Flambée des prix de l'énergie : l'Etat dévoile des « pistes » pour soutenir les industries énergivores

Face à l’envolée des prix du gaz et de l’électricité, les ministres Barbara Pompili et Agnès Pannier-Runacher ont reçu mardi les représentants des industries les plus gourmandes en énergie. Plusieurs pistes ont été évoquées pour les accompagner dans cette crise, mais de nombreuses zones d’ombre persistent, alors même que des ateliers menacent déjà de fermer. Décryptage.
Marine Godelier
Les industriels auraient souhaité un relèvement du plafond de l'Arenh, mécanisme permettant un accès à de l'électricité au prix de revient du parc nucléaire historique, mais le gouvernement « ne l'envisage pas à court terme ».
Les industriels auraient souhaité un relèvement du plafond de l'Arenh, mécanisme permettant un accès à de l'électricité au prix de revient du parc nucléaire historique, mais le gouvernement « ne l'envisage pas à court terme ». (Crédits : O. Mirguet)

Les prix du gaz et de l'électricité pulvérisent les records, et la flambée historique des cours menace l'activité des entreprises les plus gourmandes en énergie. Notamment pour l'aluminium, l'électro-métallurgie, les matériaux, le verre ou encore la chimie lourde, des industries « énergo-intensives », dont les coûts de production risquent d'exploser. Et pour cause, anticipant un surcoût global de pas moins « d'1 milliard d'euros pour 2022 », selon l'Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden), elles se préparent à de lourdes pertes. Et pourraient donc décider, afin de limiter la casse, de diminuer leur production à l'approche de l'hiver.

« On voit déjà des arrêts d'atelier dans la production de zinc, d'acier ou encore d'engrais. Chaque tonne produite se traduit par une perte supplémentaire », s'alarme-t-on à l'Uniden.

Si le gouvernement se veut rassurant, et avance pour sa part ne « pas » avoir « de « signaux d'industriels au bord de l'arrêt » en-dehors du prolongement de « certaines maintenances », le sujet est pris au sérieux. En effet, les ministres de la Transition écologique Barbara Pompili, et de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, ont annoncé mardi des « pistes » pour soutenir les industriels les plus énergivores, après avoir reçu leurs représentants. Sorti « satisfait » de la rencontre, l'Uniden pointe cependant plusieurs limites, notamment sur le court terme.

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Réduction de la fiscalité

Car la principale mesure (presque) immédiate annoncée n'est pas une surprise : elle avait déjà été dévoilée dans le cadre du bouclier tarifaire présenté fin septembre par le Premier ministre, Jean Castex. Concrètement, au même titre que les ménages, les entreprises « profiteront début 2022 de la baisse de la TICFE [Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, qui représente la quasi-totalité des taxes sur l'électricité, ndlr] pour un montant de 200 millions d'euros », a indiqué le ministère de la Transition écologique.

Mais pour l'Uniden, cette baisse de la fiscalité « ne risque pas d'apporter grand chose » ) à ses membres. De fait, « les électro-intensifs bénéficiaient déjà de taux réduits », explique un porte-parole de l'association à La Tribune. En France, les installations industrielles électro-intensives ont en effet le droit à trois tarifs réduits compris entre 7,5 € et 2 € par MWh, selon le degré d'électro-intensivité de la structure, soit une économie de 15 à 20,5 €/MWh.

Considérant la marge de manœuvre trop limitée sur les taxes, l'Uniden demandait plutôt, sur le court terme, que la capacité des industriels à se fournir à en électricité régulée chez EDF, via l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), soit élargie. Pour cause, son prix fixe de 42 euros le MWh est actuellement près de deux fois inférieur à celui du marché. Mais, alors que l'opération pèserait sur les comptes d'EDF et que la réforme de l'Arenh a été reportée en même temps que la réorganisation d'EDF, le gouvernement a rappelé qu'il ne « l'envisage pas à court terme ».

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Compensation de l'impact sur la facture du coût du carbone

L'Hôtel de Roquelaure et Bercy ont préféré mettre en avant une autre « piste robuste » pour limiter la facture des électro-intensifs, en adaptant le mécanisme de compensation des coûts indirects du CO2. Mis en place en 2016, ce dispositif permet aux secteurs les plus exposés au risque de fuite de carbone (c'est-à-dire le transfert de productions vers un pays tiers où la réglementation climatique serait plus souple) de percevoir une aide de l'Etat. En effet, dans le système d'échange de quotas d'émission de l'UE (SEQE-UE), les coûts du CO2 tirent les prix de l'électricité à la hausse et pourraient désavantager les industries européennes sur un marché mondialisé.

