Garanties d'origine : pourquoi les populistes de l'énergie ont tort

Par Julien Tchernia  |   |  989  mots
La G.O. permet non seulement de soutenir les producteurs d'énergies renouvelables mais aussi de contrôler leurs ventes en les empêchant de commercialiser deux fois le volume d'énergie issue d'une production renouvelable. (Crédits : iStock)
OPINION. Depuis qu'Engie ou Total proposent des offres 100 % renouvelables, il est de bon ton de dénoncer les garanties d'origines (G.O.) proposées par de nombreux fournisseurs d'énergie en les qualifiant de "ripolinage vert". Dommage, car c'est le seul véritable système de traçabilité de l'énergie. Mais que garantissent-elles et quelles sont ses limites ? Par Julien Tchernia, président et co-fondateur d’ekWateur.

Nucléaire, charbon, hydraulique, solaire, éolien... L'énergie électrique provient de différentes sources et est injectée sur le même réseau, interconnecté depuis la Pologne jusqu'au Portugal. Or, rien ne distingue un électron d'un autre électron, qu'il soit "vert" ou "gris". Une fois injecté sur ce réseau unique, il devient intraçable.

Pourtant, depuis l'ouverture du marché de l'énergie en 2007, de nombreux fournisseurs d'énergies comme Total, Direct Energie, Engie, Enercoop, ekWateur, Planète Oui et bien d'autres, proposent des offres vertes ou labélisées "100 % renouvelable". Certains présentent même des offres renouvelables "premium". Mais que signifie cette appellation et faut-il s'en méfier ?

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Comment assurer la traçabilité quand c'est impossible ?

S'assurer que l'électron qui arrive chez le client provient d'une source identifiée, n'est pas possible. Pour répondre à ce besoin de traçabilité, l'Union européenne a mis en place un système de traçabilité financière de l'énergie renouvelable produite: la Garantie d'origine (G.O.).

Lancée sous sa forme actuelle en France en 2012, la G.O. certifie, par un document électronique, qu'une source d'énergie renouvelable (éolienne, photovoltaïque, hydraulique ou autre) a injecté une quantité d'énergie (1 MWh) sur le réseau électrique. Ce certificat, délivré par un organisme indépendant, garantit le caractère 100% renouvelable de l'énergie d'un producteur.

La G.O. permet non seulement de soutenir les producteurs d'énergies renouvelables mais aussi de contrôler leurs ventes en les empêchant de commercialiser deux fois le volume d'énergie issue d'une production renouvelable. En effet, sans G.O., le producteur pourrait, en plus de sa production, acheter de l'énergie sur le marché et la revendre comme renouvelable sans que personne ne s'en rendre compte.

Ce qui irrite certains détracteurs, c'est que le mécanisme des G.O. soit décorrélé temporellement de l'achat d'énergie. Comme l'énergie n'est pas stockable, un producteur de renouvelable est contraint de vendre son énergie sur le marché dès qu'il l'a produite. Ce faisant, il obtient une G.O. qu'il pourra vendre plus tard (la péremption est aujourd'hui d'un an).

C'est précisément ces deux temporalités qui permettent d'écouler toutes les G.O.: autrement, le producteur en commercialiserait moins car il ne pourrait pas s'assurer, en temps réel, de ne vendre son énergie qu'à des acheteurs prêt à payer un surcoût pour du renouvelable.

Il existe un marché pour ces G.O. Leur prix, très modeste au départ, a été multiplié par 5 sur 10 ans, suite à l'augmentation de la demande. Cela dit, leur abondance permet aux fournisseurs de proposer des offres vertes plus compétitives que les tarifs réglementés d'EDF. À titre de référence, en France, 17 % de l'énergie électrique provient de source renouvelable, alors qu'environ 2% seulement des consommateurs ont choisi une offre verte.

Les G.O. apportent donc au consommateur l'assurance que, sur une année, la même quantité d'énergie a été produite par des sources renouvelables que celle qu'il a consommée... et qu'elle n'est comptée que pour lui. Celui-ci peut même identifier si l'énergie comptabilisée provient de nouveaux parcs renouvelables, ou de barrages construits il y a plus de 50 ans. Il peut aussi savoir dans quel pays elle a été produite, et obtenir l'adresse du producteur !

Alors pourquoi tant de haine envers la G.O. ?

Le principal reproche fait aux G.O. est qu'elles permettent à un fournisseur d'acheter l'énergie d'une part et les G.O. d'autre part, et donc qu'il est donc très simple de proposer une offre renouvelable. Mais en quoi la simplicité est-elle un mal ?

Evidemment, ce processus permet à des sociétés régulièrement dans le top des entreprises les plus polluantes du monde de proposer des offres vertes. Chacun se fera un jugement sur la sincérité des efforts de ces grands groupes. Il n'empêche que, pour le climat, ce qui importe c'est le volume d'énergie renouvelable injecté sur le réseau. Que l'énergie soit payée d'un côté et la Garantie d'Origine de l'autre n'a aucune influence sur l'impact positif du renouvelable injecté, ni sur les revenus du producteur.

Pour le climat, toutes les offres "100 % renouvelable" présentant les G.O. des mêmes producteurs se valent, même celles de grands groupes pétroliers par rapport aux offres des startups engagées. Voilà la vérité. La travestir s'apparente à du populisme et à soutenir un discours scientifiquement faux, même s'il est plus agréable à entendre pour les plus écolos d'entre nous.

Le consommateur se retrouve néanmoins avec une question : « à qui va mon argent ? ». En effet, avec les G.O., la majorité de la dépense énergie d'un client peut parfaitement, par exemple, aller à EDF et seule la partie G.O. ira au producteur de renouvelable. Celui-ci sera bien payé pour son énergie, mais par quelqu'un d'autre. Alors, comment répondre à cette question ?

Offre "premium" : le plus qui garantit où va son argent

Conscients de cette faiblesse de la G.O., plusieurs fournisseurs proposent des offres "premium". Il s'agit pour l'instant d'initiatives indépendantes. Il n'y a pas encore de "label premium" officiel ou complètement unifié. La démarche mérite cependant d'être soulignée. Concrètement, ces fournisseurs s'astreignent à acheter les G.O. et l'énergie chez les mêmes producteurs. Donc, sans être plus vertes ou plus rémunératrices pour le producteur, celles-ci permettent de répondre aux nouvelles aspirations de la société : transparence, traçabilité, circuits courts. L'Ademe s'est emparée du sujet. Espérons bientôt que leurs travaux se concrétiseront bientôt par un label. Il pourrait même être plus ambitieux que celui utilisé aujourd'hui.

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