Fessenheim : le décret de fermeture publié au Journal officiel

Par latribune.fr  |   |  747  mots
Fessenheim fermera lorsque l'EPR de Flamanville entrera en service
Ultime rebondissement de ce feuilleton qui n’en finit pas : comme l’avait affirmé Ségolène Royal au lendemain du vote en Conseil d’administration d’EDF jeudi en faveur d’une fermeture sous conditions et à une date non définie, le décret de fermeture sera paru avant la fin du quinquennat.

Elle n'aura rien lâché. La ministre de l'Ecologie, tout comme  l'Elysée, avait espéré le vote d'une fermeture actée en bonne et due forme lors du Conseil d'administration qui s'est tenu le 6 avril chez EDF. Cela aurait permis d'afficher la concrétisation d'une promesse de campagne du candidat Hollande, et d'une des annonces les plus emblématiques de son quinquennat, qui prévoyait à l'origine une fermeture fin 2016, un calendrier rapidement considérée comme intenable.

Une fermeture suspendue au calendrier incertain de Flamanville

Mais les administrateurs de l'opérateur historique ont opté pour une décision tellement alambiquée que chacun a pu y trouver son compte et de quoi crier victoire sur ses adversaires. Madame Royal en louant le caractère « inéluctable et irréversible » de la fermeture, les opposants à ce projets, à commencer par les syndicats, en se réjouissant d'une fermeture repoussée aux calendes grecques, ou tout comme. Le texte adopté stipule en effet que la doyenne des centrales françaises sera fermée au moment de l'entrée en service de l'EPR de Flamanville, prévue pour début 2019. Mais le chantier retardé à de multiples reprises, est actuellement suspendu en raison de problèmes détectés sur la cuve et nul ne peut assurer que tout sera rentré dans l'ordre à cette date. Autre condition exigée par le CA : la fermeture de Fessenheim n'interviendra que si elle est nécessaire pour respecter le plafond de la capacité de production nucléaire à 63,2 GW, autrement dit, à condition que d'autres réacteurs ne soient pas fermés ou à l'arrêt.

"C'est dit, c'est fait"

Sans doute Ségolène Royal se targuera-t-elle d'être parvenue à entériner ce projet symbolique, censé donné le coup d'envoi d'une diminution progressive de la part nucléaire dans la production française d'électricité, l'une des mesures phares de la loi de transition énergétique qu'elle a fait adopter à l'été 2015. Elle s'en félicitait d'ailleurs sur Twitter dès ce dimanche. « C'est dit, c'est fait ».

Le décret actant le principe de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim lorsque EDF mettra en service l'EPR de Flamanville a en effet été publié dimanche 9 avril au Journal officiel. "L'autorisation d'exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim (...) est abrogée", prévoit l'article 1 du texte, mais le décret stipule bien conforcément à la décision adoptée par le Conseil d'administration, que cette autorisation sera abrogée "à compter de la date de mise en service de l'EPR de Flamanville".

Un "enfumage" dénoncé par les syndicats

Les syndicats n'ont pas tardé à dénoncer "une opération de com'". "C'est un enfumage complet de la part de Ségolène Royal", a réagi auprès de l'AFP Marie-Claire Cailletaud, porte-parole de la Fédération Mines Energie de la CGT. Le secrétaire général du syndicat CFE Energies d'EDF, William Viry-Allermoz, dénonce, lui, "de la précipitation purement électoraliste" et juge que "la ministre a touché le fond de la cuve".

Martial Château, du réseau Sortir du nucléaire, évoque lui aussi "un enfumage", considérant que le fait de lier la fermeture de Fessenheim au démarrage de l'EPR mais aussi au plafonnement du parc nucléaire permettra à EDF de remettre en cause "sans difficulté" cette fermeture, ne serait-ce qu'en raison du réacteur de Paluel 2, arrêté depuis deux ans, qu'il estime "condamné" à terme.

Certains syndicats et associations vont jusqu'à remettre en cause le fondement juridique même du décret. En effet, contrairement au délai obtenu jeudi par l'énergéticien, le gouvernement n'a pas attendu la demande officielle d'abrogation qui doit normalement lui être transmise par EDF dans les six mois précédant la mise en service de l'EPR de Flamanville.

Un décret appliqué (ou pas) par le prochain gouvernement

Quoi qu'il en soit, à deux semaines d'une élection où plusieurs des principaux candidats (François Fillon et Marine Le Pen) entendent revenir sur cette politique énergétique, pas sûr que la publication de ce décret change réellement la donne. Quant à Emmanuel Macron, qui souhaite s'inscrire dans les clous de la loi de transition énergétique, et plus encore Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, qui veulent sortir du nucléaire en une génération, le feuilleton de Fessenheim doit les inciter à adopter une tactique différente de celle de l'actuel gouvernement s'ils veulent parvenir à leurs fins.