Concrètement, cette aide habituellement versée à l'année n+1 aux industries les plus affectées pourrait être partiellement versée dès 2022, soit l'année correspondant aux coûts supportés, et non 2023. Une « bonne nouvelle », réagit l'Uniden, qui salue l'effort de trésorerie que propose l'Etat. Reste qu' « on ne connaît pas précisément le montant aujourd'hui », note le porte-parole. Et surtout, « là aussi », ce dispositif « ne toucherait que certains industriels », alerte l'association, qui demande à revoir la liste des secteurs éligibles.

« Sur 120 TwH de consommation électrique totale par l'industrie, 20 TwH seulement sont concernés par ce mécanisme. La chimie, notamment, a été largement écartée de la liste des secteurs qui peuvent recevoir cette compensation, pour répondre à la logique globale de l'évolution du système SEQE-ETS de réduction de ces outils en faveur du climat », glisse-t-on à l'Uniden.

En effet, alors que les lignes directrices de la Commission européenne concernant ces aides comprenaient en 2012 l' « extraction de minéraux pour l'industrie chimique et d'engrais naturels », la « fabrication d'autres produits chimiques organiques de base » et la « fabrication d'autres produits chimiques inorganique », seule cette dernière catégorie subsiste parmi les sous-secteurs éligibles à la compensation dans les lignes directrices après 2021.

Un groupe de travail pour faciliter les contrats à long terme

Reste que le gouvernement n'entend pas se reposer sur ces mesures compensatoires, et espère agir à plus long terme pour stabiliser les tarifs électriques. De fait, leur volatilité « pose un problème » pour la « décarbonation de notre économie ». Car « celle-ci va passer pour partie par une électrification d'un certain nombre d'usages », ce qui nécessite d'engager de gros investissements (changer des fours thermiques en électriques, par exemple), a-t-on précisé à l'Hôtel de Roquelaure. Or, pour réaliser ces investissements massifs, les industriels ont « besoin de visibilité ».

« On voit que le niveau actuel des prix représente un frein » en la matière, a regretté le cabinet de Barbara Pompili.

Pour tenter d'y remédier, « un groupe de travail va être lancé » avec les énergo-intensifs afin de réguler le marché français de l'électricité à destination des industries, en substitution de l'ARENH (qui prendra fin en 2025). Ses conclusions devraient être remises dès le « début de l'année prochaine ». A cet égard, « plusieurs options seront étudiées », notamment des mesures « de nature à faciliter la conclusion de contrats à long terme » entre fournisseurs et industriels. Bpifrance et la Caisse des dépôts seront mandatés pour étudier notamment les garanties facilitant les conclusions de tels contrats.

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« On souhaite que ce soit fait rapidement, qu'on se mette au boulot et qu'on fasse avancer les choses. Y compris en faisant bouger la Commission européenne, qui commence à prendre conscience de la gravité de la situation », fait-on valoir à l'Uniden.

L'association plaide en effet pour le retour de contrats à long terme avec EDF. Ceux-ci avaient été interdits par l'Union européenne entre 2010 et 2020 (à part une exception, Exeltium), la Commission estimant que l'opérateur historique profitait d'une situation dominante sur son marché.

Marine Godelier

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Commentaires 5
à écrit le 20/10/2021 à 20:22
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Ecolo ou comment pleurer les conséquences, dont ils chérissent la cause !!!

à écrit le 20/10/2021 à 17:26
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Le jour où on consignera le verre comme quand j'étais jeune, ça aura l'utilité de ne plus avoir à fondre le verre cassé dans les conteneurs, ça ça demande beaucoup d'énergie, après chaque usage unique (!). Mais ça complique la gestion, le plastique a...

à écrit le 20/10/2021 à 8:39
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L'état français est en quasi-faillite. A force de "soutenir" tout et n'importe quoi, plus personne ne va soutenir l'état français

le 20/10/2021 à 9:39
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c est pour cela nous observons déjà la valse des pantouflards a L R E M leur unique préoccupation préélectorale

à écrit le 20/10/2021 à 8:01
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"ou encore d'engrais" Ça va ça c'est plutôt une bonne nouvelle maintenant le fléau agro-industriel se propage même jusqu'à la surconsommation énergétique que l'on comprend parfaitement pour l'acier et le zinc. Une véritable malédiction ce truc quand ...

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