Engie met les gaz sur les renouvelables

L’ex. GDF Suez, qui annonce le rachat d’une entreprise spécialiste de l’énergie solaire « hors réseau » en Afrique, rappelle sa stratégie ambitieuse dans les énergies renouvelables et prétend au podium mondial en termes de rythme de développement.
Dominique Pialot
Engie change de braquet sur les énergies renouvelables

Avec l'acquisition annoncée ce 3 septembre, Engie va renforcer sa position sur le marché africain du « off grid », où le groupe est déjà présent auprès des 500.000 clients de sa filiale d'installations solaires domestiques Fenix International, rachetée en 2018 et implantée en Ouganda, en Zambie, au Nigeria, au Bénin, en Côte d'Ivoire et au Mozambique. Fondée en 2011, la startup allemande Mobisol, qui s'était récemment déclarée en cessation de paiement, a équipé plus de 150.000 foyers en Tanzanie, au Rwanda et au Kenya.

Cette offre destinée aux quelque 600 millions d'Africains privés d'accès à une énergie durable et abordable n'est qu'une brique parmi d'autres dans la stratégie du groupe dans les énergies renouvelables.

« Lutter contre le changement climatique, c'est l'essence même de notre stratégie de ces dernières années », affirme Gwenaelle Huet, Directrice générale adjointe d'Engie, en charge de la «business line» renouvelables.

14% du marché français du solaire et de l'éolien terrestre

Le groupe possède aujourd'hui un portefeuille de 24,4 gigawatts (GW) d'énergies renouvelables, qui représentent 22% de sa capacité installée et contribuent à hauteur de 20% (1,1 Mds d'euros) à son résultat opérationnel courant. Une bonne moitié de ce portefeuille est constituée d'hydroélectricité (16,4 GW) notamment au Brésil (12,5 GW) et en France (3,9 GW). Encore embryonnaires, ses positions dans l'éolien (2,1 GW) et le solaire (1,2 GW) français ont nettement progressé ces trois dernières années, permettant à Engie d'afficher une position de leader avec une part de marché de 14%, aussi bien dans le solaire que dans l'éolien terrestre. Et la tendance est bien partie pour se poursuivre, puisque l'entreprise est le grand vainqueur du dernier appel d'offres solaire français avec 700 MW attribués par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Mais son développement dans l'Hexagone serait d'autant plus aisé si la simplification administrative déjà largement entamée dans l'éolien, s'appliquait également au solaire, notamment concernant la disponibilité du foncier, qui risque de représenter plus généralement un frein aux ambitions affichées par le gouvernement pour le secteur.

Garanties d'origine

Si sa production de 20,1 TWh d'électricité renouvelable est largement supérieure à la consommation des clients français de son « offre verte », c'est aujourd'hui via des garanties d'origine qu'elle prouve à ses clients qu'elle produit ou achète autant de KWh qu'elle ne leur en vend. Elle achète ces certificats prouvant la quantité d'énergie d'origine renouvelable produite pour 50% sur le marché français, le reste sur le marché européen, notamment dans les pays scandinaves ou en Autriche, richement dotés en hydro-électricité. « La prochaine étape, ce sera de tracer les électrons », déclare Gwenaelle Huet. Engie développe déjà deux projets pilotes en France (et d'autres à l'étranger), sur un parc éolien et un barrage de la SHEM dans les Hautes-Pyrénées.

9 GW de nouvelles capacités renouvelables dans les 3 prochaines années

Mais, sur un marché mondial qui a vu les prix s'effondrer - surtout dans le solaire - et les capacités installées exploser depuis dix ans, c'est un nouveau changement de braquet, annoncé en février dernier aux marchés financiers, qu'Engie confirme six mois plus tard. Avec 9 GW d'énergie verte développés dans le monde entre 2018 et 2021, son rythme de développement annuel va passer de 0,5 à 3 GW de nouvelles capacités installées, ce qui, selon ses propres calculs, le positionne dans le top 3 mondial sur ce critère. Engie affirme que 8,5 de ces 9 GW prévus sont d'ores et déjà sécurisés, et mise sur la transformation d'une partie de ses 2,8 GW de projets à un « stade avancé de développement » pour combler le gap de 0,5 GW.

La moitié de ces 9 GW devrait se composer de PPA (power purchase agreement), ces contrats de longue durée passés directement de gré à gré avec des collectivités ou des entreprises. Apparus d'abord aux États-Unis, ces PPA commencent à se développer en Europe, essentiellement dans les pays nordiques, mais, depuis cette année, également sur le marché français. Les premiers ont été annoncés par la SNCF avec Voltalia, ou encore Metro avec EDF.

Engie, actuellement en discussion avec plusieurs acteurs industriels français, estime être particulièrement bien armée pour se positionner sur ce marché, notamment sur des PPA sophistiqués consistant à fournir une électricité verte 24/24 et 7/7. Cette exigence de plus en plus répandue chez les clients implique en effet d'agréger une production intermittente éclatée sur plusieurs sites, en un bandeau d'énergie continue. Engie en est capable grâce à son expertise en gestion et trading d'énergie, notamment via sa filiale GEM (Global Energy Management), au contraire, selon ses dires, d'acteurs au profil purement financier ou encore de ceux de la première vague d'énergies renouvelables.

Entre projets complexes et renouvelables banalisés

Ce positionnement sur des projets complexes, ajouté à l'industrialisation de ses process sur les renouvelables « banalisés », permet au groupe de soigner sa rentabilité globale. Son modèle économique consistant à vendre une partie des actifs qu'elle développe tout en en conservant une part, lui permet d'envisager un tel développement à moindre coût. Sur son portefeuille de plus de 24 GW, Engie ne détient ainsi directement qu'une capacité de 17,5 GW.

Cette technique lui permet d'abaisser à 2,5 milliards d'euros le coût net de ces 9 GW supplémentaires, dont le coût brut de développement s'élève à près de 9 milliards d'euros. In fine, ce sont quelque 70% des capitaux investis qui devraient être déconsolidés.

Dominique Pialot

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