L'économie circulaire, un modèle alternatif pour sauver le monde

Par Patrick Cappelli  |   |  761  mots
« Il n'y a pas de planète B », affirmait l'astronaute Thomas Pesquet en réponse à une question sur l'épuisement des ressources naturelles. (Photo : montagne d'ordures d'une décharge à ciel ouvert sur les rivages de Sidon, une ville de bord de mer au sud du Liban, le 8 juin 2012.) (Crédits : Reuters)
L'économie linéaire en vigueur depuis la révolution industrielle n'est pas soutenable à long terme. L'épuisement des ressources et la surconsommation mènent le monde à sa perte, à moins de basculer vers une économie circulaire plus responsable, qui préfère recycler que jeter, partager plutôt qu'acheter.

« Il n'y a pas de planète B », affirmait l'astronaute Thomas Pesquet dans La Tribune le 4 avril dernier, en réponse à une question sur l'épuisement des ressources naturelles. En effet, si l'humanité ne modifie pas son modèle économique, la survie même de notre espèce n'est pas garantie à long terme. L'économie linéaire, qui consiste à extraire des matières premières, les transformer pour en faire des objets qu'on utilise puis qu'on jette, épuise les matériaux et les ressources naturelles comme l'eau ou la terre arable, tout en nous ensevelissant sous une montagne de déchets. Il faut sans attendre envisager des modes de production et de consommation moins intensifs, si l'on ne veut pas que les générations futures vivent dans un monde digne des films post-apocalyptiques.

Une alternative à la décroissance, dont personne - ou presque - ne veut ?

L'argument de la technologie qui va sauver le monde est (peut-être) pertinent, mais c'est le temps qui manque. La population pourrait atteindre 9,7 milliards d'individus en 2050 et 11,2 milliards en 2100, selon la Banque mondiale. « Quiconque croit que la croissance exponentielle peut continuer sans fin dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste », raille l'économiste et philosophe Kenneth Boulding, pour qui environnement et économie sont désormais indissociables.

Il n'est, bien entendu, pas envisageable de transformer radicalement nos habitudes de consommation pour passer à une décroissance dont personne ou presque ne veut. Mais il existe une alternative à ce modèle d'hyperconsommation : l'économie circulaire, qui vise à recycler ou réutiliser plutôt que jeter, à favoriser l'usage plutôt que l'achat, le partage plutôt que la possession, la consommation de produits locaux plutôt qu'importés de l'autre bout du monde. Un nouveau mode de vie plus frugal et plus respectueux de l'environnement, qui pourrait ralentir le train de l'hyperconsommation lancé à plein régime vers le précipice.

Les cinq piliers de l'économie circulaire

Pour Rémy Le Moigne, ancien de Deloitte, consultant et auteur de L'Économie circulaire - Stratégie pour un monde durable (Dunod), cinq pratiques constituent les bases de cette économie alternative.

  • Un : le recyclage des déchets dit en boucle longue, dans laquelle ils sont collectés, triés puis recyclés (compostage ou méthanisation pour les déchets organiques).
  • Deux : le recyclage en boucle courte, qui recycle une même matière sans la mélanger avec d'autres.
  • Trois : prolonger la durée de vie des objets grâce à la maintenance, au reconditionnement et au remanufacturing (processus industriel consistant à remettre un produit usagé dans un état identique ou supérieur à son état d'origine).
  • Quatre : la vente de l'usage ou économie de la fonctionnalité. On n'achète plus un produit, mais son utilisation.
  • Cinq : l'économie du partage, ou économie collaborative, popularisée par les plateformes type Uber, Airbnb ou BlaBlaCar. Un marché en croissance rapide qui devrait augmenter de 35 % par an en Europe, contre 3 % pour l'ensemble de l'économie, pour atteindre 83 milliards d'euros d'ici à 2025, contre 4 milliards aujourd'hui (source PwC).

Bien sûr, remplacer l'économie linéaire par son alternative circulaire prendra du temps. Mais il faut commencer dès à présent. Le gouvernement l'a compris. Le 23 avril dernier, le Premier ministre, accompagné de Brune Poirson, secrétaire d'État à la Transition écologique et solidaire, a présenté la feuille de route du gouvernement pour une économie circulaire depuis une usine du groupe SEB, champion français du réparable. Un programme de 50 mesures aux objectifs ambitieux : réduire de moitié les déchets mis en décharge, tendre vers 100 % de plastique recyclé d'ici à 2025 et créer jusqu'à 300.000 emplois supplémentaires.

« Durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait fixé un objectif de "100 % d'économie circulaire" », rappelle Arnaud Leroy, nouveau président du conseil d'administration de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), et ancien porte-parole du mouvement En marche.

Prudent, le futur président n'avait pas fixé de date butoir. Espérons qu'il soutienne cette feuille de route qui pourrait faire de la France un chef de file de ce nouveau mode de production durable. D'autant que choisir de recycler au lieu de jeter est aussi générateur d'emplois pérennes.

« Le recyclage nécessite quatre fois plus d'emplois que l'enfouissement, car il faut encore une présence humaine très forte. De plus, ce sont des emplois non délocalisables», rappelle Arnaud Leroy.

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POUR EN SAVOIR PLUS : téléchargez le dossier de LA TRIBUNE HEBDO n° 246 du 29 mars 2018 « Les défis de l'économie circulaire »