pour compenser l'affaissement de la production nationale de raffinage.

Chaque année, la France consomme 46 millions de tonnes de carburant liquide pour le transport. Le gazole représente environ 75% de cette consommation et l'essence 25%. Concernant l'essence, l'activité de raffinage en France couvre habituellement la totalité des besoins nationaux et elle est même légèrement excédentaire. Une petite partie de l'essence produite sur le territoire est donc exportée. En revanche, ce n'est pas du tout le cas pour le gazole, où l'Hexagone importe de l'ordre de 50% de sa consommation.

La France importe de l'essence, alors qu'elle est traditionnellement exportatrice

Face au mouvement de grève qui touche quasiment toutes les raffineries de l'Hexagone (six sur sept, seule celle de Lavéra, dans les Bouches du Rhône, détenue par Pétroineos, n'a pas débrayé), les opérateurs sont contraints d'importer davantage de carburants. Ainsi, depuis plusieurs jours, la France importe de l'essence, alors qu'elle est normalement exportatrice et elle importe aussi plus de gazole que d'habitude, explique-t-on à l'Ufip Energies et Mobilités, qui représente les professionnels du secteur.

Selon cette organisation, ces hausses d'importations sont significatives, mais impossibles à chiffrer très précisément pour l'instant. Et pour cause, les volumes d'importations ne sont pas connus en temps réel. Ils ne seront consolidés que dans quatre mois par les services des douanes.

On peut cependant considérer qu'elles ont augmenté de l'ordre de 50% par rapport au niveau habituel, afin de compenser l'arrêt de production des trois plus grosses raffineries françaises, que sont les raffineries Esso de Fos-sur-Mer (Bouches du Rhône) et de  Port-Jérôme-Gravenchon (Seine Maritime) ainsi que la raffinerie de Normandie basée à Gonfreville-l'Orchet (Seine-Maritime) et opérée par TotalEnergies.

Appel aux pays voisins

« L'Etat ne joue aucun rôle sur les importations. Les carburants sont importés par les opérateurs », explique Frédéric Plan, délégué général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C). Des opérateurs, il en existe une vingtaine en France. Parmi eux : TotalEnergies, Esso-ExxonMobil, mais aussi BP, Avia, Bolloré ou encore les centrales d'achats des grandes surfaces.

Pour importer rapidement davantage de produits pétroliers finis, ces entreprises se tournent notamment vers les ports de Rotterdam et Anvers, dont les capacités de raffinage sont très importantes. Et dans une moindre mesure vers le Luxembourg et la Belgique, où les carburants sont acheminés par des camions-citerne.

Ces opérations d'importation ont été réalisées en dehors des contrats d'approvisionnement. Ces contrats annuels ne couvrent jamais la totalité des besoins des opérateurs et sont habituellement complétés par des achats sur le marché spot. C'est sur ce marché que sont effectuées aujourd'hui les importations en urgence. Or, ce marché est très tendu depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine et l'entrée en vigueur imminente de l'embargo sur le pétrole brut russe (décembre 2022) et sur les produits raffinés (janvier 2023).

Surcoût lié au marché spot

Résultat, « les achats spot ne se font pas à prix d'amis », constate un expert du secteur. A cela s'ajoutent les marges de raffinage et le coût des transports. « Les stations indépendantes, qui représentent 8% des parts de marché en France, n'ont pas de contrat d'approvisionnement. Elles s'approvisionnent exclusivement sur le marché spot. Elles font donc face à des surcoûts de l'ordre de 20 centimes du litre hors TVA, soit une répercussion de 24 centimes pour le consommateur », explique Frédéric Plan.

Le gazole en vrac, c'est-à-dire, celui qui ne passe pas par le réseau de stations services, mais qui est livré directement aux transporteurs et sur les chantiers subit également une surcote. Cela représente 25% du gazole livré en France. Les capacités de raffinage de la France ont progressivement diminué au cours des dix dernières années. En 2021, elles s'élevaient à 1,14 million de barils par jour, soit près de deux fois moins que les capacités allemandes (2,1 millions de barils par jour), selon le dernier rapport annuel de BP.

Juliette Raynal

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Commentaires 8
à écrit le 13/10/2022 à 12:16
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Il était question mais ça ne s'est pas fait de raffiner le pétrole dans les pays producteurs et n'exporter que les produits finis prêts à mettre en citerne de station service. A quoi bon transporter du pétrole brut ? Et c'est dangereux en plus, les r...

à écrit le 13/10/2022 à 9:41
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Les gens sont assez schizophréniques. Ils ne veulent pas de pénuries d'essence, pour un plein qu'ils n'ont pas les moyens de faire !

à écrit le 12/10/2022 à 23:17
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Faudrait que les politiques du passé et les industriels français du pétrole nous expliquent pourquoi on n est plus / pas indépendant sur la production de gazole - largement importe du tyran Russe ….Ils ont bien failli !! Des noms …

à écrit le 12/10/2022 à 23:17
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Faudrait que les politiques du passé et les industriels français du pétrole nous expliquent pourquoi on n est plus / pas indépendant sur la prof de gazole - l’Angèle t importe de Russie …. Ils ont bien failli !! Des noms …

à écrit le 12/10/2022 à 21:17
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ENFIN je vais pouvoir enfin manger mon stock complotiste de conserves, et pouvoir faire un business avec mes voisins qui viendront quémander des petits pois .... Merci TF1 qui annonce le risque de rupture de la chaîne d' approvisionnement à cause de...

le 13/10/2022 à 12:40
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Le seul com intéressant. +1. C'est quand on est avec le troupeau qu'il faut sérieusement s'interroger.

à écrit le 12/10/2022 à 19:13
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Tout ceci pour atténuer sans effacer les symptômes de la *jalousie* (i.e. maladie endémique française) de syndiqués Total payés en moyenne ~3 fois le SMIC selon Total ou ~1,5 fois le SMIC selon la CGT... Pendant ce temps les smicards ne peuvent ...

le 13/10/2022 à 11:31
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Tant de personnes ont oublié que la mobilité est un luxe et en sont esclave.

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