L'Etat recapitalise EDF pour lui permettre d'affronter les vents contraires

Par latribune.fr  |   |  701  mots
(Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
EDF a annoncé le lancement d'une augmentation de capital de plus 3,1 milliards d'euros, dont 2,7 milliards seront apportés par l'État. « Ca ne va pas résoudre l'équation financière, face au mur d'investissements qu'EDF a à réaliser », dénonce un syndicat du groupe public.

[Article mis à jour vendredi 18 mars à 12H07]

Emmanuel Macron avait expliqué hier, lors de la présentation de son programme pour la présidentielle, la nécessité pour l'Etat "de prendre le contrôle capitalistique" d'une "partie des activités" d'EDF, " les plus régaliennes ". Ce vendredi, au lendemain de cette déclaration, EDF a annoncé le lancement d'une augmentation de capital de plus 3,1 milliards d'euros, dont 2,7 milliards seront apportés par l'État : Objectif : renforcer ses finances qui devraient être mises à rude épreuve cette année. Le principe de cette levée de fonds avait été dévoilée le 18 février, rappelle EDF, détenu à près de 84% par l'Etat. Le groupe, qui s'attend à une dégringolade de son résultat en 2022, doit composer avec des problèmes dans la production nucléaire.

Mais surtout, le groupe va pâtir des mesures du gouvernement pour limiter la hausse des factures d'électricité à 4% cette année. Ses résultats devraient ainsi être amputés cette année d'environ 11 milliards d'euros à cause de la baisse de production nucléaire et de huit milliards à cause des mesures exceptionnelles de l'Etat. EDF estime, lui, que la baisse de sa production prévue, notamment à cause des problèmes de corrosion qui forcent l'arrêt de plusieurs réacteurs, lui coûtera 16 milliards d'euros d'Ebitda.

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« Face au mur d'investissements »

Pour se renflouer, le groupe mettra en vente deux nouvelles actions pour 13 actions existantes, au prix unitaire de 6,35 euros par nouvelle action, avec un maintien du droit préférentiel de souscription.

"L'augmentation de capital que nous lançons aujourd'hui permettra au groupe de renforcer sa structure bilancielle, dans le contexte des événements de début 2022, et de poursuivre sa stratégie CAP 2030", a indiqué le PDG du groupe Jean-Bernard Lévy, cité dans le communiqué.

"Certes, on renforce les fonds propres, mais de façon très faible et ça ne va pas résoudre l'équation financière, face au mur d'investissements qu'EDF a à réaliser", avait réagi auprès de l'AFP Amélie Henri, secrétaire nationale CFE-Unsa énergies pour EDF.

Les résultats seront plus mauvais que prévu

Le producteur d'électricité a annoncé lundi revoir fortement à la baisse sa prévision d'excédent brut d'exploitation (Ebitda) pour l'année 2022, en raison des problèmes de corrosion de son parc nucléaire et du volume d'électricité que l'Etat le force à vendre à bas prix. Le groupe estime d'une part l'impact de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), c'est-à-dire le volume d'électricité nucléaire que l'Etat l'oblige à vendre à des fournisseurs concurrents à bas prix, à -10,2 milliards d'euros, contre -8,4 milliards estimé initialement.

Par comparaison, en 2021, l'Ebitda d'EDF était de 18 milliards d'euros, pour un chiffre d'affaires de 84,5 milliards d'euros. La hausse de l'impact des deux éléments s'explique par l'évolution des prix à terme 2022, explique EDF dans son communiqué, "dans un contexte de marché extrêmement volatil".

Vente d'électricité à prix cassés aux concurrents

Sur demande de l'Etat le 14 janvier, et selon un décret paru dimanche, EDF va en effet devoir acheter sur le marché 20 térawattheures supplémentaires au prix de 257 euros par MWh, pour les revendre à des fournisseurs d'électricité au tarif de 46,2 euros par MWh. Au total, EDF devra vendre 120 TWh au tarif Arenh cette année, sur une production nucléaire estimée à 295 à 315 TWh.

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L'énergéticien estime par ailleurs que les travaux à réaliser en lien avec les problèmes de corrosion sont "susceptibles de peser sur la capacité du groupe à atteindre ses objectifs", sans tenir compte des éventuels effets de la guerre en Ukraine, "difficilement quantifiables".

Face au double impact de l'Arenh et de la baisse de production, EDF avait annoncé lors de la présentation de ses résultats annuels une augmentation de capital de 2,5 milliards d'euros, à laquelle l'Etat a annoncé participer à hauteur de 2,1 milliards d'euros.

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(Avec AFP)