Déchets nucléaires : échauffourées lors de la manifestation à Bure

Par latribune.fr  |   |  911  mots
Interdit, le rassemblement prévu de longe date contre le projet Cigéo se déroule dans le calme ce samedi 3 mars 2018. (Crédits : CHARLES PLATIAU)
Malgré une interdiction de manifester décidée par les autorités, des centaines d'opposants au projet d'enfouissement des déchets nucléaires Cigéo se sont réunis ce samedi 3 mars et des échauffourées les ont opposés aux forces de l'ordre.

Approchant à travers les champs du bois Lejuc, des opposants ont lancé des projectiles en direction de l'important dispositif des forces de l'ordre qui bloquaient l'accès à la forêt., lesquelles ont répliqué en lançant des grenades lacrymogènes.

Peu après, le gros du cortège de quelques centaines de manifestants, qui s'était mis en route vers 15H depuis Mandres-en-Barrois, a rebroussé chemin vers la route, a observé une journaliste de l'AFP. Quelques opposants continuaient toutefois de s'en prendre aux forces de l'ordre, sous un épais nuage de fumée.

Selon la police, environ 300 manifestants avaient marché dans le calme ce samedi 3 mars dans la matinée entre Bure et Mandres-en-Barrois, commune où se situe le bois Lejuc évacué le 22 février, et qui accueille 221 hectares au cœur du projet que l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) veut mener pour enfouir à 500 mètres sous terre des déchets radioactifs. Les forces de l'ordre procèdent à des contrôles autour de ces deux communes.

Les opposants au projet Cigéo, qui avaient prévu depuis le début de l'année un grand rassemblement à Bure ce premier week-end de mars, ont décidé d'outrepasser l'arrêté préfectoral interdisant les manifestations pris dans la soirée du jeudi 1er mars par la préfète de la Meuse Muriel Nguyen. « C'est une mesure administrative de prévention et de précaution, avait-elle déclaré, précisant que "plus de 700 opposants (étaient) attendus" samedi et dimanche, dont "un nombre important" présente un "profil extrêmement inquiétant".

« Fort risque d'affrontements »

"Il existe un fort risque d'affrontements avec les forces de l'ordre stationnées aux abords du bois", étant donné "le caractère jusqu'au-boutiste de certains des opposants" et "le mot d'ordre visant à réinvestir" la zone, avait-elle ajouté. Des affrontements s'étaient produits en marge d'une précédente manifestation des antinucléaires le 15 août 2017, qui avaient fait six blessés parmi les opposants et deux parmi les gendarmes.

Soulignant qu'aucune demande d'autorisation de la manifestation n'a été déposée, la représentante de l'État avait assuré que le dispositif des forces de l'ordre sera adapté avec « pragmatisme » sur le terrain et que tout ne sera pas interdit.

« Oui à l'expression collective et pacifique d'une opposition contre ce projet, dans un cadre festif, affirme-t-elle. Mais nous empêcherons toute réoccupation du bois Lejuc. Chacun doit prendre ses responsabilités et le dialogue doit reprendre. »

D'autres arrêtés préfectoraux interdisent la circulation et le stationnement à Bure et à Mandres-en-Barrois, jusqu'à lundi compris. Le tribunal administratif de Nancy a rejeté samedi matin le référé contre cette interdiction déposé pat le Réseau Sortir du Nucléaire.

"Au vu du dispositif militaire déployé pour entraver la tenue de ces rencontres, nous dénonçons fermement la stratégie de la tension mise en place par les autorités et redoutons les conséquences d'une répression qui semble d'ores et déjà planifiée", a réagi le réseau opposé au nucléaire.

Discussions, marche et vigie

Ce samedi matin, certains des opposants de tous âges réunis dans une grange de Mandres-en-Barrois portaient des cagoules ou avaient le visage dissimulé derrière des masques, mais la situation demeurait très calme, selon une journaliste de l'AFP présente sur les lieux.

Des discussions et débats entre les différents comités d'opposants, une marche vers la forêt évacuée, et la construction d'une "vigie" aux abords de la forêt pour surveiller les « agissements » de l'établissement public, sont au programme du rassemblement qui doit se tenir jusqu'à dimanche en fin de journée.

Cette mobilisation intervient dix jours après l'intervention de 500 gendarmes qui ont évacué de force le 22 février une quinzaine de militants occupant le bois Leduc. Depuis l'évacuation, des gendarmes continuent de surveiller le bois.

Cette évacuation avait été décidée pour éviter que les opposants ne mènent à bien tout projet d'installer des constructions en dur dans le bois, ce qui l'aurait transformé en Zad ("zone à défendre"), comme à Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique.

"Ce n'était pas une Zad, c'était une occupation symbolique. La Zad, si elle se fait, c'est le gouvernement qui l'aura créée par son changement de discours", a critiqué samedi Jean-Marc Fleury, président de l'association des élus opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs.

Une lutte qui dure depuis 20 ans

Après la loi « Bataille » de 1991 définissant les axes de recherche pour les déchets les plus radioactifs, le site de Bure a été choisi en 1998 pour accueillir un laboratoire souterrain préfigurant le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) destiné à l'enfouissement à 500 mètres sous terre des déchets nucléaires les plus radioactifs ou à vie longue du parc français. Aucun déchet radioactif n'a encore été apporté et leprojet n'est en qu'à ses débuts, même si le sujet mobilise contre lui depuis vingt ans habitants, élus locaux, acteurs historiques de l'anti-nucléaire, militants plus radicaux et nouveaux-venus qui contestent juridiquement à l'Andra sa propriété des lieux.

Hier vendredi 2 mars, le secrétaire d'Etat à la transition écologique, Sébastien Lecornu, qui disingue "opposants légaux" et "délinquants", assuarit une nouvelle fois être « à la disposition de tous les opposants légaux pour améliorer sans cesse le projet et les outils de concertation associés".

(avec AFP)