Eoliennes en mer : "une déclaration de guerre" pour les pêcheurs de Saint-Brieuc

Par latribune.fr (avec AFP)  |   |  928  mots
(Crédits : Siemens Gamesa)
Dans un courrier adressé ce vendredi aux ministres de la Transition écologique Barbara Pompili et de la Mer Annick Girardin, le président du Comité de la pêche des Côtes d'Armor, Alain Coudray, les accuse de minimiser l'impact du projet de parc éolien en baie de Saint-Brieuc, dont les travaux doivent commencer lundi. Pour lui, ce projet constitue "une déclaration de guerre" aux professionnels de la pêche.

La bataille des éoliennes en mer est lancée. Pour les professionnels de la pêche, le projet du parc éolien en baie de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) constitue "une déclaration de guerre". C'est ce qu'ils ont clairement écrit au gouvernement dans une lettre envoyée ce vendredi aux ministres de la Transition écologique Barbara Pompili et de la Mer Annick Girardin. Après plus de dix ans de concertations inabouties, le premier coup de pioche de cet énorme chantier se profile dans un climat délétère. Pour rappel, la mise en service du parc est prévue fin 2023. Fixé sur les fonds marins, ce parc est l'un des sept attribués par l'État depuis 2012, dans le cadre du développement des Energies marines renouvelables (EMR). Il doit être érigé à 16,3 kilomètres des côtes les plus proches, le Cap Fréhel et le port de pêche d'Erquy, une petite station balnéaire, deux secteurs classés. D'une capacité de 496 MW, avec 62 éoliennes de plus de 200 m de haut et 30 à 42 m sous l'eau, il est censé produire 1.820 GWh par an, l'équivalent, selon son promoteur, de la consommation électrique annuelle de 835.000 habitants.

800 marins-pêcheurs

Dans son courrier adressé aux deux ministres, le président du Comité de la pêche des Côtes d'Armor Alain Coudray, le président du Comité de la pêche des Côtes d'Armor (qui regroupe les 800 marins-pêcheurs), les accuse de minimiser l'impact du projet. Le comité regrette également les propos de Barbara Pompili assurant que le projet sera "sans effet" pour les espèces halieutiques, "la Saint-Jacques, l'amande de mer, la praire, le homard ou les seiches, alors même que les scientifiques ayant mené ces études (...) mettent en lumière les connaissances partielles sur ces sujets".

"La zone du parc représente l'équivalent du deuxième plus gros gisement de coquilles Saint-Jacques de Bretagne", dit-il.

"Dans cette histoire, ni le climat, ni le territoire, et encore moins la profession et la biodiversité marine de la baie de Saint-Brieuc ne vont être gagnants", estime-t-il.

Les pêcheurs "ne vous laisseront pas détruire le patrimoine naturel et les activités économiques de la baie de Saint-Brieuc", prévient le Comité des pêches qui demande à l'Etat d'annuler ce projet".

Se disant ouvert au dialogue, il estime qu'il n'est pas trop tard pour éviter cette guerre". Les pêcheurs réclament l'annulation du projet, faute de garanties sur la préservation des ressources halieutiques, dont la précieuse coquille Saint-Jacques de la baie, qu'ils gèrent de manière durable depuis plusieurs décennies avec l'Ifremer.

Le Comité des pêches rappelle qu'il est prêt à accompagner la transition énergétique à travers les EMR, à condition de "construire un parc avec les pêcheurs", un préalable à ses yeux pour "améliorer l'acceptabilité sociale". Il considère par ailleurs que "l'éolien posé" au sol, le choix retenu par l'Etat pour ce parc, contrairement au projet éolien flottant envisagé en Bretagne-Sud, "n'est pas compatible" avec le territoire de la baie de Saint-Brieuc.

Pour le gouvernement, les pêcheurs ont été entendus. "La localisation a évolué, suite à des échanges avec les pêcheurs pour faire en sorte de limiter au maximum l'impact sur leurs activités. À terme, beaucoup d'inquiétudes vont se dissiper, car on se rendra compte que ce n'est pas si impactant que cela", assure vendredi, dans Le Télégramme, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.

Elu l'an dernier avec une majorité opposée au projet, le maire d'Erquy, Henri Labbé, est inquiet. La commune de 4.000 habitants a été contrainte d'accepter le chantier de RTE sous le coup d'une décision de justice. "Certains nous traitent de "vendus", nous accusant d'avoir cédé à RTE. Mais on n'avait pas le choix!", rappelle-t-il.

Nouveau parc d'éoliennes prévu

La bataille ne fait que commencer. Lundi, le gouvernement a pré-sélectionné six candidats pour ce futur parc d'éoliennes prévu au large du Cotentin, avec lesquels s'ouvre désormais une phase de "dialogue concurrentiel" qui aboutira au choix d'un lauréat l'an prochain.

Il s'agit de la société Eoliennes en Mer Manche Normandie (EDF avec les canadiens Enbridge et CPPIB), de l'espagnol Iberdrola, de la coentreprise Ocean Winds (Engie avec le portugais EDPR), du groupe anglo-néerlandais Shell, du consortium franco-allemand Total-RWE et enfin du consortium formé par le suédois Vattenfall, l'allemand Wpd et la Banque des Territoires. La désignation du lauréat est prévue pour 2022 en vue d'une mise en service du parc "envisagée" en 2028, indique le ministère.

Ce parc d'une puissance d'environ 1.000 mégawatts (MW) ou 1 gigawatt (GW) sera le huitième en France et le quatrième en Normandie. Il a fait l'objet d'un débat public achevé l'an dernier, qui a notamment fait ressortir les craintes des pêcheurs.

"Les conditions de vent et les fonds marins au large de la Normandie sont très favorables à l'éolien en mer posé, ce qui permet d'installer des éoliennes qui produisent beaucoup d'énergie, dans des conditions économiques compétitives", a souligné lundi Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique.

La France s'est fixé un objectif de capacité de production d'électricité renouvelable en mer à 2,4 gigawatts (GW) en 2023 et entre 5,2 GW et 6,2 GW en 2028.

Mais le pays a pris beaucoup de retard et aucun parc en mer n'est encore en activité. Le premier à démarrer devrait être celui au large de Saint-Nazaire en 2022.

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