EPR de Flamanville : l'ASN pointe le risque d'un nouveau retard à cause des soudures

Par latribune.fr  |   |  720  mots
(Crédits : Reuters)
Le démarrage du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche) risque d'être encore retardé si EDF était contraint de reprendre certaines soudures difficiles d'accès, a mis en garde ce mardi 29 janvier le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk.

[Article mis en ligne le 29.01 à 13h28, mis à jour à 15h]

L'éventuelle reprise de soudures du réacteur EPR de Flamanville (Manche) difficilement accessibles se traduirait par un nouveau retard dans le démarrage de la centrale, a déclaré ce mardi 29 janvier l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Le groupe avait annoncé en avril dernier des "écarts de qualité" sur des soudures du réacteur nucléaire en construction. Elles se situent au niveau des tuyauteries du circuit secondaire principal, qui relient le générateur de vapeur et la turbine qui produit l'électricité. EDF a estimé que leur réparation retarderait, de facto, la mise en service de l'EPR de près d'un an (soit au quatrième trimestre 2019), et alourdirait la facture de 400 millions d'euros.

EDF doit se justifier sur la non reprise de huit soudures

Le groupe n'a cependant pas prévu de réparer huit d'entre elles difficilement accessibles (situées au niveau de l'enceinte de confinement), bien qu'elles présentent des écarts par rapport à ses exigences de qualité et même un défaut pour l'une d'entre elles. L'électricien estime être en mesure de démontrer que leurs propriétés mécaniques sont suffisantes.

Le gendarme du nucléaire attend encore les éléments détaillés en vue d'instruire le dossier. Il rendra son avis "début mai", comme l'a confirmé Bernard Doroszczuk, le nouveau président de l'ASN, dans un entretien au journal Le Monde ce mardi.

« L'exploitant pense pouvoir démontrer, sur la base de calculs et d'essais mécaniques, que ces huit soudures présentent un niveau de qualité suffisant. Nous jugerons sur pièces (...) Si, à l'issue de l'instruction, l'ASN estimait que les justifications fournies par EDF (...) n'étaient pas suffisantes et qu'il fallait reprendre ces huit soudures, les délais aujourd'hui envisagés par EDF pour la mise en service de l'EPR ne pourraient pas être respectés. »

Lors de la présentation des vœux de l'ASN à la presse, il a justifié ce retard par « des délais de réparation assez long en termes d'approvisionnement en matière, de qualification des soudeurs et des modes opératoires ».

« Ça prend un certain temps et ce temps n'est pas compatible avec le délai qui a été affiché à ce stade par EDF pour l'autorisation de mise en service. »

L'état des installations, un sujet de préoccupation

En outre, l'ASN a déclaré que, selon un premier état des lieux de la sûreté nucléaire en France en 2018, celle-ci s'est maintenue "à un niveau satisfaisant".

L'ASN souligne cependant que les acteurs du nucléaire rencontrent des difficultés dans des opérations de reprise et de conditionnement de déchets ainsi que de démantèlement, l'autorité appelant la filière à « porter une grande attention à la conduite des projets et aux moyens qui y sont alloués ».

Le second "point de vigilance" relevé par Bernard Doroszczuk concerne l'état des installations nucléaires et la maîtrise de leur vieillissement et des opérations de maintenance, qui « reste encore à améliorer » et révèle « un nombre encore trop important d'écarts » de conformité par rapport aux référentiels de sûreté.

L'ASN appelle en outre les acteurs du nucléaire à faire preuve d'anticipation, à maintenir des marges industrielles suffisantes « et ne pas chercher à les réduire dans une logique d'optimisation ou de justification de court terme », tout en se penchant sur la question sensible de leurs besoins en compétences professionnelles.

« Il y a clairement un besoin de ressaisissement collectif et stratégique de la part de la filière autour de la formation professionnelle et des compétences clés d'exécution pour atteindre le niveau de qualité et de sûreté attendu du nucléaire », selon Bernard Doroszczuk.

Alors que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit la prolongation d'une très grande majorité de réacteurs nucléaires français de 40 à 50 ans, l'ASN veut en outre « inciter au maintien des marges dans la démonstration de sûreté pour justifier du maintien en l'état des installations ou des équipements, notamment ceux qui présenteraient des anomalies ».

L'autorité ne se prononcera pas avant fin 2020 sur la prolongation de la durée de vie du parc d'EDF.

(avec Reuters et AFP)