L'Etat conteste l'impact estimé de ses mesures sur les comptes d'EDF

Par latribune.fr  |   |  880  mots
(Crédits : PASCAL ROSSIGNOL)
Sans intervention du gouvernement pour obliger EDF à fournir de l'électricité à des prix plus bas, 150 entreprises françaises auraient pu fermer en raison de la flambée des prix de l'électricité, et 45.000 emplois auraient été menacés, a estimé le ministère de l'Industrie jeudi. Par ailleurs, selon le Figaro, l'Etat actionnaire conteste les 8 milliards d'euros d'impact estimé par EDF sur ses comptes. Pour l'exécutif, l'impact est de 3 milliards. Le reste constitue une perte d'opportunité par rapport à la hausse des prix.

De quoi alimenter le débat sur le rôle de l'Etat-actionnaire d'une entreprise publique dans un secteur aussi stratégique que l'énergie. Selon le ministère de l'industrie, 150 entreprises auraient pu mettre la clé sous la porte sans l'intervention du gouvernement pour imposer à EDF de vendre de l'électricité à prix cassés à ses concurrents. 45.000 emplois auraient été menacés.

"Pour les consommateurs industriels d'électricité, l'enjeu était existentiel, sans intervention du gouvernement, 150 entreprises électro-intensives auraient pu fermer", menaçant ainsi directement quelque "45.000 emplois", sans compter tous ceux des entreprises clientes en aval de la chaîne, a affirmé un conseiller au cabinet de la ministre déléguée à l'Industrie, lors d'un briefing avec la presse.

Lire aussi Flambée des prix de l'énergie : l'Etat dévoile des « pistes » pour soutenir les industries énergivores

Mercredi, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a jugé mercredi qu'il était "normal de demander" à EDF d'aider à contenir la facture d'électricité des Français.

"Je trouve que c'est normal qu'on demande cela à EDF, parce que c'est de l'argent de centrales nucléaires qui sont amorties" et "qui a payé pour la construction de ces centrales nucléaires? Ce sont les contribuables français, donc c'est normal que dans une période de crise, dans une période exceptionnelle, qu'on demande une aide exceptionnelle à EDF", a mis en avant Barbara Pompili.

"Ils ne vendent pas à perte, ils avaient prévu que cette hausse des prix leur rapporte beaucoup d'argent, ça va leur rapporter moins d'argent que ce qu'ils avaient prévu, c'est un manque à gagner mais ils ne perdent pas d'argent", a souligné la ministre.

Les syndicats scandalisés 

Face à la flambée historique des prix du gaz et de l'électricité en Europe en 2021, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé en septembre un bouclier tarifaire pour limiter à 4% l'augmentation des tarifs réglementés de l'électricité en 2022. Alors que la hausse mécanique aurait frôlé les 45% le 1er février, selon le régulateur, sur la base des prix du marché. Pour y parvenir, le gouvernement a annoncé le 14 janvier une augmentation de 20 terawattheures (TWh) du volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit par EDF cette année au bénéfice des industriels comme des particuliers, un mécanisme appelé Arenh (pour "accès régulé à l'électricité nucléaire historique"). Ce qui a déclenché la grogne d'EDF, direction et syndicats compris qui se sont déclarés « scandalisés » par le « pillage » du groupe. Un appel à la grève a été lancé pour le 26 janvier et les représentants du personnel ont déclenché une procédure de droit d'alerte économique. Selon EDF, ces mesures vont lui faire perdre environ 8 milliards sur son excédent brut d'exploitation 2022.

EDF gonfle l'impact selon le gouvernement

 Une facture gonflée selon une source gouvernementale, citée par le Figaro. La vente. La vente de ces 20 terawattheures (TWh) du volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit ne coûterait au groupe que 3 milliards d'euros et non 8 milliards, selon des sources au gouvernement, « où l'on dit regretter que tout soit mis sur son dos », selon le Figaro. Les 5 milliards d'euros ne constituent pas une perte financière mais une perte d''opportunité par rapport à des recettes qui augmenteront mais moins que prévu à cause de l'action du gouvernement.

"Certes EDF ne bénéficiera pas d'une hausse de ses tarifs de 44,5%, mais tout de même de 19%, ce qui n'est jamais arrivé auparavant et alors que ses coûts de production sont loin d'avoir augmenté dans ces proportions", explique la même source gouvernementale à nos confrères.

En outre, depuis le moment où Jean Castex a annoncé fin septembre qui limiterait la hausse du prix de l'électricité à 4% à partir de février, EDF savait très bien qu'il ne pourrait bénéficier à plein des l'envolée du prix de l'électricité/

Lire aussi 7 mnÉlectricité : l'exécutif accuse EDF de gonfler l'impact du contrôle des prix, le groupe dément

Agnès Pannier-Runacher se rend sur le plus consommateur d'électricité

Par ailleurs, Agnès Pannier-Runacher doit se rendre vendredi sur le site d'Aluminium Dunkerque, plus gros site industriel de France consommateur d'électricité, qui utilise l'équivalent de la consommation d'une ville de 850.000 ménages, pour évoquer ces mesures.

Les sites industriels les plus menacés par la conjoncture étaient ceux qui consomment beaucoup d'électricité, comme les usines d'aluminium, de ferro-alliages, de plastique PVC "qui sont des matériaux courants vendus à d'autres industriels de l'automobile ou de l'aéronautique notamment, qui eux aussi auraient pu subir en cascade un effet domino", a indiqué le conseiller de Bercy.

Alors que le dispositif Arenh, autorisé par la Commission européenne jusqu'en 2025, doit de toute façon s'éteindre, une mission d'expertise a été confiée par la ministre à Philippe Darmayan, l'ancien patron du sidérurgiste ArcelorMittal France, mais aussi ancien patron de l'UIMM et de France Industrie, a indiqué le cabinet.

"Il va réfléchir sur l'établissement de contrats à long terme" pour les industriels désireux de s'approvisionner en électricité, indique-t-on de même source. Sa mission est prévue pour 6 mois, avec un point d'étape fin mars, selon une source industrielle.